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Paul-Loup Sulitzer – Ecrivain et homme d’affaires français : « L’argent permet de dire merde à beaucoup de gens »

21 avril 2013, 21:12

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Paul-Loup Sulitzer – Ecrivain et homme d’affaires français : « L’argent permet de dire merde à beaucoup de gens »

Il était une fois un romancier à succès devenu héros brisé de la presse people. L’histoire d’un milliardaire flamboyant flingué par une affaire de vente d’armes, une femme infernale et un an d’hôpital. Mais à 66 ans, Paul-Loup Sulitzer ne renonce à rien.


 

La gloire, la fortune, la descente aux enfers… et l’hôtel La Pirogue à Flic-en-Flac. On dirait que ça va mieux…
Ça va très bien, mais je reviens de loin. J’ai eu un grave accident cardio-vasculaire, dix-huit jours de coma, une peine d’un an ferme d’hospitalisation, deux ans dans un fauteuil roulant. J’étais un légume, paralysé, muet, aveugle, j’aurais dû mourir dix fois mais je suis toujours là. Comme le Phoenix, je renais de mes cendres.


 

Trois mises en examen, trois mariages, un divorce à la Dallas, une faillite financière : pourquoi est-ce si compliqué d’avoir votre peau ?
Je suis « un miraculé », comme ils disent à l’hôpital. J’ai eu cinquante ans de bonheur, c’est ce qui m’a sauvé. Cinquante ans de gloire, de femmes de rêve et d’amitié forte avec ceux qui ont fait l’Histoire.


 

Maurice, c’est pour échapper au fisc ?
Non, malheureusement (rires). Je suis là parce qu’un ami m’a demandé d’être le parrain du Golf Channel Trophy [les 25 et 26 avril sur le green du Touessrok, ndlr], c’est la raison officielle de ma venue.


 

Et l’officieuse ?
La sensualité de Maurice, sa douceur de vivre, ses paysages. Je connais des îles plus belles mais il y a une chose fondamentale que ces îles n’ont pas : les Mauriciens. En Nouvelle- Calédonie, le lagon est extraordinaire, mais les Kanaks ne sont pas des Mauriciens. J’aurais aimé vivre ici, le temps d’écrire un roman ou de tomber amoureux... ou les deux à la fois ! [Il vit actuellement entre Bruges et Paris, ndlr].


 

Qu’est-ce qui vous retient ?
Il faut que je remplisse mon réservoir.

 

Vous êtes ruiné ?
C’est un grand mot, tout est relatif, mais j’ai quand même perdu 25 millions d’euros [un milliard de roupies] en sept ans. C’est ce que m’a coûté mon divorce avec Delphine Jacobson, la maladie, l’Angolagate [une affaire de vente d’armes en Angola qui a empoisonné le monde politico-judiciaire français pendant quinze ans, ndlr] et la privation de mon passeport. La justice me l’a confisqué pendant neuf ans. Pour un consultant financier international, cela équivaut à une mort professionnelle.


 

A l’époque, vous planquiez combien d’argent à Maurice ?
Je n’ai jamais fait de placements ici, je préférais les Bahamas. Vous savez, c’est parce qu’il y a des enfers fiscaux que les paradis fiscaux existent. J’avais des placements gigantesques qui sont devenus minuscules.


 

Redevenir riche, c’est un objectif ?
Non, ça m’est totalement égal.


 

Que représente l’argent, pour vous ?
Ça permet de dire « merde » à beaucoup de gens, c’est tout. Ça ne donne ni la jeunesse, ni la santé, ni l’amour, ni l’intelligence, ni le talent. « L’argent, c’est de la liberté frappée », a écrit Dostoievski. Je le vois comme ça, comme un moyen qui permet de concrétiser ses envies. Francis Ford Coppola disait que l’argent lui permettait de faire d’autres films. C’est une très bonne réponse.


 

Vous avez de l’entregent à Maurice ? Des politiques, des businessmen, des francsmaçons ?
Non, pas spécialement.

 

Votre ex-femme a dit un jour que vous aviez 172 frères à votre service…
Quand Delphine parle, la bêtise est totale.

 

Vous lui reprochez quoi, au juste ?
Elle m’a détourné 6 millions d’euros, elle m’a privé de mes enfants en les emmenant au Canada, elle a saisi dix ans de mes droits d’auteur, le tout en me dénonçant au fisc. Cette femme m’a fait vivre un véritable enfer, l’épouser a été la pire connerie de ma vie. Elle est la petite-fille de Bernard Madoff, la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre...

 

Bernard Madoff, lui, n’avait pas réussi à vous escroquer…
C’est vrai. Je l’ai rencontré au Club 55 à Saint-Tropez. Il a essayé de me vendre son truc, mais je n’ai rien compris à ce qu’il me proposait. Et quand je ne comprends pas quelque chose, je n’y vais pas.

 

Madoff et vous étiez pourtant des prédateurs de la même espèce…
Mais pas du tout ! J’étais un créateur, il y a une grande différence. Les prédateurs n’inventent rien, ils prennent. Je n’ai jamais gagné de l’argent avec du fric, uniquement avec des idées.

 

Parfois avec de drôles d’idées, comme les boules de pétanque en or…
Les Japonais ont adoré et j’ai touché 300 000 euros.

 

Et votre séjour chez Pablo Escobar, l’ex-parrain colombien de la cocaïne, il vous a rapporté combien ?
Là, c’est autre chose. Je suis allé en Colombie pour me documenter sur un de mes livres, Cartel. Pour rencontrer des gens du cartel de Medellin, je me suis fait passer pour un éleveur de chevaux. C’est un souvenir dingue. J’ai atterri dans un ranch immense avec un zoo. Il y avait des zèbres, des tigres, un avion pour transporter la drogue, un endroit surréaliste.

 

Votre vie ressemble à celle d’un personnage de roman. A 16 ans, vous quittez le lycée et vous faites fortune dans les porte-clés…
La mode était passée, j’ai eu l’idée de la relancer. L’astuce, c’était de convaincre les marques qu’en ressortant des porte-clés, elles bénéficieraient d’une grosse publicité gratuite. Ça a marché, les industriels m’ont cédé les droits d’édition et je me suis démerdé. Je faisais fabriquer au Moyen-Orient. Les porte-clés du pape étaient assemblés par des prisonniers en Israël. J’en ai vendu six millions en tout, ça a lancé ma carrière d’aventurier de la finance. Par la suite, je me suis mis aux gadgets. Tout le monde en a acheté au moins un ou deux à l’époque. J’avais sorti un kit du séducteur avec des pastilles d’encre : quand tu serrais la main à une demoiselle, tu lui imprimais ton numéro de téléphone. Il y avait aussi un chausse-pied lumineux et une corde de secours pour pouvoir te sauver par la fenêtre si le mec arrivait.

 

Mais la vraie fortune est venue des romans d’argent...
Elle est venue de mes activités de consulting et de mes bouquins, qui en étaient le prolongement. Je travaillais comme conseiller auprès des Etats, comme apporteur d’affaires pour des multinationales. A côté de ça, mon éditeur me payait pour écrire des westerns financiers, un genre que j’ai inventé. A une époque, je cumulais jusqu’à mille contrats par an en droits d’auteur et en consulting.

 

Y compris des contrats de traficd’armes ?
(Sec) L’Angolagate n’était pas du trafic d’armes, c’était des ventes d’armes soviétiques à l’Angola, deux pays indépendants, la France n’avait rien à foutre là-dedans [cette affaire lui a valu en 2009 une condamnation à 15 mois de prison avec sursis et 100 000 euros d’amende pour recel d’abus de biens sociaux, ndlr].

 

Vous n’avez pas vu l’Afrique, ni les armes, mais vous monnayiez au prix fort votre carnet d’adresses, c’est ça ?
Pas au prix fort ! L’Angolagate était un contrat ridicule. A l’époque, je touchais des millions pour des contrats bien plus juteux. Hachette me payait 5 millions par an, alors il faut arrêter les conneries ! Avec l’Angolagate, j’ai fait mon métier : trouver du fric et monter des opérations avec des gens qui ont des choses à faire. Point à la ligne.

 

Depuis cette affaire, votre carnet d’adresses est-il toujours aussi épais qu’un burger ?
Comme un triple burger, meme après avoir élagué beaucoup de gens.

 

Revenons à vos livres. Vous aviez l’art de les vendre, n’est ce pas ?
J’en ai vendu 67 millions dans le monde entier.

 

Vous saviez aussi payer le silence de ceux qui les écrivaient…
(Remonté) C’est de la bêtise ! S’il suffisait d’engager des « nègres » pour faire de l’argent, les maisons d’édition seraient immensément plus riches. Bernard Pivot [qui révéla que Paul-Loup Sulitzer n’écrivait pas ses livres, ndlr] était un bon journaliste mais un piètre écrivain et un ayatollah culturel. En fait, il a été pour moi un agent de pub, comme Alain Souchon, sauf que lui est beaucoup plus sympathique.

 

Enfin de compte, on nous Claudia Schiffer ou on nous Paul-Loup Sulitzer ?
Les deux ! Le soir des Victoires de la musique, Souchon m’a remercié, c’est un type intelligent. Je n’ai pas touché un sou pour cette chanson [Foule sentimentale, 1993, ndlr], mais bon, je ne fais pas de procès pour ce genre de chose.

 

Parce qu’un chanteur qui fredonne votre nom est censé vous verser des royalties ?
Oui, mon nom est une marque déposée. Une filiale d’Elf l’avait acheté au prix fort dans les années 1980 pour créer une banque. Puis il y a eu l’affaire Elf, les nouveaux dirigeants ont démoli le projet, mais j’ai gardé le fric. Je ne suis quand même pas responsable des caprices de ces gens-là !

 

Et si votre génie avait été l’art du factice ? Ni écrivain, ni acteur, ni financier, ni requin, ni puissant… mais un peu tout à la fois.
J’ai horreur des étiquettes. Qu’est-ce que c’est que ce monde où il faut cracher des étiquettes à la gueule des gens ? (Il s’emporte) Un Noir, un Juif, un journaliste… ça me rend fou. Mon copain Pierre Salinger a été porte-parole de la Maison-Blanche, puis banquier, puis journaliste, puis homme d’affaires moyen. Une personne ne s’arrête pas à sa fonction du moment, bon sang ! Vous n’êtes pas qu’un journaliste, vous êtes d’abord un homme. Peut-être que demain vous serez ministre, après-demain pêcheur et ensuite un grand amoureux à la Casanova.

 

En parlant de Casanova, et Eva dans tout ça ? [Eva Kovalewska, son ex-fiancée polonaise âgée de 35 ans de moins que lui, ndlr]
(Large sourire) Formidable Eva ! Elle est là (il montre son smartphone). Mon accident nous a séparés. La mort dans l’âme, je l’ai convaincue de me quitter : « Regarde-moi Eva, je vais mourir, tu es toute jeune, pars refaire ta vie à Londres. » J’ai même financé le voyage. Je ne voulais pas qu’elle s’accroche à un mourant sur un lit d’hôpital. J’étais devenu impuissant, je ne pouvais pas demander à une beauté pareille de rester une sainte pendant trois ans.

 

Votre dernier roman, L’Empire du Nénuphar, paru en 2011, n’a été imprimé qu’à 50 000 exemplaires. Une misère en comparaison des 2 millions de Money…
Ce n’est plus la même époque. Aujourd’hui, il y a Internet, les tablettes, des centaines de chaînes télé. De toute façon, je n’ai jamais pensé qu’un tirage était un gage de talent. Money n’a pas fait de moi un auteur génial. Quand André Gide a écrit Les nourritures terrestres, il a vendu 500 exemplaires en dix ans.


 

Vos mémoires sortiront en novembre prochain sous le titre Monstre sacré. Quelques pages sur Maurice ?
Oui, je raconte mon coup de coeur pour cette île. Je ne suis d’ailleurs pas le seul. Si mes amis Chirac ou Delon viennent là, ce n’est pas pour enfiler des pommes de terre. Alain est jaloux, il m’envoie des SMS tous les deux jours. (Il pianote sur son smartphone) Voilà le dernier : « Après l’Europe, le paradis. Sois heureux dans cet endroit de rêve ».

 

Et vous l’êtes ?
Vous n’imaginez pas à quel point.

 

« Je n’ai jamais fait de placements à Maurice, je préférais les Bahamas. C’est parce qu’il y a des enfers fiscaux que les paradis fiscaux existent. »

 

« J’étais un créateur, pas un prédateur. Je n’ai jamais gagné de l’argent avec du fric, uniquement avec des idées. »