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Reza Issack : «A quoi bon réformer le modèle électoral dans un système pourri ?»
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Reza Issack : «A quoi bon réformer le modèle électoral dans un système pourri ?»
Tous les partis se sont longuement exprimés sur le rapport Carcassonne, sauf le Parti travailliste. Le silence et les réserves des Rouges traduisent-ils un manque de conviction ?
Le parti veut certainement réformer le système électoral. Mais, vu les différentes opinions et les appréhensions, il se pose maintenant des questions. D’où les réserves et les hésitations. En vérité, il faut évoluer, mais on n’est pas encore une nation, on ne l’est qu’au niveau labial.
 Sur quoi les réserves de Navin Ramgoolam, qu’il a évoquées dans son discours du Nouvel an, reposent-elles ?
C’est par rapport aux différentes opinions exprimées, les craintes des minorités et les sensibilités, les susceptibilités existantes. Car la société mauricienne est beaucoup trop complexe. Il faut non seulement éviter de froisser les susceptibilités, mais aussi faire en sorte de tout harmoniser, parce que le rapport ne colle pas avec les réalités mauriciennes. Trois «outsiders» ne peuvent être au courant de nos réalités. Pour eux, c’est de la littérature, pour nous, c’est du vécu.
Navin Ramgoolam a rencontré ses ministres pour parler du rapport Carcassonne, mais pas ses députés. Pourquoi ?
La plupart des politiciens sont des ministres. Il procède sûrement par étapes. Nous avons entendu son message pour le Nouvel an. Il va certainement consulter tout le monde. D''''ailleurs, il consulte l’opposition.
Que pensez-vous de la tournée des leaders politiques entreprise par Rama Sithanen, en quête d’une réforme électorale qui reflète le pays ?
On aurait dû écouter Sithanen depuis longtemps, car non seulement pour son doctorat, il a fait sa thèse sur les modèles d’élections, mais en plus il connaît très bien notre système, nos réalités, nos sensibilités, nos appréhensions, notre fonctionnement et nos réactions, par rapport à des situations données. Il a une maîtrise des chiffres, de notre géographie et de notre histoire. On aurait pu, donc, économiser beaucoup de temps. On doit faire confiance à son intégrité et à son intelligence. Rama Sithanen aurait pu être l’épicentre et la quintessence de notre réforme électorale. Nous cherchons trop ailleurs ce qui se trouve déjà chez nous. L’intelligence et la compétence sont pourtant là.
Quelques voix politiques et ex-politiques musulmanes expriment des craintes sur l’abolition du «Best Loser System». Elles redoutent que la communauté musulmane soit peu ou pas représentée à l’Assemblée. Qu’en pensez-vous ?
Devant le vide, devant l`incertain, on est toujours dubitatif, voire craintif.
«On», c’est qui ?
 Les gens en général. Pour revenir à votre question, je dirais que les musulmans se sont toujours sentis quelque part négligés, utilisés, le temps d`une élection et oubliés par la suite. Leurs griefs, leurs revendications sont souvent relégués au second plan ou même balayés d’un revers de la main.
 Une critique qui s’adresse aussi à votre gouvernement ?
A tous les gouvernements. Cela a été toujours été ainsi. C`est un sentiment qui est toujours là, au sein de la communauté musulmane. On n''est pas assez pris en considération.
Iriez-vous jusqu’à justifier la crainte, selon quelques voix, des musulmans sur le «Best Loser System» ?
C’est justifié, jusqu’à ce que toutes les minorités se sentent rassurées et sécurisées, parce qu’elles s’attendent à plus d’équité, de méritocratie et de transparence.
Pour revenir au rapport Carcassonne, qui, selon vous, ne colle pas avec les réalités locales, qu’est-ce qui est mauvais ?
Il n’y a rien de mauvais dans les intentions. Ce rapport, au fait, aurait représenté une évolution, voire une révolution. Il aurait aidé à consolider les bases du mauricianisme. Malheureusement l’application de ce rapport bousculera les esprits. Déjà, nous voyons les agitations. La grande question est comment le mettre en pratique.
Ce que propose le rapport Carcassonne, mais aussi ceux qui veulent réformer notre système électoral, ce qu’ils avancent, doit se refléter dans toutes les sphères de notre société. On change de système électoral, mais dans les secteurs public et privé, les exécrables mentalités perdurent. Les promotions et les nominations sont électoralisées et ethnicisées. Les considérations communales et castéistes priment sur tout.
A quoi bon réformer le modèle électoral dans un système pourri ?
Ne pensez-vous pas tout de même qu’il faut commencer quelque part, en réformant, par exemple, le «Three Member Constituency», qui favorise le communalisme et le castéisme ?
Je pose une seule question. Est-ce qu’avec le rapport Carcassone, on va pouvoir faire le choix des candidats sur une base non communale ?
Comment en finir, alors, avec ce système ?
Justement, ça démontre que, depuis des années, on se retrouve dans un cercle vicieux. A ce jour, je ne vois personne résoudre ce problème. La formule magique n’existe pas. Finalement, il faudra un compromis. We will have to meet somewhere mid-way.
Donc, pour traduire votre argumentation, à défaut de mieux, il faut maintenir le «Best Loser System»…
Ayant moi-même été repêché par le système, je le qualifierai de Best Winner System jusqu’à preuve du contraire.
Le «Local Government Act» suscite encore beaucoup de débats. Que pensez-vous des critiques de l’opposition selon lesquelles il y a eu «gerrymandering» ?
Qu’il y ait eu gerrymandering ou pas, on ne peut manipuler comme on veut les circonscriptions, les listes électorales. Tout ce que l’on fait retournera contre soi tôt ou tard, positif ou négatif.
Selon nos informations, vous êtes toujours courtisé par le MMM et le MSM. On vous prête l’intention de changer de bord…
Des membres des partis de l’opposition m’ont plus d’une fois approché. Paul Bérenger lui-même m’avait formellement proposé de me joindre au MMM. Pas plus tard que vendredi dernier, un membre du MSM m’a fait des propositions alléchantes. Je ne suis pas un aguicheur, je ne fais jamais de lobby, je ne demande rien. C’est quand même un honneur d’être convoité et je voudrais bien connaître les vraies raisons.
Ne craignez-vous pas d’attirer les foudres de votre parti ?
J’ai l’habitude de m’exprimer librement, mais je suis aussi la ligne du parti. Je suis un rebelle obéissant.
 
Propos recueillis par
Abdoollah EARALLYPublicité
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