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Selon que le verre soit à moitié vide…
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Selon que le verre soit à moitié vide…
On connaissait les vampires chasseurs solitaires ou vivant en communautés clandestines, voici cette fois le plus horrible des cauchemars : 90 % de l’humanité transformée en vampires dans un futur proche et les survivants traqués, parqués dans des fermes industrielles et maintenus dans un coma artificiel afin d’être régulièrement vidés de leur sang.
En effet, il faut bien nourrir toute cette population (autrement ce serait le désordre, l’anarchie ou pire, le socialisme et la démocratie). Mais le sang humain se fait de plus en plus rare et certains vampires ont quand même une conscience… Ecrit et réalisé par deux Australiens, les frères Michael et Peter Spierig, Daybreakers est une série B dont les grandes ambitions ne sont qu’en partie réalisées et aussi un fi lm dans lequel on pourra trouver quelques qualités, à commencer par la mise en scène. Celle-ci n’est en aucune façon novatrice, artistiquement parlant, mais on pourra trouver très malin l’usage que font les frères Spierig du peu de moyens mis à leur disposition : l’intérieur d’un building, un couloir de métro, un appartement, un bout de terrain à la campagne et les caves d’un vignoble désaffecté. C’est tout et il n’en faut pas plus aux réalisateurs- scénaristes pour mettre en images le quotidien d’Edward Dalton/Ethan Hawke, un savant à la recherche d’un substitut au sang humain pour le compte d’un puissant groupe industriel dirigé par Sam Neil, ses choix éthiques, sa rencontre avec la résistance (Willem Dafoe, Claudia Karvan), son passage au camp adverse, etc.
Après tout, une population de vampires préfèrera forcément ne pas s’aventurer au dehors à la lumière du jour. Et, suivant cette ligne de pensée, il est plus qu’intéressant de voir à quel point Michael et Peter Spierig sont parvenus à construire leur scénario autour de ce peu de moyens, chaque aspect de leur scénario se justifiant de manière plus ou moins honorable. Ils parviennent à créer une atmosphère pesante dans les scènes d’intérieur en plans serrés et où prédominent toutes les teintes de gris à rendre omniprésente la menace d’une pénurie mondiale de sang avec ses conséquences catastrophiques à mettre en images la panique du héros devant la lumière du jour et réussissent presque à amalgamer l’ensemble en une histoire de résistance avec poursuites, coups de feu, bagarres. Ils apportent au cauchemar une solution miracle presque crédible (pour peu que le spectateur accepte de marcher) de par sa simplicité même.
C’est du déjà vu, mais le travail étant bien fait, on s’en serait contenté. Peut-être par crainte de laisser le spectateur avec un goût de «pas assez», les frères Spierig ont pour leur part, tenu à traiter d’autres thèmes (gore, anticipation, réflexion sur la «réelle humanité», politique) qu’ils sont obligés d’abandonner en cours de route, faute de moyens. Leur choix est compréhensible, et on ne leur en aurait pas tenu rigueur s’ils ne s’étaient pas crus obligés de compenser leurs abandons en prolongeant leur récit jusque-là cohérent, au-delà de sa conclusion logique par une séquence «gore» aussi grotesque qu’inutile. «Arracher la défaite des crocs de la victoire» disent les anglophones. Daybreakers est un de ces films malins qui pour n’être pas passés loin de la réussite, peuvent parfois susciter notre sympathie. Les spectateurs pourront choisir d’aimer ce fi lm à la fois pour l’ingéniosité de ses auteurs, leurs grandes ambitions et leurs échecs face à ces mêmes ambitions. Certains se souviendront peut-être d’une autre série B, Æon Flux (r. Karyn Kusama, avec Charlize Théron) projeté dans nos salles en 2006. Daybreakers appartient au même genre. Il existe bien des amateurs de nanars, pourquoi pas des amateurs de films à moitié réussis ?
G.N.
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