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Pierre Vergès : « Maurice et la Réunion doivent affréter un seul navire pour le carburant »
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Pierre Vergès : « Maurice et la Réunion doivent affréter un seul navire pour le carburant »
Le vice-président du Conseil Général de la Réunion estime qu’avec la hausse des carburants, Réunionnais et Mauriciens doivent « rassembler nos forces et nos atouts, en mutualisant, dans un premier temps, l’approvisionnement de notre énergie fossile, indispensable à notre existence ».
Vous suggérez que Maurice et la Réunion importent leurs besoins en carburant ensemble ? Est-ce que cela peut aussi être appliqué pour les produits de consommation courante ?
L’idée que j’ai suggérée, à savoir mutualiser les moyens réunionnais et mauriciens pour s’approvisionner en carburants, est en fait, à mon sens, la réponse à une question : comment pouvons nous faire face à cette problématique qu’est la hausse inéluctable du prix des carburants. Et quels sont les leviers que nous pouvons actionner ?
Je ne vais pas développer les raisons de cette inflation du prix de gas-oil à la pompe, tout le monde le sait : rareté du pétrole, crise dans le détroit d’Ormuz, dévaluation de l’euro face au dollar.
Jusqu’à maintenant, chacun tente de contenir les effets de cette hausse sur le pouvoir d’achat de la population, mais ce ne sont que des sparadraps. Tous les mois, nous enregistrons une hausse des carburants. On ne peut plus continuer ainsi. Il faut trouver des solutions durables. Le moment est venu pour nous Réunionnais de nous rapprocher de nos voisins et amis Mauriciens pour rassembler nos forces et nos atouts, en mutualisant, dans un premier temps, l’approvisionnement de notre énergie fossile, indispensable à notre existence. En réduisant les marges des différents intervenants, notamment ceux des courtiers sur le marché pétrolier mondial de Singapour, en réduisant les frais d’approches CAF (coût assurance fret), en affrétant un seul navire pour le transport, il est évident que nous allons réduire le coût du prix de revient du litre de gas-oil et de fuel.
Cette démarche liée à l’approvisionnement des carburants vaut également aux autres produits de consommation, le riz par exemple, voire également aux matériaux de construction et industriel.
Selon votre calcul, par combien d’euros, ou plutôt de centimes d’euros, le carburant va baisser si Maurice et la Réunion décident de s’approvisionner à la même source ?
Si l’on active ce levier transport et approvisionnement par une mutualisation, je pense que nos deux îles y gagneront. A la Réunion d’abord où le CAF (coût assurance fret) représente 60 cts d’euros sur le litre de gas-oil. Il n’y a aucune transparence sur ce point, mais je pense qu’on peut raisonnablement réduire ce montant de 15 à 20 cts d’euros. A l’île Maurice cette prestation représente, selon nos informations, 22 cts d’euros/litre. Comme vous voyez, cela donne déjà une petite idée de la marge de manœuvre sur les 60 cts d’euros du litre de gas-oil réunionnais. En mutualisant, à la fois notre volume commun sur le marché pétrolier international de Singapour et les prestataires pour le CAF, nous devrions obtenir une baisse substantielle du litre de carburant à la pompe. 15 à 20 cts d’euros, croyez-moi ! seront les bienvenus dans le portefeuille des Mauriciens et des Réunionnais.
Est-ce que votre idée a reçu un accueil favorable auprès des élus locaux ?
Pour l’heure, et face à la colère brutale de la rue, les autorités réunionnaises gèrent au plus pressé : baisser de 8 cts d’euros dès le 1er mars le prix du litre de gas-oil et définir la baisse ou le gel de 40 produits alimentaires de première nécessité. Mais, je répète, ce ne sont que les sparadraps. Dans quelques mois le prix des carburants aura de nouveau augmenté. Par ailleurs, il faut savoir que ce problème de vie chère à la Réunion ne pourra pas faire oublier le véritable cancer de notre île : le chômage qui a fait un gigantesque bond depuis l’abandon par l’actuel président du Conseil Régional du programme des grands chantiers de développement pour la Réunion, notamment celui du tram train. En deux ans, ce sont plus de 12 000 emplois direct dans le BTP qui ont été détruits. C’est un drame !
Je pense que ma proposition de mutualisation entre nos deux îles pour l’approvisionnement du carburant doit être portée par une institution politique telle que la COI (Commission de l’Océan Indien) et mise en œuvre par des experts désignés par les instances locales. A la Réunion, ce sont les deux assemblées territoriales, mais aussi les chambres consulaires de la Réunion et de l’île Maurice qui doivent se positionner sur cette démarche de mutualisation en créant une structure commune.
Aujourd’hui, où le quotidien des populations se joue sur les marchés financiers, nous ne pouvons plus rester fatalistes. Le moment est venu de faire preuve d’innovation pour apporter des solutions durables à nos économies et à nos populations.
Une raffinerie à Madagascar… Est-ce que ce n’est pas trop ambitieux comme projet ? Surtout avec la crise qui secoue la Grande île ?
D’abord, la crise à Madagascar est avant tout une conséquence d’une crise politique qui perdure depuis plusieurs décennies. Et je suis d’accord avec vous, une situation qui dure trop longtemps. Madagascar est un pays très riche naturellement mais qui possède des atouts et un potentiel énorme. C’est la confiance qui manque.
Cela dit, les Mauriciens, mais surtout les Réunionnais ont, de par le passé, eu un lien très fort avec nos amis de la Grande île.
A long terme, une raffinerie à Madagascar est certes un projet ambitieux, mais pas impossible. Premièrement, ils ont du pétrole, certes, je vous l’accorde, pas bien exploité mais très encourageant pour ceux qui font de l’extraction actuellement, notamment Total. Ce qui n’empêche pas aujourd’hui nos amis Malgaches d’importer leur carburant raffiné du Golfe et de payer le litre de gas-oil 1,22 euro.
Une raffinerie à Madagascar permettrait pour nos trois pays d’acheter le pétrole brut et de le raffiner à moindre coût. Et ainsi de réduire davantage le prix du litre de gas-oil à la pompe. Là aussi, nous pourrions faire appel aux aides financières de l’Europe et pourquoi pas des pays d’Asie, notamment la Chine pour les investissements.
Le projet d’une raffinerie à Maurice ou à la Réunion serait-il viable ?
Sincèrement, je pense que non, compte tenu de notre marché étroit, d’1,9 million d’habitants, ne suffit pas à assurer un équilibre économique durable pour un tel projet. D’où une démarche devant intégrer la Grande Île qui compte 24 millions d’habitants.
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