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République tchèque : Décès de Vaclav Havel, artisan de la "révolution de velours"

19 décembre 2011, 00:00

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Vaclav Havel (photo), dramaturge de renom, artisan de la "révolution de velours" dans les pays de l''''ex-rideau de fer, est mort dimanche à l''âge de 75 ans.

Les hommages ont afflué du monde entier après la disparition de ce symbole de paix et de liberté, dont les Pragois célébraient la mémoire au château présidentiel et sur la place Wenceslas.

Cet ancien fumeur invétéré, qui avait dû être opéré à plusieurs reprises du poumon et d''une occlusion intestinale à la fin des années 1990, est décédé des suites d''une longue maladie.

Il s''est éteint entouré de sa seconde femme, Dagmara, et d''une religieuse qui prenait soin de lui.

"Sa résistance pacifique a ébranlé les fondations d''un empire, mis en lumière le vide d''une idéologie répressive et prouvé que l''autorité morale était plus puissante que n''importe quelle arme", a dit Barack Obama dans un communiqué.

Sur Twitter, le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, a rendu hommage "(...) à l''un des plus grands Européens de son époque". "Sa voix pour la liberté a ouvert le chemin à une Europe unie et libre", a-t-il ajouté.

Le dramaturge - qui n''a jamais reçu le prix Nobel de littérature, pas plus que celui de la paix - a acquis la célébrité en faisant tomber le régime communiste au pouvoir à Prague en réclamant le respect des droits de l''homme.

Six mois après avoir purgé sa dernière période en prison, il avait mené le soulèvement pacifique qui mit fin au régime pro-soviétique et le vit s''installer au Château de Prague, siège officiel de la présidence de la République.

"Je suis extrêmement ému", a déclaré à la télévision le Premier ministre tchèque, Petr Necas, à l''annonce de la disparition de Vaclav Havel. "Il était le symbole et le visage de notre République.

"C''est l''une des plus grandes personnalités politiques de la fin du XXe siècle et du début du XXIe. Sa disparition constitue une immense perte. Il avait encore beaucoup à dire au plan politique et social".

LES PRAGOIS LUI RENDENT HOMMAGE
Dans une lettre de condoléances à son homologue tchèque Vaclav Klaus, le président français Nicolas Sarkozy écrit que "la République tchèque perd l''un de ses grands patriotes, la France un ami et l''Europe l''un de ses sages".

La chancelière allemande Angela Merkel écrit à Vlaclav Klaus: "Nous nous souviendrons de son engagement pour la liberté et la démocratie autant que pour sa grande humanité. Nous, en tant qu''Allemands, lui sommes tout spécialement redevables. Avec vous, nous pleurons la perte d''un grand Européen".

Vaclav Havel était devenu une sorte de garant de la transition pacifique vers la démocratie et avait permis à un petit pays de dix millions d''habitants d''avoir un poids sur la scène internationale bien supérieur à sa superficie et à sa puissance économique.

"La vérité et l''amour triompheront du mensonge et de la haine" - tel était le slogan qu''il avait fait sien lors de la "révolution de velours" et dont ses compatriotes se souviennent avec affection.

Dans son pays, son étoile avait cependant pâli dans les dernières années de sa présidence.

Cela n''a pas empêché de nombreux Tchèques de se recueillir et d''allumer des bougies devant le château de Prague, résidence des rois, des empereurs puis des présidents de Tchécoslovaquie.

Ils étaient plusieurs centaines rassemblés sur la place Wenceslas, dans le centre de Prague, haut lieu de la révolution de velours.

Le gouvernement devait se réunir pour décider si un jour de deuil national serait célébré.

La dépouille de Vaclav Havel sera présentée mercredi et jeudi, a annoncé la présidence, et l''enterrement pourrait avoir lieu vendredi, rapporte l''agence de presse CTK.

"Il nous manquera", dit Vlasta Lopatova, une Pragoise de 57 ans. "Les gens comme lui sont durs à trouver, surtout ces temps-ci."

HOMMAGE DE WALESA

Né en 1936 dans la famille d''un riche entrepreneur du BTP, Vaclav Havel n''avait pu recevoir une bonne éducation de la part des communistes, arrivés au pouvoir en 1948 et qui avaient confisqué toutes les richesses familiales.

Il avait passé la majeure partie de son mandat présidentiel à se battre pour des réformes démocratiques face à l''économiste de droite Vaclav Klaus, qui l''a remplacé au Château de Prague en 2003.

Après avoir quitté le pouvoir, il était retourné à la littérature et à l''écriture et avait publié une pièce, intitulée "Sur le Départ", très bien accueillie par la critique et montée en 2008.

Dès sa première pièce, jouée en 1963 dans un théâtre de Prague et intitulée "La Garden Party", l''homme de lettres tournait en dérision le système communiste.

Il avait perdu son travail d''écrivain-journaliste après la répression du "printemps de Prague" de 1968 par les dirigeants communistes de l''époque et avait dû se résoudre à occuper un travail manuel.

Il devint le premier porte-parole de la Charte 77, un groupe d''opposants très critiques envers le régime communiste. En 1979, il est condamné à quatre ans et demi de prison pour "subversion" contre l''Etat. En 1983, il est remis en liberté à la suite d''une vaste campagne mondiale et des pressions des chancelleries après une grave pneumonie.

Choisi pour devenir président tchécoslovaque après la chute, en novembre 1989, du régime communiste, il quitte ce poste en 1992 à l''approche de la partition de la Tchécoslovaquie.

En janvier 1993, il est élu président de la toute nouvelle République tchèque indépendante issue de la partition.

Prié de dire s''il préférait laisser le souvenir d''un homme politique ou d''un homme de lettres, Vaclav, grand amateur de jazz par ailleurs, avait répondu lors d''une interview: "Je répondrais que je suis un dramaturge qui s''est comporté en citoyen et qui, de ce fait, a consacré une bonne partie de son existence à occuper des responsabilités politiques".

Lech Walesa, dont le combat fit tomber le régime communiste dans sa Pologne natale, a estimé que Vaclav Havel aurait mérité le Nobel de la paix que lui-même avait reçu en 1983. "Mais tout n''est pas juste en ce monde", a-t-il noté.
 

Par Michael Winfrey et Jana Mlcochova