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Vikash Tulsidas : «Il faudrait créer un véritable marché secondaire de la dette à la Bourse»

27 juillet 2011, 15:23

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Le directeur d’AXYS Stockbroking Ltd répond aux questions de Pierrick Pédel.

? Le débat sur le relèvement du plafond de la dette est bloqué aux Etats-Unis. En Europe, on craint une contagion de la crise grecque à des pays comme l’Espagne ou l’Italie. Quel est l’impact de cette situation sur le marché boursier mauricien ?

Il y a un impact évident, car nos économies sont fortement corrélées. Quand les Etats-Unis et l’Europe souffrent, Maurice souffre également. Que ce soit avec le tourisme ou le textile, l’économie mauricienne dépend en effet beaucoup de l’Europe. Si la crise de la zone euro devait perdurer et s’étendre, il y aurait un risque d’explosion de la monnaie européenne. Et la disparition de la zone euro serait catastrophique pour Maurice.

? On a récemment constaté une forte volatilité de la roupie. Cette volatilité a-t-elle eu un impact sur le marché ?

Nous sommes une économie ouverte, dans un monde globalisé. La roupie est donc affectée par les fluctuations du dollar et de l’euro. La monnaie nationale est actuellement assez forte, notamment du fait des interventions de la Bank of Mauritius. Ou plutôt, on doit dire que l’euro est faible depuis pas mal de temps. Et c’est évident que cette fermeté de la roupie pèse sur les secteurs clés de l’économie mauricienne.

? Les fondamentaux mauriciens contribuent-ils à soutenir le marché ?

La crise a bien évidemment touché l’économie mauricienne, mais force est de constater qu’elle s’est montrée plutôt résiliente. Les reformes engagées en 2008 ont en quelque sorte porté leurs fruits. Nous attendons une croissance comprise entre 3,5 % et 4 % cette année. Ce qui représente une performance honorable, compte tenu du contexte international plutôt tendu.

? Le secteur de l’hôtellerie a connu une correction ces derniers temps. A quoi est due cette baisse ?

Le gros souci pour les hôtels, c’est le poids de la dette, qui pèse très lourd dans les bilans. Les hôtels sont également affectés par la guerre des prix, qui a commencé depuis le début de la crise. Aujourd’hui, il est difficile pour les établissements haut de gamme de remonter leurs prix, car la reprise du tourisme et de l’économie est très timide. Nous recevons plus de touristes, mais ils dépensent moins, notamment du fait de la roupie forte. En outre, les touristes se tournent de plus en plus vers les trois-étoiles, ce qui force les établissements haut de gamme à casser leurs prix.

Le mois de juin a été mauvais en terme d’occupation et la basse saison, dans son ensemble, devrait se révéler pire que prévu. C’est pour toutes ces raisons que le secteur hôtelier sousperforme l’indice SEMDEX depuis le début de l’année. Les investisseurs restent nerveux en ce qui concerne le secteur touristique.

? Les banques semblent faire meilleure figure...

Les deux banques cotées, la Mauritius Commercial Bank (MCB) et la State Bank of Mauritius (SBM), font mieux que les indices depuis le début de l’année. Il est vrai qu’elles présentent de bons chiffres. La MCB va dégager des profits records cette année et la SBM devrait aussi faire mieux que l’an dernier. Il faut également noter qu’elles ont relevé leur dividende dans un contexte très difficile. Les intervenants étrangers sont plus particulièrement actifs sur ce secteur, ce qui en fait un bon investissement à long terme.

? La construction a contribué à soutenir le marché ces dernières années. Cette tendance va-t-elle perdurer ?

Il est vrai que la construction a connu un boom ces dernières années. Mais le secteur devrait connaître un ralentissement. Il n’y a plus de nouveaux projets d’hôtels ou de rénovation. Les projets de villas IRS et RES, qui avaient porté la construction, ne sont plus aussi nombreux. Il existe toujours des grands projets d’infrastructures mais le dynamisme de la période 2006-2008 semble bel et bien terminé. C’est pourquoi, je pense qu’il faut se montrer plutôt conservateur sur le secteur.

? La maison de courtage sudafricaine «African Alliance Securities» vient de décider de renoncer à son implantation à Maurice en raison des faibles volumes de transactions et du manque de liquidité du marché. Qu’en pensez-vous ?

Ce projet d’implantation date de longtemps, car African Alliance a déjà un bureau à Maurice et dispose d’un permis d’opérer sur le marché. Mais il est vrai que la Bourse de Port-Louis connaît des problèmes de liquidité et qu’elle traite actuellement moins de volume. En outre, il y a déjà beaucoup de maisons de courtage à Maurice.

? Quelle est la position actuelle des investisseurs étrangers sur le marché mauricien?

Depuis le début de l’année, on constate que les étrangers sont revenus investir à la Bourse. Sur un total de transactions de Rs 5,7 milliards les étrangers ont acheté pour Rs 1,7 milliard et vendu pour Rs 1,6 milliard. On est donc dans une situation d’achat net. Actuellement, les investisseurs étrangers représentent 25 % à 30 % de notre marché et la tendance sur la MCB, la SBM ou New Mauritius Hotels dépend en grande partie d’eux.

? Il y a peu d’introductions en Bourse et la dernière n’a pas vraiment été un succès. Pourquoi ?

La dernière introduction en Bourse est intervenue en 2003 avec la cotation de Mauritius Leasing Company. La dernière a concerné, ce mois-ci, la société sud-africaine Go Life, qui est la première société cotée en dollars à Port-Louis. Mais cette offre publique de vente n’a été souscrite qu’à hauteur de 40 %. On attend toujours la mise sur le marché de sociétés comme Mauritius Telecom, AML ou SICOM et autres. Mais ce n’est pas d’actualité, car on en entend parler depuis plusieurs années maintenant. Pourtant, ces sociétés représentent un gros potentiel.

? Que faudrait-il pour développer le marché mauricien ?

Il nous manque des produits de taux. Il y a une forte demande pour des «bonds» et autres produits de «fixed income», mais l’offre est très limitée. Il faudrait créer un véritable marché secondaire de la dette. Et pour cela, la Bank of Mauritius et les banques commerciales devraient jouer le jeu.

Propos recueillis par Pierrick Pédel