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Rashid Imrith : «Il faut trouver une solution pour protéger à la fois le ministre et le fonctionnaire »

2 août 2011, 10:11

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Avec la tension qui règne au sein de la fonction publique suite à l’affaire MedPoint, vous avez suggéré la nomination d’un «Ombudsperson» pour la fonction publique. Quelle en serait l’utilité?


Il existe deux chefs au sein d’un ministère. D’une part, le ministre qui en est le responsable politique et, d’autre part, le responsable administratif. Avec le temps, se sont aussi ajoutés les conseillers politiques. Dans la pratique, il n’y a pas de ligne de démarcation entre politiques et fonctionnaires. Il y a une zone grise où on ne sait pas si le ministre a le droit d’intervenir ou non. Dans l’administration de tous les jours, les fonctionnaires reçoivent des instructions des ministres et des conseillers. Ce qu’il faut savoir, c’est quand les fonctionnaires ont le droit d’y répondre favorablement ou non. Il y a des fois où le fonctionnaire peut avoir des problèmes s’il suit ces instructions. Il nous faut trouver une solution pour protéger à la fois le ministre et le fonctionnaire.

D’où l’idée d’un «Ombudsperson»…

En effet, il faut un poste détaché de tous les ministères entièrement indépendant. Le fonctionnaire pourrait y avoir recours lorsqu’il sent qu’il est amené à faire des choses qu’il ne doit pas faire. Mais, les ministres aussi pourraient y recourir dans les cas où ils ont l’impression que leurs instructions ne sont pas suivies. L’Ombudsperson doit pouvoir émettre un conseil dans un délai raisonnable afi n de permettre aux choses d’avancer. Le Pay Research Bureau (PRB) avait proposé un Public Service Bill pour une meilleure défi nition des rôles des conseillers politiques. Plus de sept à huit ans se sont écoulés, mais il n’y a rien eu de concret depuis.

Ce conflit entre fonctionnaires et politiques est-il chronique ? Ou est-ce seulement l’affaire MedPoint qui justifie la création d’un tel poste ?

De tout temps, nous avons demandé la création d’une instance comme celle d’un Ombudsperson. Les fonctionnaires reçoivent des ordres des ministres. Or, nous voulons savoir quelle est la nature de ces ordres. Le cas MedPoint, c’est une opportunité pour corriger le système et amener le gouvernement à revoir certaines choses. Le fonctionnaire craint de dénoncer des abus, cela d’autant plus qu’il n’y a aucune structure en ce sens. Comment refuser d’obéir à un ministre qui tente de faire de vous une sorte d’agent en période électorale ?

Le fonctionnaire a-t-il aussi peur des politiques que cela ?

Notre système veut que nous ayons un Conseil des ministres qui détient tous les pouvoirs. Et ce Conseil comprend un ministère qui contrôle la fonction publique. D’un autre côté, il faut savoir que le fonctionnaire, de par sa formation, croit à la hiérarchie. Ce qui fait qu’il respecte le politicien qui est l’élu du peuple. Cependant, en certaines occasions, le politique abuse de ce respect.

Dans votre défense du fonctionnaire, vous oubliez que ce dernier est souvent pris pour cible à cause de son esprit bureaucratique excessif…

Il faut comprendre le système bureaucratique. Je dirais même que le meilleur modèle de système bureaucratique existe dans la fonction publique mauricienne. Même le secteur privé tente de copier ce modèle parce qu’il éprouve des difficultés à garantir la bonne gouvernance. Il y a des règles et des paramètres que la fonction publique doit respecter.

Subissant un système, elle ne peut donc être proactive…

Si l’on se débarrassait de cette bureaucratie, le prix à payer serait que les fonctionnaires n’aient plus à rendre de comptes. Je ne dis pas que tout est parfait et qu’on doit rester les bras croisés. Il y a certainement des choses à revoir. Cependant, le fait demeure que dans toute grande organisation, qu’elle soit publique ou privée, il faut que les gens soient amenés à rendre des comptes.

Pensez-vous qu’avec un éventuel «Freedom of Information Act», les fonctionnaires sauront communiquer avec les médias vu la culture de l’opacité et la loi du silence qui ont régné jusqu’ici dans la fonction publique ?

Il faut que cette loi soit introduite. Il y a de la transparence à certains niveaux. Par exemple, en posant une question au Parlement, on peut savoir combien de fonctionnaires ont obtenu des promotions. Mais, ces informations ne viennent pas des fonctionnaires sur qui pèse l’Official Secrecy Act. La question est de savoir pourquoi il faut cacher des choses qui ne relèvent pas de la sécurité nationale. Quand on évolue dans l’ombre, on met des doutes dans la tête des gens.

Entretien réalisé par Nazim Esoof
(Source : l’express iD, mardi 2 août)

Nazim Esoof