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Thomas Rhodes : «Maurice est un des rares pays où on investit dans la culture»

9 septembre 2010, 13:35

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Thomas Rhodes est à Maurice dans le cadre du Festival Opera Mauritius qui débutera demain. Ce jeune Américain a pratiqué le piano ainsi que le chant comme contre-ténor. Il nous parle de son travail à Maurice.

Vous avez travaillé ces deux dernières années dans des salles aussi prestigieuses que le Wiener Staatsoper ou Pittsburg Opera. Pourquoi avez-vous choisi cette année de participer à l’organisation d’Opera Mauritius ?

C’est en lisant un magazine allemand spécialisé dans l’art lyrique que j’ai appris qu’il y avait un festival d’opéra à l’île Maurice. Cela m’a beaucoup intrigué et j’ai voulu en savoir plus. J’ai ainsi visité le site internet consacré à ce festival. Le concept m’a énormément plu. Le site disait que l’initiateur d’Opera Mauritius était Paul Olsen. Je n’avais pas ses coordonnées mais j’ai pu le retrouver grâce à Facebook. Nous avons commencé à correspondre et il a gentiment accepté que j’apporte ma contribution à cet événement en tant que consultant et comme assistant à l’administration. Je profite également de mon passage à Maurice pour trouver des éléments pour rédiger une thèse en vue d’obtenir un diplôme en Organisation et innovation des arts et de la culture de l’université de Bologne.

En quoi le concept de ce festival d’opéra vous a-t-il plu ?

Votre pays avait jadis une grande culture d’opéra. Ce festival est l’occasion de raviver l’intérêt que beaucoup de Mauriciens avaient pour l’art lyrique. Carmen est un opéra très populaire mais n’a malheureusement pas été joué avec un orchestre professionnel à Maurice depuis de très nombreuses années. Le projet est ambitieux et novateur mais le travail que requiert sa réalisation est colossal. En plus, je trouve très courageux de mettre en place un projet culturel aussi onéreux. En ces temps de crise économique, l’on constate dans beaucoup de pays que la culture est reléguée au second plan et qu’elle bénéficie de moins de subventions de compagnies privées. Or, votre pays fait partie de ceux où il y a, depuis quelque temps, une réelle volonté d’investir dans ce domaine. Maurice est un des rares pays où l’on investit dans la culture.

Sera-t-il possible, selon vous, que Maurice puisse accueillir chaque année une saison d’opéras et de concerts ?

Non seulement je pense que cela est possible, mais en plus, je suis d’avis que l’économie mauricienne pourrait en bénéficier grandement. Opera Mauritius a cela d’innovant qu’il peut contribuer à l’industrie touristique locale en proposant un nouveau produit pouvant inciter un certain type de clientèle, passionnée d’art et de culture, à venir à Maurice. Le tourisme culturel est un excellent moyen d’attirer et de fidéliser une certaine clientèle. Le festival d’opéra présente, de surcroît, l’avantage de se tenir en septembre, durant une période en général assez morne pour le tourisme. Il représente donc un bon moyen d’attirer des touristes durant la saison dite creuse.

Les pertes financières occasionnées par le festival de l’an dernier étaient considérables. Sera-t-il possible d’arriver à une situation où ce festival générera des bénéfices ?

Il est tout à fait normal que la première édition d’Opera Mauritius ait fait perdre de l’argent à ses organisateurs. En général, quand une association, qu’elle soit à but lucratif ou non, se lance dans un projet de cette envergure, elle doit presque inévitablementperdre de l’argent durant la première année. Opera Mauritius, qui en est seulement à sa deuxième édition, est encore une sorte de start-up. Des leçons ont été tirées des pertes de l’an dernier et il est probable que la situation sera meilleure cette année. Quoi qu’il en soit, il est très difficile de générer des profits à partir de la production d’un opéra. La Fondation Spectacles et Culture n’a d’ailleurs pas pour but de faire des profits. Sa vocation première est de promouvoir la culture à Maurice.

L’on parle depuis au moins une année de l’éventualité de pourvoir notre pays d’un orchestre symphonique national. Quelles sont, selon vous, les mesures qui doivent être prises en vue de la réalisation de ce projet ?

Il faudra que le gouvernement mène une étude prenant en compte toutes les méthodes de financement et d’organisation utilisées dans les pays qui ont de bons orchestres symphoniques. A partir de là, il s’agira de trouver le système qui convient le mieux à Maurice. Il sera cependant important de ne pas se contenter de copier un système qui marche bien dans un pays et l’implanter à Maurice sans prendre en compte les spécificités du pays. Il faut aussi mettre l’accent sur la formation des musiciens locaux. Pour en revenir à Opera Mauritius, je tiens à souligner qu’il est essentiel pour la pérennité de ce festival qu’il puisse, avec le temps, être entièrement réalisé par des Mauriciens. Cela prendra quelques années mais c’est tout à fait envisageable.

Pensez-vous qu’il y ait un intérêt chez les Mauriciens pour l’opéra et pour la musique classique en général ?

Je suis un Américain originaire du Texas. Pensez-vous, par exemple, que je ne sois pas en mesure d’apprécier la musique de Bollywood ? Les Mauriciens savent apprécier ce qui est beau. Il faut juste leur donner l’occasion de découvrir ce merveilleux répertoire. L’intérêt pour la musique classique est là, peu importe le pays. Ce qu’il faut, c’est transformer cet intérêt en passion.

Interview réalisée par Kenneth BABAJIE
Photos : Veekash NARAINSAMI

Kenneth BABAJIE