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Robin Renucci : «Je déteste l’idée que l’on puisse apporter la culture»

4 mars 2013, 09:12

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Acteur et réalisateur, Robin Renucci est président des Tréteaux de France, centre dramatique national à vocation itinérante. Il s’est confié à nous à l’issue d’une soirée littéraire au Sofitel Imperial.

Quelle est la portée de l’escale mauricienne des Tréteaux de France ?

Je suis invité par la cellule Culture et Avenir du bureau du Premier ministre, surtout par Alain Gordon-Gentil, dans le cadre de la commémoration de l’indépendance de Maurice. Ma mission est d’accompagner les Tréteaux de France qui est un centre dramatique national ayant pour vocation d’aller à la rencontre du public là où il est.

Nous sommes venus avec un spectacle de la Compagnie du Matamore, qui s’appelle Arlequin serviteur de deux maîtres de Carlos Goldoni. Il y aura plusieurs représentations. Il y aura aussi des ateliers pour les lycéens, d’autres pour les amateurs et les professionnels de lecture à voix haute, des travaux autour de la littérature.

C’est un accompagnement qui peut-être sera les prémices d’une collaboration que l’on pourra imaginer entre le ministère des Arts et de la Culture et les Tréteaux de France.


Vous n’ignorez pas l’état de deux des théâtres de Maurice. Le principe des Tréteaux de France, c’est justement de faire du théâtre hors du bâtiment, sous chapiteau, par exemple. Est-ce que les autorités vous ont demandé comment ça marche ?

Pour l’instant, c’est très modeste. Il y a eu un premier échange sur le soutien à apporter aux amateurs et professionnels de l’île. Je déteste l’idée que l’on puisse apporter la culture. C’est une chose terrible pour moi. En revanche, éclairer, accompagner des initiatives, ça, c’est intéressant et je veux bien le faire. Ce serait accompagner la culture mauricienne.


Concrètement ?

Permettre aux plus jeunes et aux amateurs de s’approprier les outils de la professionnalisation, pour une meilleure aptitude à travailler le théâtre, à travers des stages de formation.


Vous seriez partant pour animer ces stages ?

Oui tout à fait. Après, c’est des questions de partenariat, de coûts à minimiser.

Au fond, c’est le désir qui compte. Ce qui est important c’est la culture mauricienne qui est exemplaire par sa diversité. Il ne faudrait pas que les progrès humains destituent les singularités des territoires. L’île Maurice est très singulière avec sa multiplicité de populations et de langues. C’est le terreau, le foyer du théâtre. Là où il y a des langues, il y a la possibilité de dire. Quand on peut dire, on peut raconter, quand on peut raconter, on peut être singulier et ça, ça colore la culture générale de la planète.

Soutenir la culture mauricienne et ses capacités d’émergence, c’est un projet humaniste, de politique générale, on va dire. Je n’ai pas d’intérêt particulier à Maurice.

Mais quand on cultive la singularité quelque part, on lutte contre la globalisation.


Les Tréteaux de France, est-ce une pratique du théâtre qui s’oppose ou qui est complémentaire de ce qui se fait en salle ?

Un bâtiment de théâtre c’est parfois intimidant pour les gens qui ne vont pas forcément s’y rendre, parce que ces bâtiments ont été possédés par l’élite.
Alors qu’aller à la rencontre du public là où il est hors du bâtiment est important. Je ne m’y oppose pas du tout. Il y a des formes qui ne peuvent exister que dans le bâtiment, pour des questions techniques.

Et puis, il y a des formes ouvertes, libres.

Maurice est extraordinaire avec la clémence du temps toute l’année, l’on peut imaginer des théâtres de plein air comme ils existaient en Grèce, or il n’y a pas de véritable culture théâtrale. Je pense que le peuple mauricien a besoin de s’exprimer. C’est une population qui aime le symbole.

Donc il faut permettre des représentations fictives par l’écriture, l’écriture théâtrale. Il ne faut pas être mangé par les outils techniques, il faut que la langue reprenne toute sa force.


Il y a des hommes de théâtre qui trouvent cela difficile de sortir des murs…

Toutes les aventures théâtrales parlent de ça. Je sais par expérience que beaucoup ont écrit sur cela et ont vécu cela. A un moment, il faut sortir des murs pour aller à la rencontre des autres, là où ils sont, dans leur village. Je trouve très bien que l’on forme des acteurs à être autrement que sur une scène de théâtre fermée, c’est un travail de formation de formateur qu’il faudrait faire. Ça n’empêche pas la réhabilitation du plus vieux théâtre de l’hémisphère Sud...


... Vous l’avez visité ?

C’est extraordinaire. Il ne faut absolument pas perdre de vue le patrimoine historique. L’un n’empêche pas l’autre: réhabiliter les bâtiments, les faire revivre, mais aussi aller à la rencontre du public avec rien, sous un ciel étoilé.

Propos recueillis par Aline GROËME-HARMON