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Pundit Ved Gopee: "Politique et religion sont distinctes"

9 mars 2009, 14:20

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Le pundit Gopee est un prêtre hindou qui a la particularité de ne pas pratiquer la langue de bois. Il nous livre ses réflexions sur la proximité religion et politique lors de l’élection partielle au No. 8. Il est pundit et aussi vice-président du Conseil des religions. Avant d’avancer que la religion hindoue autorise un engagement politique, des leaders socioculturels hindous devraient, selon le pundit Gopee, revoir les textes sacrés. Il invite aussi ces personnes à ne plus parler au nom des prêtres hindous. Ses propos ont le mérite de la clarté et de la franchise.

En tant que prêtre quel regard portez-vous sur la prise de position de certains dirigeants des associations socioculturelles hindoues lors de la partielle au No. 8?

Au sein du Conseil des Religions, nous avons évoqué la question au sens large du terme. Quelle frontière existerait-elle entre la religion et la politique? Le religieux peut-il prétendre donner un mot d’ordre lors d’une joute politique? Nous allons convoquer une réunion élargie en ce sens. Réunion au cours de laquelle, il sera demandé aux religieux de réfléchir à la question. Nous préparerons, ensuite, un document basé sur ce que disent les différents textes sacrés sur le rapport entre la religion et la politique. L’objectif est d’éviter, aux prochaines élections législatives, qu’on n’ait pas à témoigner de ce qui vient de se passer au No. 8.

Justement qu’est-ce qui s’est passé au No. 8?

D’abord permettez-moi de préciser que je fais partie des sanathanistes. Le sanathaniste croit en une forme de dieu et c’est une école de pensée qui compte quelque 250 temples à Maurice. Avec l’arya samaj, elle constitue les deux plus importantes écoles de pensée hindoues à Maurice. Somduth Dulthumun est le président de l’association des temples sanathanistes, la Mauritius Sanathan Dharma Temples Federation. En tant que prêtre sanathaniste, je constate que pratiquement toutes les associations socioculturelles, je dis bien socioculturelles et non religieuses, se sont engagées dans cette partielle. Je suis heureux de noter qu’il n’y a eu, à aucun moment, un quelconque mot d’ordre du mouvement de l’arya samaj. Ça, c’est une bonne chose. Deuxièmement, je n’ai pas vu non plus les associations des prêtres donner des directives de vote. Ça aussi, c’est une bonne chose.

Mais d’autres ne se sont pas embarrassés d’indiquer aux électeurs l’identité du candidat pour lequel ils doivent voter…

Il est, en effet, dommage que certaines personnes et des leaders de groupes socioculturels se soient engagés dans cette bataille politique. Ils ont mélangé la politique et la religion. Ils ont pris l’exemple de Ramayana et d’autres textes sacrés pour justifier leurs postures. Moi, en tant que prêtre sanathaniste, je dis qu’ils ne comprennent pas le Ramayana. Dans le Ramayana, on dit quels doivent être les traits d’un dirigeant politique. Le Ramayana préconise une forme de gouvernement basé sur des valeurs. Mais il n’est pas dit dans le Ramayana de faire de la politique partisane. Dans l’hindouisme, on respecte les opinions de tous. Mais on n’a pas le droit de pratiquer la politique partisane et demander aux électeurs de voter pour X ou Y.

Cela n’a pas été le cas à la seule partielle qui vient d’avoir lieu. Comment faire pour changer les choses à terme?

A l’avenir, il faudrait que le Code de conduite électoral soit respecté. En 2005, le Conseil des religions avait déjà demandé à ce que les lieux de culte ne soient pas utilisés à des fins politiques. Ce ne serait pas bien pour notre démocratie, si tous les imams, tous les prêtres catholiques, tous les pundits en viennent à demander à leurs fidèles de voter pour un camp ou pour l’autre. Or, le fait demeure que ce sont surtout des leaders des associations socioculturelles hindoues qui donnent des consignes de vote.

Qu’est-ce qu’ils gagnent à faire cela?

Certains pensent qu’être présidents d’une association leur donne le pouvoir de contrôler des milliers de gens. Or, je ne crois pas qu’ils valent quelque chose. Il y a plutôt la recherche de l’intérêt personnel. Est-ce qu’ils sont vraiment concernés par les problèmes et tous ces maux qui minent les hindous et la société au sens large du terme? Je crois qu’ils ne s’en soucient nullement. S’ils avaient une formation religieuse et culturelle, ces leaders des associations socioculturelles auraient su quelles sont leurs responsabilités. Ils font du tam-tam pour impressionner les gens au gouvernement, pour s’assurer de gains personnels. C’est tout!

Les politiques également sont complices de ce système vicié…

Les politiques ont besoin d’une plate-forme pour vendre leurs produits. Mais ce qui m’inquiète, c’est le retournement de veste de certains. Trois ans cela, un certain 2 novembre à Quatre-Bornes, il y avait une manifestation de la Voice of Hindu au cours de laquelle Somduth Dulthumun avait déclaré qu’il ne faut pas mélanger politique et religion. Qu’est-ce qui a changé depuis? Pourquoi, il ne faut pas mélanger politique et religion lorsque Paul Bérenger est Premier ministre? Pourquoi est-ce que c’est permis lorsque c’est quelqu’un d’autre? Et ce sont ces personnes qui viennent parler au nom des prêtres. Qu’ils nous laissent travailler en paix!

De manière générale, quel regard portez-vous sur l’élection partielle au No. 8?

On a beaucoup parlé de religion et de philosophie hindoues lors de cette élection. Moi, je retiens que personne, aucun de ces leaders des associations socioculturelles, n’est venu dire à l’oncle et au neveu Jugnauth que ce qu’ils ont fait n’a rien à voir avec la religion et la philosophie hindoues. On ne peut pas laver ainsi son linge sale familial en public. Nous avons des centaines d’associations religieuses hindoues à Maurice. Mais personne ne leur a rappelé les valeurs de l’hindouisme. Au contraire, des leaders des associations socioculturelles ont alimenté ce conflit. Cette élection partielle a largement dépassé le cadre politique. Tout cela m’attriste. Maintenant que cette élection est passée, j’espère que l’oncle et le neveu vont se réconcilier.


Comment se passe cette relation incestueuse entre politiques et leaders des associations socioculturelles?

Je tiens d’abord à dire qu’il est malheureux, malgré le fait que nous ayons plusieurs associations qui regroupent les prêtres hindous, que nous n’ayons jamais discuté entre prêtres de l’attitude à prendre par rapport à la politique. Cela dit, je sais que des politiques se font inviter par des associations. Qu’ils demandent à voter pour eux ou pour leurs candidats. Étant des personnes civilisées, nous les recevons. Mais nous n’avons aucun ordre ou requête à recevoir d’eux. D’ailleurs, certains d’entre eux sont aujourd’hui des présidents de tel ou tel conseil d’administration. Et ils s’amusent peinards…


Ne craignez-vous pas que vos propos ne suscitent colère et irritation chez certains?

Autant qu’ils disent qu’ils sont dans une démocratie et qu’ils peuvent faire de la politique, autant je dis que le pundit Gopee a un droit à la parole.