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Rama Sithanen : « La radicalité des propositions du comité Carcassonne n’est pas justifiée »
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Rama Sithanen : « La radicalité des propositions du comité Carcassonne n’est pas justifiée »
Rama Sithanen s’est attelé de son propre chef à une étude critique du rapport Carcassonne. Il nous livre ses réflexions et promet des propositions plus adaptées à la réalité mauricienne dans les jours à venir.
Quels ont été vos premiers sentiments après avoir lu le rapport Carcassonne ?
Il y a certes quelques idées progressistes dans le rapport Carcassonne. Mais ce sont des propositions qui n’ont rien à voir avec le mode de scrutin à proprement parler. Nous n’avons pas besoin de Carcassonne pour nous dire qu’il faut une plus grande représentation féminine au Parlement. Autre exemple : l’élimination de l’élément communautariste dans le système électoral qui est très positive. Toutefois, tout cela peut être fait en gardant le système actuel.
Qu’en est-il du système proposé ?
Il est totalement inadapté à la réalité, au contexte et à l’histoire de notre pays. Il faut dire que très peu de pays ont changé totalement de système électoral du jour au lendemain. Dans les rares cas qu’on pourrait citer, des changements radicaux sont survenus suite à une révolution ou un changement de système politique comme cela s’est passé, par exemple, en Afrique du Sud à la fin du système de l’apartheid. D’autre pays comme la Nouvelle Zélande, le Japon et le Lesotho, plus récemment, qui ont eu le même problème d’écart entre le nombre de votes et le nombre d’élus découlant du système First Past the Post, ont opté pour un système mixte. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. La radicalité du changement proposé par le comité Carcassonne n’est pas justifiée.
Vous estimez qu’il faut garder le système First Past the Post ?
Tout système électoral doit pouvoir garantir six critères essentiels à la démocratie. Premièrement, la stabilité. Il faut qu’il favorise l’émergence d’une alliance et d’un parti disposant d’une majorité confortable qui lui permette de prendre des décisions. Ensuite, il faut qu’il soit juste envers les partis. Il ne peut y avoir un trop grand écart entre le nombre de vote et le nombre de siège obtenu. Troisièmement, dans un pays pluriel, il faut une garantie de la représentation de chaque segment de la population. Quatrièmement, le système doit garantir la représentation politique des femmes. Cinquièmement, il y a la question de l’accountability. Il faut un lien entre le député et ses mandants. Le principe du leader tout puissant assis dans son bureau et qui distribue les tickets n’est pas démocratique. Et, last but not least, il faut prévenir l’émergence de partis extrémistes et complètement communaux. Le système actuel a répondu à quatre de ces critères. Il faut maintenant s’assurer d’une distribution plus juste des sièges par rapport au nombre de votes obtenus.
Que pensez-vous de la proposition de nommer des ministres qui ne sont pas des députés ?
C’est un faux problème. Cela n’a rien à faire avec le système électoral. Nous avons déjà des provisions légales semblables dans le cas du Speaker et de l’Attorney General. Même si cette proposition mérite un vrai débat, il n’y avait pas lieu de venir polluer le débat qui est déjà complexe. C’est une énorme erreur tactique. Personnellement, je pense qu’il ne faut aucune obligation mais c’est une possibilité intéressante. Toutefois, il ne fallait pas introduire le loup dans la bergerie à ce stade.
Il semble y avoir un consensus général sur la faillite du comité Carcassonne. Comment expliquez-vous cet échec des trois constitutionalistes dont l’expertise est pourtant reconnue ?
La première erreur du professeur Carcassonne et de ses deux assesseurs qu’ils étaient totalement coupés de la réalité mauricienne. Il y a une méthodologie pour ce genre de travail. Il passe inévitablement par un séjour prolongé dans le pays, une demande de soumissions en écrit, des visites sur le terrain, des études en focus group. Ces principes de base ont été respectés tant par Banwell dans les années 60 que par Sachs au début des années 2000. Dans le cas du comité Carcassonne, un des assesseurs ne s’est même pas déplacé alors que le troisième est venu uniquement pour la soumission du rapport. S’ils avaient eu des consultations, peut-être qu’ils auraient pu éviter des erreurs trop évidentes et une proposition totalement inadaptée.
Vous rejetez le rapport Carcassonne. Que proposez-vous à la place ?
Je rendrais public un rapport avant la fin du mois de janvier. Il contiendra une critique du rapport Carcassonne et, effectivement, une proposition concrète pour une réforme électorale. Je propose qu’on garde le système de First Past the Post parce qu’il a des qualités intrinsèques comme celui de garantir l’élection d’un gouvernement fort et stable. Je propose un système à deux niveaux qui se situera entre le modèle C du rapport Sachs et le système actuel. D’abord le First Past the Post et une Party List qui ne sera pas totalement proportionnelle mais qui ne sera certainement pas disproportionnée. L’objectif sera de réduire considérablement l’écart entre le nombre de vote et le nombre d’élus obtenus par les partis en liste. La représentation féminine minimale d’un tiers des candidats sera également abordée.
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