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Rajen Suntoo : «Le vieillissement physique survient de plus en plus tard »

24 juin 2010, 15:03

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Le sociologue et maître de conférences à l’université de Maurice analyse le comportement de la société vis-à-vis des personnes âgées.

Un nombre grandissant de personnes âgées sont envoyées en maisons de retraite, ashrams ou autres couvents. Cela n’indique-t- il pas que le Mauricien devient de plus en plus individualiste, pour ne pas dire égoïste ?

De nos jours, le vieillissement de la population prend de plus en plus d’ampleur. Il est de l’ordre de 10% actuellement. De ce fait, avec la modernisation, on voit que le modèle de la famille traditionnelle évolue vers un modèle nucléaire, avec le papa, la maman et les enfants. Ce changement donne lieu à une situation difficile pour nos aînés, où personne ne peut s’occuper d’eux. C’est tout à fait normal que les gens se tournent vers les maisons de retraite. Ce phénomène d’individualisme est un phénomène mondial. Dans les pays développés, comme la Chine, il est lié au rythme de développement. Le groupe le plus vulnérable, c’est celui des personnes âgées. La transformation économique amène également une transformation sociale. Elle apporte un changement d’attitude envers les aînés. Il devient de plus en plus difficile de concilier la vie de famille, le travail, le développement personnel et la prise en charge des aînés. Dans les années 70 et 80, la proportion élevée des femmes au foyer faisait qu’il y avait toujours quelqu’un à la maison pour s’occuper d’eux. Maintenant, tout le monde est obligé de travailler.

Les pensions ou autres allocations financières sont-elles nécessaires pour assurer la prise en charge des personnes âgées, qui est, pour certains, un devoir moral ?

S’occuper de ses aînés est une chose normale. C’est une formule de Welfare State que nous devons garder. Ces personnes ont travaillé pour moderniser le pays. Il serait normal que maintenant on s’occupe d’elles. Je suis d’avis que l’aspect économique et social doit revenir à l’Etat. La famille mauricienne change et l’Etat doit s’en rendre compte et composer avec ce changement.

Même si des aides financières sont allouées, il n’y a pas moyen de garantir que les vieilles personnes touchent leur pension, d’où le besoin de sensibiliser la population, surtout les jeunes à l’école. Il faut leur montrer la valeur de ces vieilles personnes. Il faut changer les attitudes par rapport au bien-être des personnes âgées. Un travail qui nous concerne tous. Il s’agit de nous, Mauriciens de la société civile, dans les organisations non-gouvernementales, et ce à travers les médias, entre autres.

Comment le rôle joué par nos aînés dans la société est-il appelé à changer ?

Nous devons réaliser que si le vieillissement est quantifié d’après l’âge de la personne, il n’est pas psychologique. La preuve : nos principaux leaders politiques ont plus de 60 ans et sont toujours fi t for duty, comme on dit. Le vieillissement physique lui-même survient de plus en plus tard. Nous devons donc trouver de nouveaux systèmes pour les «recycler». Par exemple, dans le cadre de la campagne nationale de computerisation, on aurait pu former nos aînés au tele-working, comme c’est le cas à l’étranger. On pourrait également permettre aux gens de choisir de prendre leur retraite plus tard. On peut aussi créer un Crisis Management Team, sorte de comité des sages. Ils ont l’expérience, ayant vécu des situations difficiles. On pourrait se servir de leurs idées, car ils ont encore les aptitudes pour agir en conseillers.
Je ne dis pas qu’il faut exclure les jeunes mais considérer les idées des aînés comme des garde-fous pour lutter contre les fléaux qui rongent la société. Ces personnes âgées ne doivent plus être considérées comme celles qui vont déposer les enfants à l’école. Dans un pays en pleine mutation, nous avons encore besoin d’eux.

Propos recueillis par Ludovic AGATHE

Ludovic AGATHE