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Raju Jaddoo : «Il faut ouvrir Jin Fei aux autres investisseurs»
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Raju Jaddoo : «Il faut ouvrir Jin Fei aux autres investisseurs»
L’ancien directeur  général du «Board of Investment »  se prononce sur le projet Jin Fei et sur la façon de faire la promotion de Maurice auprès des investisseurs.
?La population est restée sur sa faim en ce qui concerne les tenants et aboutissants de la Zone économique «Tianli», rebaptisée «Jin Fei». Vous étiez au «Board of Investment» (BOI) quand ce projet prenait forme, en 2006. Que pouvez-vous nous dire sur ce «deal» sino-mauricien ?
Il faut que nous cessions d’avoir des soupçons sur ce projet il n’y a pas de mystère. Il y a cinq zones de ce type en Afrique. Chacune a eu un cheminement différent, avec des partenaires différents. Elles ont connu des fortunes diverses mais pas une n’a été une réussite.
Dans le cas mauricien, au départ, en 2006, c’était le projet Tianli. Mais, celui-ci ne pouvait démarrer et le gouvernement mauricien avait exprimé des réserves très sérieuses à ce sujet. Le projet a pris une autre tournure après la visite du président chinois, Hu Jintao. Les choses se sont accélérées. Des infrastructures ont été mises en place. Maintenant, c’est un problème d’exécution.
Il ne faut pas faire l’amalgame entre la Chine et Jin Fei. Jin Fei n’est pas la Chine. La Chine n’est pas Jin Fei.
? Soit. Mais qu’est-ce qui motivait les Chinois à venir s’installer à Maurice ?
La question à poser c’est : la Chine a-t-elle besoin de Maurice pour aller en Afrique ? Je ne le pense pas. Elle est déjà présente sur ce continent. D’ailleurs, l’année dernière, l’Empire du Milieu a signé un accord-cadre avec un bloc régional, l’East African Community. C’est une première.
Donc, pendant que nous sommeillons, le hub s’installe sur le continent. Et cela, alors que nous ambitionnons d’en devenir un. Est-ce que les Chinois doivent venir manufacturer des produits à Maurice pour les exporter vers l’Afrique ? Cela n’a pas de sens.
? Quel était le plan initial de Maurice et des Chinois pour cette zone ?
Bien qu’il devait y avoir une zone d’entreposage pour l’Afrique de l’Est – ce qui est encore valable aujourd’hui – ce devait être une zone de services, avec l’implantation de compagnies comme Huawei.
Il y a un millier de sociétés en Chine qui peuvent s’installer ici. Mais, pour les amener à le faire, il faut savoir quels sont nos attraits. Pourquoi une société, une multinationale, investit-elle dans un pays ? C’est pour avoir accès au marché de ce pays, ou à sa technologie ou encore à sa main d’oeuvre.
?Sur ces trois plans, je ne crois pas que Maurice fasse bonne figure. Qu’est-ce qui nous reste, alors ?
C’est une stabilité démocratique, de très bonnes relations avec la Chine, un service bancaire développé, des lois et des institutions qui fonctionnent. C’est sur ces tableaux qu’il faut jouer.
Nous faisons face à des obstacles lorsque nous nous présentons comme une plate-forme pour l’Afrique, car es investisseurs ne peuvent pas voyager. Il faut régler eux problèmes : d’abord, les connexions aériennes avec ’Afrique. On ne peut attendre deux ou trois jours avant ’avoir un vol pour le continent. Deuxièmement, c’est ne question de mobilité. On doit être capable d’offrir aux investisseurs qui souhaitent s’installer dans cette zone, des possibilités de déplacement direct en Afrique. Aujourd’hui, un investisseur qui vient à Maurice, a besoin d’un visa pour chaque pays du COMESA et de la SADC.
? Que doit-on faire maintenant de cette zone économique déserte ?
Il nous faut tirer profit de ces infrastructures périphériques que le gouvernement mauricien a installées. Etablissons un parallèle avec la cyber-cité d’Ebène. A l’époque, le projet était de créer un mini-Bangalore à Maurice. Aujourd’hui, cette zone ne s’est pas limitée simplement à quelques catégories de business. Beaucoup de sociétés dans les services financiers, dont des banques, s’y sont installées. Mais, rien qui a vraiment trait au développement de l’informatique. Cela a créé un nouveau cluster, une nouvelle dynamique et des emplois. La zone attire d’autres compagnies encore.
? Donc, il faudrait réorienter la zone «Jin Fei»…
Absolument, il faut une réorientation. C’est l’image de Maurice qui est en jeu. Il nous faut une zone qui a des liens avec l’économie locale. En d’autres mots, il faut ouvrir Jin Fei aux autres investisseurs. Mais, pas n’importe comment.
Cette zone est le fruit d’un accord entre des sociétés étatiques chinoises, qui ont une certaine autonomie. Le gouvernement mauricien a dépensé de l’argent et cette zone a une valeur. Jin Fei a développé l’intérieur c’est du bon travail. Port-Louis est déjà asphyxiée. Jin Fei, c’est 500 arpents qui sont limitrophes entre la ville et la région rurale. C’est une zone semi-urbaine, qui peut accueillir des bureaux du gouvernement. Business Parks of Mauritius Ltd, la State Land Development Company et Jin Fei peuvent recentrer cette zone. On peut offrir des terrains à ceux qui veulent mettre sur pied des compagnies impliquées dans le Business Process Outsourcing ou des Business Parks. Il faut ouvrir la zone aux investisseurs locaux. Tout le monde sortira gagnant.
Ce qui très important aussi, c’est que l’autoroute de Verdun passera juste à côté de Jin Fei. Ce sera la cyber-cité du Nord.
? A vous entendre, c’est une occasion rêvée de bâtir une nouvelle zone économique. Quand faut-il enclencher cette nouvelle orientation de la zone «Jin Fei» ?
Il fallait commencer hier. Nous avons pris beaucoup de retard. Il fallait avoir une remise en route accélérée de ce projet. Mais, j’ai constaté qu’après les élections de 2010, ce n’était pas la priorité de certains.
? Faudrait-il rebaptiser ce projet ?
What’s in a name… Le plus important, c’est le recentrage. Un recentrage qui va résoudre encore un autre problème.
Cette zone est associée à une province en Chine, celle de Changzi. Il faut détacher la zone de cette Provincial Positioning
pour qu’elle devienne une plate-forme multi-provinces, afin d’attirer de nouveaux capitaux. En associant le projet à une seule province, cela crée un problème de marketing.
? Est-ce que nous avons raté le train pour faire de Maurice une plate-forme africaine ?
Il y a eu de grands discours, mais c’est l’heure de walk the talk. Nous donnons des signaux contraires.
C’est dommage que deux semaines avant le vol inaugural Maurice-Shanghai, on annonce que celui-ci a été annulé.
Comment peut-on créer un hub si on doit voyager 13 heures ? En attendant, ce sont les Maldives, le hub pour les touristes chinois.
Si on ne fait rien, bientôt nous serons le hub de rien. On ne peut avoir une attitude complètement insulaire, fermer toutes les portes, fenêtres, même les impostes, et vouloir devenir un hub. Il faudra prendre des risques.
En 2005, nous avons laissé entrevoir une ouverture.
D’ailleurs, je remercie le Premier ministre de m’avoir donné l’occasion de diriger le BOI pendant cinq ans. On prenait des risques, il y avait un dynamisme qui s’est quelque peu ralenti aujourd’hui.
Il y a suffisamment de compétences à Maurice pour relever les défi s économiques. Il nous faut un dirigisme économique beaucoup plus explicite. Par exemple, réorganiser les Affaires étrangères et revoir la façon dont nous faisons la promotion de Maurice à l’étranger. Nous avons trois administrations pour vendre Maurice : Enterprise Mauritius, le BOI et la Mauritius Tourism Promotion Authority. Elles ne peuvent plus aller faire leur road show chacune de son côté il faut un regroupement avec un directoire pour chacun.
Propos recueillis par Abdoolah Earally
 
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