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Shirin Aumeeruddy-Cziffra: «Privilégier une stratégie à long terme»

5 juillet 2011, 12:19

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Vous avez publié récemment un livre intitulé «Adieu violence !!!» pour présenter les stratégies des organisations non gouvernementales (ONG) afin de lutter contre la violence à l’égard des enfants. Au même moment, l’actualité ne cesse d’énumérer des cas de violence contre ces derniers. Quel est votre sentiment par rapport à cela ?

Je veux croire que la violence sera l’exception et non la règle. On n’a pas encore de plan d’action destiné à coordonner les activités de tous les partenaires du public, du privé et des ONG. C’est ce que nous préconisons dans ce livre. En fait, il suffit d’appliquer les recommandations de l’Organisation des Nations unies (ONU) en ce sens.

Vous faisiez partie du conseil éditorial du rapport Pinhero, commandité par l’ONU, justement, pour étudier la violence contre les enfants dans le monde. Entre la publication de ce rapport, en 2006 et aujourd’hui, qu’est-ce qui a été fait en ce sens à Maurice ?

Rien à Maurice en ce qu’il s’agit de mettre sur pied un plan d’action. Le dernier date, en effet, de 2004.

C’est aussi le cas dans la plupart des pays cependant.

Il est vrai qu’on a commencé à mettre en oeuvre certaines des recommandations, mais il n’y a pas eu de véritable suivi. Au niveau de l’ONU, Marta Santos Pais a été mandatée pour faire ce suivi. Si nous voulons le faire également, nous devrons demander de l’aide sur le plan international au Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), par exemple. Mais l’accent doit être mis sur une stratégie à long terme qui engloberait tous les départements gouvernementaux. Le type de société dont nous voulons en dépend.

Dans l’élaboration de votre livre, vous avez dépeint les stratégies appliquées par quelque 33 ONG. Que peuvent apprendre les instances gouvernementales à ce niveau ?

Tous doivent faire ce qu’ils savent faire le mieux et autant que possible, ensemble. Vendredi dernier, nous avons été ravis de constater que c’était tout à fait réalisable. En effet, Soroptimist et Caritas ont réussi à créer un centre d’éveil à Cité Richelieu avec la pleine collaboration du gouvernement et de plusieurs compagnies et fondations du secteur privé. Il faut généraliser ce genre de collaboration.

Cibler les besoins propres aux localités, assurer la formation des jeunes ou l’éducation parentale... Autant de formules de lutte contre la violence que l’on applique et pourtant, les cas continuent à s’empiler. Où est-ce que le bât blesse, selon vous ?

La situation s’est détériorée pendant plusieurs décennies et on ne peut pas espérer renverser la tendance du jour au lendemain. Mais il faut persévérer. Il y a aussi de très bonnes pratiques qui donnent des résultats, discrètement. Mais on en parle moins. N’est-il pas temps que les médias mettent davantage l’accent sur le positif pour donner un espoir à la population ?

La «Child Development Unit» (CDU) est souvent critiquée, et ce par vous-même. Pourtant, à en croire les déclarations officielles, ses ressources font qu’elle est dépassée par ce qu’elle doit accomplir. Plus de ressources, financières et humaines, suffi raient-elles à résoudre le problème, selon vous ?

Certainement. Mais il faut aussi une meilleure planification et une rationalisation de ces ressources. Sans oublier la formation continue des personnes qui interviennent sur le terrain et de celles qui doivent faire le suivi.

Il faut tout informatiser, pour un monitoring au jour le jour. C’est ce qu’on est en train de faire dans mon bureau. En outre, la Gender Unit et la Family Unit doivent montrer ce qu’elles ont fait pour l’émancipation des femmes, la responsabilisation des hommes et le renforcement de la cellule familiale. Tout cela est lié. La CDU est malheureusement sous les feux des projecteurs et ne peut que travailler dans l’urgence.

On pourrait avoir l’impression qu’en fin de compte, toute la problématique de la protection des enfants est l’affaire des ONG. Avez-vous une recette pour dégager une véritable synergie entre les instances, publiques comme privées ?

Personne ne peut agir à la place du gouvernement. Je fais des propositions depuis huit ans, mais il faut une volonté d’agir en profondeur sur notre société. Toutes les politiques économiques et sociales doivent être conçues pour attaquer le problème à la racine. Il y a de bonnes initiatives, mais il faut redoubler d’efforts afin de lutter contre le chômage, la pauvreté, l’exclusion, les fléaux sociaux, l’illettrisme et le handicap social de centaines de familles.

D’où la création d’un ministère de l’Intégration sociale. Il est nouveau, mais il suscite de grands espoirs.


Entretien réalisé par Ludovic AGATHE
(Source : l’express iD)

 

Ludovic AGATHE