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Romeela Mohee : «Avant de donner une affiliation l’université doit avoir le personnel pour évaluer»

22 mars 2014, 13:01

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Romeela Mohee : «Avant de donner une affiliation l’université doit avoir le personnel pour évaluer»

Alors que le monde de l’enseignement supérieur vit des moments tumultueux, la vice-chancelière (VC) de l’UoM préfère se concentrer sur ses projets : revoir le nombre d’heures de cours pour encourager la recherche, créer trois nouvelles facultés, se connecter avec un laboratoire en ligne canadien… Mais une pensée va aux récentes secousses tout de même : pour accepter de s’affilier à une école de médecine, il faut soi-même enseigner la médecine !

 
 
 
Il y a eu pas mal de départs dans la hiérarchie de l’UoM ces dernières années. Est-ce que cela a déstabilisé l’institution ?
 
Dans le passé, il y a eu des gens qui sont partis, parfois parce que leur contrat est arrivé à terme. Comme le processus de nomination d’un VC ou d’un Pro-VC prend du temps, on est obligé de désigner un intérimaire… Mais dans le cas du Dr Paul Currant (NdlR, le pro-VC responsable de la planification et des ressources), il nous a donné un ou deux mois. On a eu le temps de faire un appel à candidatures. On vient de compléter les entretiens. Le Dr Currant, qui part le 31 mars, aura le temps de faire un handing over au candidat retenu.
 
Cela devrait donc se faire en souplesse, comparé aux départs précédents ?
 
Les dossiers sur lesquels le Dr Currant travaille vont, effectivement, être repris par son successeur.
 
Les raisons personnelles évoquées par le Dr Currant pour expliquer son départ n’ont pas convaincu grand monde. En avez-vous une autre à donner ?
 
On ne s’attendait peut-être pas à ce qu’il parte aussi vite… Mais je voudrais respecter sa vie privée. C’est la raison qu’il nous a donnée.
 
Paul Currant part, Neil Garrod est parti avant même d’être arrivé et Konrad Morgan avant eux…
 
Et Guillon !
 
… Et Guillon a menacé de partir. Y a-t-il une malédiction qui pèse sur les étrangers dans les universités mauriciennes ?
Les cultures sont très différentes, vous savez. Chaque pays a ses spécificités.
 
Mais Konrad Morgan a clairement accusé le «Prime Minister’s Office» d’ingérence pour expliquer son départ. Faitesvous le même constat ?
 
Heureusement, à ce jour, non. Pour moi, c’est le conseil de l’université qui dirige. Tout projet, même les miens, doit être approuvé par le conseil.
 
Le Dr Currant voulait rendre l’UoM plus autonome financièrement. Qu’en est-il ?
 
Nous générons 45 % de nos besoins financiers, soit environ Rs 350-400 millions annuellement. Nous poursuivons cet objectif, mais il faut tout de même souligner que notre responsabilité au niveau national est de dispenser des cours undergraduate à pleintemps, gratuitement. Comme on ne prend pas l’argent des étudiants, on a besoin de l’injection du gouvernement.
 
Vous générez peutêtre 45 % de votre budget, mais plus de 80 % sont engloutis par les salaires. Il ne reste que des miettes pour la recherche…
 
Sur la formation, on n’a pas le choix. En termes d’international benchmarking, pour chaque module d’enseignement, il faut que le chargé de cours passe au moins 90 heures avec les étudiants. Or, un chargé de cours doit cumuler 270 heures d’enseignement par an. Si vous faites le calcul, cela vous fait un total de 400 chargés de cours ! Donc 80 % de notre budget. J’essaie de changer cela : je propose de passer à 30 heures de face à face et pour les 60 heures restantes, je veux qu’on développe un module en ligne. Cela demande moins de temps des chargés de cours, on libère l’espace et cela intéressera plus les jeunes.
 
Le conseil a-t-il accepté votre proposition ?
 
J’ai soumis le plan. Maintenant, il faut buy in tout le monde. Il faut dire que j’en ai discuté depuis octobrenovembre. J’ai l’impression que c’est quelque chose qui va marcher. Mais il y a tout à faire. Il y a tellement de modules !
 
Cela donnera-t-il plus de temps aux chargés de cours pour la recherche ?
 
Oui. Mais il y a plein de recherches de haut niveau que nous faisons à l’UoM. Sauf que cela ne se sait pas. On présente ces recherches dans des conférences à l’étranger ou on les publie dans les journals internationaux.
 
Vous donnez donc dans l’enseignement à distance alors que l’Open University lance des cours à plein-temps. N’êtesvous pas en train de vous marcher sur les pieds ?
 
Les cours à distance, nous le faisons depuis 15 ans. Mais pas pour tous les modules. Là, j’essaie d’en avoir beaucoup plus. Mais l’Open University, pour moi, je dirais que le mandat c’est d’être open. Les plateformes en ligne, c’est un peu l’avenir de l’enseignement supérieur. Au Canada, ils sont en train de créer des labos en ligne ! J’essaie de travailler avec eux. Je négocie pour que nos étudiants y aient accès.
 
On a reproché au monde académique d’être trop éloigné de celui de l’industrie. L’université doit-elle être plus ouverte à la recherche industrielle ?
 
Personnellement, toutes mes recherches, en 25 ans de carrière, ont été fi nancées par le secteur privé. Le compostage, le landfill, j’ai travaillé dessus. Donc, je ne suis pas d’accord quand les gens disent que les recherches sont trop théoriques. Aujourd’hui, l’entreprise de M. Maurel (NdlR, qui transforme les déchets en compost) utilise peut-être une technologie indienne, mais basée sur mes recherches sur 15 ans. Travailler avec le secteur privé, j’y crois.
 
À vous entendre, on dirait que la recherche et l’industrie vont de pair…
 
Il faut savoir que tous nos cours passent par un Advisory Council qui est à moitié composé des gens de l’industrie. Avant même de commencer un cours, on a leur input. Maintenant, on a un Consultative Committee avec l’industrie au niveau de l’université. Je voudrais aussi le faire au niveau de chaque faculté. C’est win-win, l’industrie aussi doit venir en l’avant.
 
Le ministère concerné construit plusieurs nouveaux campus à travers le pays. Comment utiliser ce nouvel espace de manière optimale ?
 
On veut développer une nouvelle faculté d’Ocean Studies, une de médecine et une de Computer Science. Ce sont des projets sur le long terme, mais on aura besoin de beaucoup d’espace, avec des laboratoires et d’autres facilités.
 
Un campus à Réduit, un autre à Montagne-Blanche, plus un à Bel-Air. Est-ce bien avisé de tout éparpiller ainsi ?
 
Je pense qu’on veut donner accès à des personnes un peu partout dans l’île.
 
Le taux d’inscription augmente considérablement chaque année. A-ton les moyens de soutenir cette demande grandissante et de maintenir en même temps la qualité ?
 
On n’a pas le choix. L’éducation a permis un développement considérable dans le pays. Il faut continuer, car nous n’avons pas beaucoup de ressources. Maintenant, il faut s’assurer que cela attire des étudiants de haut niveau…
 
Il y a justement une contradiction : le nombre d’étudiants est en hausse, mais le résultat est un taux d’échec élevé dans certains cours. À quoi bon, en fait ?
 
Je crois que c’est un débat à mener. C’est vrai que quand on augmente le nombre d’étudiants, on n’aura pas la même attention individuelle. Mais nous n’aurons pas de classes de 500 à 600 étudiants. En plus, nous avons de nouvelles technologies à notre disposition, il faut que les chargés de cours les utilisent pour innover.
 
L’«awarding power» des universités publiques est au centre de l’actualité avec l’affaire D.Y.Patil. Faudrait-il amender les règlements pour mieux définir dans quelles circonstances une université peut émettre un diplôme ?
 
Ce sont les codes de l’université qui conditionnent tout cela. Le SSR Medical College nous est affilié, par exemple. C’est à nous de nous assurer qu’il y a un monitoring et une garantie de qualité. Le diplôme décerné doit être équivalent au nôtre. C’est notre responsabilité car c’est nous qui avons l’awarding power.
 
Si une institution comme D.Y. Patil veut s’affilier à une université, cette dernière doit-elle obligatoirement proposer des cours de médecine aussi ?
 
Nous avions déjà des cours de médecine avec Bordeaux bien avant que le SSR Medical College ne nous soit affilié. Avant d’accorder une affiliation, l’université doit avoir le personnel pour évaluer. C’est un long processus. Il faut évaluer les infrastructures, le contenu du programme, les compétences dont l’institution dispose, etc.