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Surendra Bissoondoyal : Ancien directeur du Mauritius Examinations Syndicate

3 juillet 2011, 16:08

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« La caste n’a rien à voir avec la réussite sociale »

Comment jugez-vous toute cette agitation autour des archives du Mahatma Gandhi Institute (MGI) dont la direction estime qu’elles sont « sensibles » ?

Toutes ces archives doivent être du domaine public. Qui détermine ce qui est de nature sensible ou non ? De quel droit ? Il n’y a rien de sensible dans ces archives. Il s’agit de notre histoire, de faits qui remontent à plus d’un siècle. Rappelons-nous que WikiLeaks, par exemple, a dévoilé toute une série d’informations jusque-là secrètes révélant des prises de position, des calculs. Ce sont ces dessous qui nous permettent de comprendre des enjeux, de quelque nature qu’ils soient. Les discours officiels restent à la surface des choses.

Pour vous, refuser l’accès à des archives relève donc du non-sens. Parce que, de toute façon, ça finira par se savoir ?

On sait déjà beaucoup de choses. Mais tous ces éléments dits « sensibles » vont nous permettre de regarder notre histoire avec des yeux nouveaux et non plus avec des ornières. Dans beaucoup de pays, après un laps de temps, on accorde l’accès aux informations, fussent-elles sensibles. La Right of Information Act, comme en Inde, votée en 2005, aide justement à prévenir ce genre de manœuvre []qui consiste à empêcher l’accès à des archives, NdlR].


Le prétexte était fallacieux...

Absolument.

Qu’est-ce que cette polémique montre de notre société ? On vit avec des peurs, des fantasmes et des pseudo-acquis par la naissance ?

Les archives remontent à plusieurs générations. À quel point des données peuvent elles affecter l’équilibre social ? Le président du conseil d’administration du MGI évoquait, parexemple, le malaise pour certains musulmans de se rendre compte qu’ils avaient des ancêtres hindous. So what ? La plupart des musulmans en Inde avaient des ancêtres hindous parce que l’islam s’est diffusé dans la péninsule indienne après l’hindouisme. Et quand bien même la conversion a été faite à Maurice, quel tort cela cause-t-il ? Nous avons des héritages multiples, on ne peut le nier ni même se voiler la face sur les interactions qu’il y a eues. Plusieurs  raisons ont pu motiver des hindous des générations précédentes à se convertir, comme
le statut social dévalorisé des basses castes ou le besoin de s’assurer une mobilité sociale, surtout pendant l’ère coloniale.

Ce qui est sensible, c’est que la caste nourrit les jeux d’infl uences, notamment politiques...

Malheureusement, c’est la politique qui a renforcé ce jeu de castes. Il n’y a qu’à voir le profil des candidats aux élections et à le comparer avec la réalité sociale et castéiste de la  circonscription. On le sait qu’il y a des calculs. En comparaison, aux élections de 1948, quand le nombre des électeurs est passée de 10 000 à 70 000 par l’apport de la masse d’Indo-Mauriciens, on remarque que le vote ne s’est pas tant exprimé sur une base castéiste, avec trois députés de hautes castes à Moka-Flacq par exemple. Mieux, en 1963, l’Independent Forward Block a réussi à faire élire à Bon-Accueil un député musulman dans un fief hindou. C’est après, et graduellement, que la politique a joué avec le castéisme. Et pourtant, c’est l’action des frères Beessoondoyal, par le mouvement Jan Andolan, qui a élargi le corps électoral alors même qu’ils prônaient l’unité de tous les hindous, au-delà
des castes, d’autant qu’ils s’étaient eux-mêmes  mariés hors de leur caste.

Le castéisme freine-t-il la mobilité sociale ?

Oui, définitivement. Mais aujoud’hui ces questions se posent moins qu’hier. L’éducation est à la base de la réussite sociale, professionnelle, économique. La caste n’a rien à faire là-dedans et n’emprisonne personne dans une fonction. La réussite des Mauriciens le prouve.

Mais est-ce qu’il y a le souci, malgré tout, de monter en grade par des unions avec des castes plus élevées ?

Il y a des mariages inter-castes qui peuvent viser cette mobilité. Mais c’est rétrograde.

Entretien ralis par Gilles Ribout