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Serge Clair : « Le projet Plaine Corail n’est pas la priorité de nos priorités »
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Serge Clair : « Le projet Plaine Corail n’est pas la priorité de nos priorités »
Le Chef commissaire, Serge Clair, remet en question le projet de prolongement de la piste d’atterrissage de Plaine Corail et celui de l’installation d’une antenne universitaire à Rodrigues. Il revient cependant avec l’idée d’un port de pêche à Baie-Aux-Huîtres et la création d’un Student Hostel à Maurice à l’intention des jeunes Rodriguais.
Comment se porte Rodrigues six mois après ce deuxième changement de pouvoir en dix ans ?
Dans l’ensemble ça va. Nous faisons de notre mieux pour favoriser une démocratie participative, pour mettre de l’ordre dans divers secteurs, notamment dans la gestion des terres afin de redynamiser l’agriculture.
Comment peut-on demander à un jeune de pratiquer l’agriculture alors que l’eau pose toujours problème ?
Il est malheureux que l’ancien régime n’ait pas accordé l’attention voulue au projet de dessalement de l’eau de mer.
Vous parlez de démocratie participative, une cinquantaine de pêcheurs sont pourtant descendus dans la rue le mois dernier, est-ce la fi n de votre période de grâce ou le résultat d’une mauvaise communication ?
Pas du tout. Je pense que beaucoup ont compris la nécessité de gérer la pêche aux ourites et de protéger l’environnement marin. La décision d’interdire périodiquement cette technique de pêche avait été prise l’année dernière, mais le Mouvement rodriguais (MR) l’a repoussée pour des raisons purement électoralistes. C’est une décision courageuse soutenue par de nombreuses organisations locales, régionales et internationales. Ceux qui ont manifesté sont surtout ceux qui pratiquent la pêche hauturière. Je suis d’avis qu’il faut mettre de l’ordre dans ce secteur. A ce jour, on ne sait pas qui est pêcheur professionnel et qui ne l’est pas et qui fait quoi.
Certains de ceux qui sont sur le point de perdre leur emploi à la Rodrigues Water Company songent à partir chercher du travail à Maurice, que préconisez-vous pour freiner cet exode décrié par les hommes d’Eglise et des représentants de la société civile ?
Il faut développer le secteur coopératif, l’entrepreneuriat et encourager le retour à la terre. Il faut donner aux gens les moyens de produire, de transformer et d’exporter.
Le MR vous accuse d’avoir gelé de grands projets pourvoyeurs d’emplois, à savoir l’agrandissement du port…
Ce dossier date de 2005. Il existe déjà un Master Plan et nous avions déjà initié des consultations avec la Banque mondiale. Nous allons bientôt le réactiver.
De l’aéroport…
Pour ce qui est du prolongement de l’actuelle piste d’atterrissage de Plaine Corail ou de la création d’une nouvelle, je pense que plusieurs questions méritent d’être analysées au préalable. Notamment le type de transporteurs qui desserviront Rodrigues, la fréquence des vols, les modalités de financement du projet, la clientèle touristique que l’on veut cibler, les accords concernant les droits d’atterrissage pour les compagnies autres qu’Air Mauritius. A ma connaissance, il n’y a pas eu non plus d’étude géologique pour savoir si les terres avoisinantes s’y prêtent. Ce projet n’est pas la priorité de nos priorités. D’autres secteurs, notamment l’eau, l’agriculture, l’éducation et la formation, ont davantage besoin d’attention.
Et la pêche hauturière ?
Ce dossier a été traité en amateur. Il ne suffit pas d’avoir des bateaux. Il faut d’abord mettre en place l’encadrement et l’infrastructure appropriés. Nous envisagions lors de notre précédent mandat de créer un port de pêche et une marina à Baie-Aux-Huîtres, mais l’équipe sortante n’a rien fait. Pointe Monier ne répond pas aux exigences d’un tel développement. Il nous faut également rechercher des partenariats avec des pays de la région pour mettre au point une industrie de la pêche qui soit rentable et créatrice d’un nombre raisonnable d’emplois.
Où en êtes-vous avec le projet d’installer une université à Rodrigues ?
Je ne sais pas trop ce que le ministre de l’Enseignement supérieur a en tête. Pour ma part, je considère que ce serait préférable de consolider le Human Resource Centre de Malabar, d’accentuer notre collaboration avec l’université de Maurice, le Mauritius Institute of Education, le Mauritius Institute of Training & Development. Il y a lieu de créer des institutions polytechniques et des centres de formation en agribusiness où les gens apprendront à produire pour l’exportation. Il ne faut pas non plus que nos jeunes restent cloîtrés à Rodrigues. Il faut leur donner l’occasion de se frotter au monde extérieur.
Mais cela a un coût qui n’est pas à la portée de toutes les bourses.
Ce qui coûte le plus, c’est l’hébergement des étudiants. Il vaudrait mieux investir dans la construction et la gestion d’un Student Hostel à Maurice pour les étudiants rodriguais plutôt que de construire une université ici. Le gouvernement a déjà mis un terrain à notre disposition à Vacoas. Il faut que nos jeunes puissent non seulement entreprendre des études supérieures à Maurice, mais qu’ils aient aussi la possibilité de faire des stages en entreprise avant de rentrer. Nous comptons, à ce propos, solliciter la collaboration du patronat mauricien. Il nous faut également explorer de nouvelles possibilités d’aide à la formation à l’étranger pour nos jeunes, à travers des bourses.
Quel est le pourcentage du budget 2012 de l’Assemblée régionale utilisé à ce jour ?
Quand nous sommes revenus au pouvoir en février dernier, il ne restait que Rs 70 millions sur les Rs 360 millions inscrites au budget de développement de l’année en cours, soit moins de 20 % du montant initial. Il y a lieu de revoir la façon dont l’argent public est géré. On ne peut, à mon avis, effectuer des réallocations à tort et à travers et, des fois, sans tenir compte des procédures.
La répartition des sièges à l’Assemblée régionale après le scrutin de février dernier a suscité certaines critiques, faut-il pour autant revoir la présente formule de représentation proportionnelle ?
Une première réflexion dans ce sens avait été entamée au début de 2006 avec Me Robert Ahnee, le rédacteur de la loi sur l’autonomie, et Me Veda Baloomoody, alors conseil légal de l’Assemblée régionale. Je pense qu’il y a lieu de revoir toute la formule à la lumière des résultats de 2002 et de 2012 et des propositions de Rama Sithanen. Il faut, selon moi, simplifier le mécanisme compte tenu de l’exiguïté de notre collège électoral.
Le MR considère que vous accumulez trop de responsabilités et vous accuse de ne pas faire suffisamment de confiance aux jeunes élus, qu’en pensez-vous ?
L’ancien Chef commissaire avait sensiblement les mêmes responsabilités, sauf en ce qui concerne l’Agriculture. De toute façon, la répartition des tâches a été décidée collégialement, selon les compétences de chacun.
Quelles sont vos relations avec le Minority Leader ?
Faut-il encore que l’on ait des sujets communs de conversation.
Avec l’Hôtel du gouvernement ?
Cordiales. Ce sont des relations de partenariat dans le respect des institutions de la République.
L’OPR est revenu au pouvoir à Rodrigues, son député à l’Assemblée nationale est-il de la majorité ou de l’opposition ?
Il siège en indépendant. Je considère que c’est bien ainsi. Il vote avec la majorité quand c’est dans l’intérêt de la population, mais vote contre quand la situation l’exige. Cela a été le cas concernant le projet de loi sur l’avortement.
Vous sentez-vous concerné par le présent débat autour de l’installation d’une deuxième République ?
Il faut d’abord savoir ce qu’une deuxième République va nous apporter de plus. Va-t-elle approfondir notre sens d’appartenance à la République ? Va-t-elle réduire la pression communautariste ? Sinon, je n’en vois pas la nécessité.
Entretien réalisé par Renaud MARIE
(paru dans l’édition du jeudi 16 août de l’express Rodrigues)
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