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Why, Romeo, art thou mad ?

11 février 2013, 00:00

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«D’accord ou pas, je ne m’attaquerai pas à l’intégrité d’un juge », a déclaré le Premier ministre, après le prononcé du juge Balancy dans l’affaire - comment diton déjà ? - d’ordre intérimaire. Saluons ce propos de Navin Ramgoolam et prenons exemple sur lui. Dispensonsnous d’imputer à tel juge le souhait d’une réembauche sous contrat, à tel autre l’ambition de se faire apprécier en vue, pour après son départ à la retraite, d’une quelconque présidence attrayante. Reconnaissons que cela ne fait pas partie des moeurs de nos juges, qu’ils sont parfaitement intègres, juste susceptibles de diverger de manière assez conséquente en matière d’équilibre des priorités.

Notre dispositif judiciaire peut comporter des audiences à trois juges et il est aussi possible que ce full bench ne soit pas unanime, un des juges prononçant un avis minoritaire. Ainsi, dans les années 80, nous avons eu un certain nombre de dissenting judgments, ce qui a valu des appels au Conseil privé.

Avec pour résultat, en l’occurrence, que les Law Lords, certains déjà plus human rights focused que notre bench portlouisien d’alors, soutinrent souvent le point de vue minoritaire, ce qui nous valut de fort intéressantes avancées de jurisprudence. Ces divergences ouvertes, officielles, entre juges nous procurent la preuve, par excellence, qu’il n’existe pas d’unanimité en matière d’administration de la justice. Ainsi, il n’est absolument pas déplacé, on ne s’expose nullement à scandalize the Supreme Court si on s’interroge, à haute voix et publiquement, sur les conditions requises pour assurer que les justiciables disposant le moins d’accès aux divers establishments n’aient jamais à souffrir de leur éloignement du monde des puissants ou des infl uents, employeurs, ministres, journalistes, femmes d’affaires, etc.

The Modern Law Review, journal académique de premier plan en Grande-Bretagne, a publié l’an dernier un papier des chercheurs Thomas Poole et Sangeeta Shah, intitulé The Law Lords and Human Rights. Dans son argument liminaire, l’article note que les « changes in judgment-giving behaviour are identifi ed by charting patterns of agreement and
dissent across different categories of case
». Par ailleurs, ses auteurs ont également examiné des « voting records []…] in order to identify whether significant differences exist between individual Law Lords in their approach to human rights cases ». Et les deux chercheurs n’hésitent pas à faire entendre que, si l’on souhaite que les droits de l’homme soient invariablement pris en compte, il vaut mieux être entendu par la Baroness Hale of Richmond ou Lord Bingham of Cornhill plutôt que par le plus conservateur Lord Browne-Wilkinson.

En conclusion, Poole et Shah écrivent : « With []the] in-built anti human rights sentiment of the “old guard” having
gone, what are we left with ? We may see more wins in human rights cases although this of course will depend at least in part on the disposition of the newer judges. A safer bet would be to predict the continuation of “noise
”, and not just in human rights cases. » Dans un monde où, ne serait-ce qu’en raison de l’existence des réseaux sociaux, les choses liées à la justice seront de plus en plus commentées, tous devront se laisser interpeller par l’exemple récent du directeur des poursuites publiques dans l’affaire Sawmynaden. Plutôt que d’espérer une « noiseless justice ».

Souhaitons voir apparaître une génération de juristes, de juges, pour lesquels la considération des droits humains sera un passage obligé de toute décision de justice. En attendant, puisque des divergences sont encore possibles entre nos Bingham et nos Browne, l’adoption de quelques éléments de doctrine pourrait être souhaitable. Media Law, au besoin, Mr Robertson.

Si ce dernier est bien le human rights lawyer des Doughty Street Chambers. Not mad, but bound more than a madman is…