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Viken Vadeevaloo : «Toute personne peut faire de son vécu un appui pour son engagement »

16 novembre 2013, 00:00

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Viken Vadeevaloo : «Toute personne peut faire de son vécu un appui pour son engagement »

En marge de la Journée internationale des volontaires, qui sera célébrée durant la première semaine de décembre, Koomaren Viken Vadeevaloo, responsable de projets et services de Caritas - Commission Solidarité et Justice, explique ce qui l’a poussé à devenir volontaire.

 

Vous êtes engagé auprès de l’organisation non gouvernementale (ONG) Caritas île Maurice en tant que responsable d’une de ses commissions ; pourquoi avoir choisi le monde associatif?

 

Cela fera bientôt quatre ans que j’occupe ces fonctions car j’ai toujours cru dans la solidarité humaine. Dans le monde associatif, ce qui importe, ce n’est pas de séduire, par la parole, c’est de démontrer, par ses actions, un engagement ferme et sans limites. J’ai fait un choix et si j’ai pris cette route, c’est grâce à l’engagement social de ceux qui ont traversé ma vie. J’ai la conviction que la roue doit tourner, ce sont là les règles de la justice sociale.

 

«La roue doit tourner», que doit-on comprendre par là ?

 

Nous avons tous reçu de l’aide, un accompagnement, d’une manière ou d’une autre, de la part d’une personne, d’un anonyme ou d’une structure. Reconnaître que quelqu’un ou qu’une main tendue a fait une différence, nous permet d’avancer avec confiance car nous avons le sentiment de ne pas cheminer seul. Pourquoi à notre tour ne pas nous mettre sur le chemin de quelqu’un d’autre ?

 

C’est-à-dire que vous avez vous-même été bénéficiaire ?

 

Exact ! Habitant moi-même une cité ouvrière, j’ai découvert le travail social organisé à travers l’École complémentaire en l’an 2000. J’ai profité des cours de General Paper donnés par un bénévole, Rex Fanchette ; sa contribution a été exceptionnelle car il a une expérience très riche et une approche spéciale. Cela donne le goût de l’entraide. D’autre part j’ai reçu de nombreuses formations humaines (sur le développement personnel) au Centre of Learning pendant plusieurs années. Ma première découverte de l’informatique s’est aussi faite dans ce même lieu. Je reconnais aussi que j’ai bénéficié d’un accompagnement académique de la part de mon oncle et de mes cousins, mais on n’imagine pas que c’est du volontariat.

 

Depuis combien de temps êtes-vous engagé ?

 

Cela va faire 12 ans en février, avec l’École complémentaire et le Centre of Learning. Je donne aussi un coup de main modeste en tant que membre du Comité pour la Promotion de l’Unité nationale, de la Port-Louis United States of America Alumni Association. Il faut dire que le volontariat va au-delà de l’engagement au sein d’une structure ou du temps que l’on consacre à cette activité.

 

Il y a plusieurs formes d’engagement effectivement…

 

D’abord, il y a une différence entre le bénévolat et le volontariat. Le bénévolat implique de donner de son temps gratuitement sans y être tenu, le volontariat veut surtout dire que la personne s’engage de plein gré dans une initiative ou dans une organisation. Le travail social concerne des salariés professionnels d’un organisme, ou encore l’humanitaire qui implique une aventure humaine pour améliorer la condition de vie des personnes. Cela dit, le sens du service commence dès l’enfance. Aller à la boutique pour quelqu’un qui ne peut pas se déplacer, aider quelqu’un à traverser la rue…

 

Comment avez-vous su vers quelle forme d’engagement vous orienter ?

 

Tout engagement est lié au vécu de la personne et toute personne peut faire de son vécu un appui pour son engagement qui peut être social, culturel, politique, humanitaire, entre autres. L’engagement répond aux valeurs, principes et convictions de celui qui se met au service. Nous sommes choisis pour servir. Cela demande un temps personnel pour accepter l’invitation en notre fort intérieur.

 

C’est donc l’engagement qui vous a choisi et non le contraire ? Dans quels domaines vous êtes-vous engagé ?

 

Je me suis engagé dans trois domaines. L’éducation, la lutte contre l’exclusion sociale et la promotion de la cohésion sociale. J’ai eu une enfance et une adolescence difficiles à cause de notre système d’éducation qui nous pousse à apprendre par coeur ; j’avais besoin de comprendre et de discuter les choses mais hélas le système néglige cette partie de la pédagogie. J’ai été séduit par la découverte d’une pédagogie et d’une approche différentes à l’École complémentaire car au fond de moi j’étais révolté contre ce système éducatif qui fait beaucoup de mal.

 

D’où votre engagement?

 

Je ne pouvais rester les bras croisés et en parler indéfiniment : je me suis donc engagé comme enseignant volontaire pour aller vers la recherche d’une solution. La pauvreté, elle, n’est pas une fatalité, si la société s’engage à apporter son aide, nous pouvons mesurer la différence. Je reconnais l’aide reçue car je viens d’une famille modeste et les gens ont surtout besoin de trouver des opportunités pour envisager un changement. Mais encore faut-il que la personne soit dans l’état physique et psychologique de changer sa condition.

 

Que devrait-on faire ?

 

Nous devons réfléchir avant d’agir mais nous avons tendance plutôt à ouvrir la bouche en premier. C’est là le drame. C’est trop facile de dire que les pauvres reçoivent beaucoup mais ils ne font pas d’efforts. Dans beaucoup de cas, il faut consolider l’estime de soi de la personne et cela n’est possible qu’avec la solidarité humaine, la relation humaine et un très long processus d’accompagnement parfois ingrat, mais productif et durable. La société se cache derrière les préjugés et le blâme, c’est tellement plus facile. Voici l’injustice que j’ai découverte et que je combats. Avec des jeunes de Barkly, nous avons, en 2007, lancé le journal L’Éclaireur pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés vis-à-vis des cités ouvrières.

 

À quel point la société civile mauricienne est-elle intéressée à faire la différence ?

 

A chacun de s’interroger. Sans le moindre doute, la société mauricienne s’endort sur la question de l’engagement citoyen collectif. Nous pouvons tous faire une différence, le choix est grand. La volonté bloque quand il faut le faire, nous pensons souvent que c’est l’affaire de l’autre ou que c’est le problème du Premier ministre ou du leader de l’opposition. J’imagine que ce n’est pas motivant de gouverner un peuple qui se dédouane de sa responsabilité citoyenne. Nous n’avons certes pas un passé lointain commun, mais un présent bien commun et un avenir qu’il faut bâtir ensemble. Le jour où le Mauricien pensera en termes de sa nation et de sa patrie, les choses évolueront. Pour l’instant le communalisme saisonnier sévit encore beaucoup.

 

À la veille de la journée internationale des volontaires, n’est-ce pas l’occasion de promouvoir le volontariat?

 

Nous allons communiquer davantage cette semaine sur une célébration du volontariat par les volontaires et avec les volontaires. La plateforme «Volonter pou Moris» créée, il y a quelques années, par la NSA Unit de l’United Nations DevelopmentProgramme sera relancée avec plusieurs ONG et la Commission Solidarité et Justice de Caritas invite tous les anciens volontaires des écoles complémentaires, du Centre of Learning à venir célébrer leur apport dans un projet de développement communautaire qui a connu un progrès considérable grâce au volontariat.

 

Propos recueillis par Caroline DUVAL