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Pèlerinage franco-allemand à Oradour, village martyr

5 septembre 2013, 15:00

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Pèlerinage franco-allemand à Oradour, village martyr

François Hollande et Joachim Gauck soutenant un survivant dans l'église en ruines d'Oradour-sur-Glane restera l'une des images fortes des cérémonies du mercredi 4 septembre dans le village martyr du Limousin, témoin français de la barbarie nazie.

 

Dans le bourg aux ruines figées depuis le 10 juin 1944, les présidents français et allemand ont multiplié gestes d'émotion et paroles de réconciliation à la mesure du «pire des crimes, un crime contre l'Humanité» à surmonter pour les deux Nations. «Vous êtes la dignité de l'Allemagne d'aujourd'hui, capable de regarder en face la barbarie nazie d'hier», a dit François Hollande à son hôte, premier dirigeant allemand à fouler les rues sableuses bordées de maisons anéanties du village où les nazis tuèrent 642 personnes, dont plus de 200 enfants.

 

«L'amitié entre nos deux pays est un défi à l'Histoire mais aussi un exemple pour le monde», a-t-il souligné, à l'approche des cérémonies du centenaire de la Guerre 1914-18. Des moments de grande émotion ont marqué cet après-midi du souvenir dans le village fantôme où l'herbe repousse entre les pierres et les objets rouillés - automobiles, chaises, objets du quotidien -, témoins d'une vie brutalement interrompue.

 

Le 10 juin 1944, quatre jours après le Débarquement américain en Normandie, la division SS Das Reich reçut l'ordre d'anéantir la bourgade rurale d'autant moins méfiante qu'elle n'avait connu en son sein aucune manoeuvre de la Résistance. Femmes et enfants périrent dans l'église incendiée d'où une seule habitante réussit à s'échapper par un vitrail. Rassemblés dans des granges, les hommes furent pour la plupart tués par balles. Le massacre dura à peine trois heures.

 

L'église d'Oradour fut mercredi le théâtre de pierre de l'une les scènes les plus émouvantes. A l'écoute du récit d'un survivant bouleversé de 88 ans, Robert Hebras, les deux présidents se sont pudiquement pris la main du bout des doigts, face à l'autel brisé devant lequel gît la carcasse rouillée d'une poussette d'enfant. C'est ensemble et en silence, les deux présidents soutenant leur aîné, que les trois hommes sont ressortis de l'édifice, prenant le temps d'une accolade de réconfort sous le porche.

 

Dans le cimetière où une tour a été dressée «en hommage aux martyrs», ils se sont de nouveau tombés dans les bras. «Merci pour la vie», a glissé à Robert Hebras un François Hollande au visage emprunt d'une grande gravité. «Respect, hommage, souvenir», a écrit sur le livre d'or le président, que l'émotion a fait se tromper d'une journée dans son message, daté du 3 septembre.

 

Dans son discours prononcé devant le Centre de la mémoire inauguré en 1999, Joachim Gauck a avoué la difficulté de faire face à ce «crime barbare et atroce». «Il est pour tout Allemand douloureux de venir ici, quelles que soient le nombre d'années qui se soient écoulées», a-t-il reconnu.

 

«ASSASSINS SANS CONSCIENCE»

 

L'ancien responsable des archives de la police est-allemande devenu président fédéral l'an dernier a témoigné de la «considérable culpabilité ressentie par les Allemands ici», de leur difficulté à comprendre «comment des hommes ordinaires sont devenus des assassins sans conscience». Il a dit partager «l'amertume» de ceux qui regrettent que les principaux responsables des pires atrocités nazies n'aient pas été punis.

 

Au-delà des symboles, les deux présidents ont voulu emporter d'Oradour un message pour l'avenir. «Le bacille de la peste de l'horreur de la guerre peut se réveiller à tout moment», a prévenu Joachim Gauck.

 

Citant Jean Tardieu, François Hollande a déclaré : «'Oradour n'est plus qu'un cri'. Eh bien ce cri, M. Le président, je l'entends encore et je l'entendrai toujours quand il y aura d'autres massacres à travers le monde». Alors qu'au même moment, l'Assemblée nationale débattait de l'opportunité d'intervenir dans la tragédie syrienne, François Hollande a fait la promesse «de ne pas accepter l'inacceptable partout où il se produit».

 

Ancien élu de Corrèze, terre de Résistance, le président prend part chaque 9 juin à Tulle à la «marche des pendus», en souvenir des 99 hommes tués à la veille du massacre d'Oradour par la même division nazie qui battait en retraite. François Hollande est revenu dans son discours sur les lendemains de la tragédie, marqués par les difficultés à retrouver les coupables.

 

Lors de procès organisés en 1953 et 1983, des Allemands, mais aussi des Français, Alsaciens incorporés de force dans l'armée allemande pour la plupart, se sont retrouvés sur le banc des accusés. La procédure judiciaire n'est pas close. Une nouvelle action a été ouverte en 2010 contre sept anciens SS encore en vie.