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Quelles assises pour l’éducation du futur ?
13 octobre 2013, 09:01
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Quelles assises pour l’éducation du futur ?
Comment envisager le monde nouveau qui nous emporte ? Sur quels concepts essentiels devrons-nous fonder notre compréhension du futur ? Sur quelles bases théoriques pouvons-nous nous appuyer pour considérer et surmonter les immenses ruptures qui s’accroissent ?
Dans Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, le philosophe français Edgar Morin propose le viatique minimal pour nous aider à regarder l’avenir en face. A l’occasion des Assises de l’éducation qui s’ouvrent lundi 14 octobre, la lecture de l’ouvrage d’Edgar Morin est vivement recommandée à tous les participants.
Dans le premier chapitre, «Les cécités de la connaissance», Edgar Morin écrit que l’éducation doit montrer qu’il n’est pas de connaissance qui ne soit, à quelque degré que ce soit, menacée par l’erreur et par l’illusion, car, tant au niveau de la traduction que de la reconstruction, elle comporte de l’interprétation, ce qui introduit le risque d’erreur à l’intérieur de la subjectivité du connaissant, de sa vision du monde, de ses principes de connaissance. Dans le deuxième chapitre, «Les principes de la connaissance pertinente», le philosophe dénonce l’inadéquation entre, d’une part, nos savoirs disjoints, morcelés, compartimentés et, d’autre part, des réalités ou problèmes de plus en plus polydisciplinaires, transversaux, multidimensionnels, transnationaux, globaux, planétaires, et affirme que, pour qu’une connaissance soit pertinente, l’éducation doit rendre évidents le contexte, le global, le multidimensionnel et le complexe.
Edgar Morin écrit plus loin que l’éducation devrait proposer un enseignement premier et universel portant sur la condition humaine. «D’où la nécessité d’un grand remembrement des connaissances des sciences naturelles afin de situer la condition humaine dans le monde, de celles des sciences humaines pour éclairer les multidimensionnalités et complexités humaines, et la nécessité d’intégrer l’apport inestimable des humanités, non seulement philosophie et histoire, mais aussi littérature, poésie, arts…» Il souligne les multiples aspects de notre condition. D’abord cosmique, car nous sommes faits de la «poussière d’étoiles». Puis terrestre, car en tant qu’êtres vivants de la planète Terre, nous dépendons vitalement de la biosphère terrestre. Humaine, puisque l’hominisation, une aventure commencée il y a des millions d’années, se poursuit et aboutit à un nouveau commencement.
L’auteur rappelle l’héritage à la fois de progrès et de mort du XXe siècle. D’une part, il y a les progrès inouïs dans tous les ordres de connaissances scientifiques, des progrès médicaux considérables, des progrès libérateurs dans l’usage des machines. De l’autre, le XXe siècle a semblé donner raison à la formule atroce selon laquelle l’évolution humaine est une croissance de la puissance de mort. La possibilité de la mort globale de toute l’humanité par l’arme nucléaire s’accroît avec la dissémination et la miniaturisation de la bombe. «La potentialité d’auto-anéantissement accompagne désormais la marche de l’humanité.»
Edgar Morin n’oublie pas les nouveaux périls: la possibilité de la mort écologique par les déjections, émanations, exhalaisons de notre développement technico-industriel urbain, l’apparition de virus inconnus, les puissances d’autodestruction, latentes en chacun de nous, qui s’activent partout où s’accroissent les solitudes et les angoisses.
Pour surmonter ces dangers, Edgar Morin est d’avis que l’union planétaire est l’exigence rationnelle minimale d’un monde rétréci et interdépendant. «Une telle union a besoin d’une conscience et d’un sentiment d’appartenance mutuelle nous liant à notre Terre considérée comme première et ultime Patrie.». Il avance ainsi la notion de Terre-Patrie.
Pour le philosophe, nous n’avons pas encore incorporé le message d’Euripide : s’attendre à l’inattendu. Si les siècles précédents ont toujours cru en un futur, soit répétitif soit progressif, le XXe siècle a découvert l’imprédictibilité du futur : «Certes, il existe des déterminations économiques, sociologiques et autres dans le cours de l’histoire, mais celles-ci sont en relation instable et incertaine avec des accidents et aléas innombrables qui font bifurquer ou détourner son cours.»
Pour terminer, je retiens ces réflexions d’Edgar Morin sur la démocratie qu’il faudrait enseigner dans le cadre des relations individu/société. Les démocraties, dit-il, sont fragiles, car elles vivent de conflits qui peuvent les submerger. «La démocratie n’est pas encore généralisée sur l’ensemble de la planète… De plus, les démocraties existantes sont non pas accomplies mais incomplètes ou inachevées.» On peut donc se demander si l’école ne pourrait pas devenir concrètement un laboratoire de vie démocratique.
«Pour le philosophe, nous n’avons pas encore incorporé le message d’Euripide : s’attendre à l’inattendu.»
Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur, Edgar Morin. Editions du Seuil, 144 pages
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