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World Wild Web…

13 janvier 2013, 00:00

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Pourra- t- on indéfiniment compter sur les droits nationaux pour réguler l’information et la communication ? Une juridiction comme la nôtre peut, bien sûr, solliciter le fournisseur d’accès à Internet et obtenir, disons, comme ce fut le cas voici quelques années, que les Mauriciens soient, pendant 24 heures, privés de Facebook.

Mais cette mesure, soyons raisonnable, ne pourrait s’éterniser. Si, d’aventure, l’information censurée était l’enjeu d’un conflit entre un groupe quelconque et un autre, l’actuelle nature fractale de la diffusion de l’information aurait pour effet qu’une multitude de diffuseurs prendrait le relais, atteignant autant de réseaux qu’il existe de répertoires de correspondants sur les multiples Outlook, Thunderbird, Firefox ou Mail de leurs ordis.

Vouloir faire taire quatre journaux, aujourd’hui, c’est aussi efficace qu’interdire les Beatles, la minijupe et la musique de Mikis Theodorakis. Ce qu’avaient fait les colonels grecs.

Les journaux contre lesquels Mme Soornack a demandé un gagging order, à bien voir, ne s’intéressent pas à la vie privée de cette habitante de Vacoas. Et il est fort peu probable que ces journaux – dont celui qui accueille cette chronique – se livrent à un quelconque étalage, sur la place publique, des affaires privées de cette concitoyenne.

A l’occasion, lorsqu’un requérant saisit la justice pour prétendument protéger sa vie privée, on est presque tenté de dire à cette personne qu’elle doit surtout se protéger des risques d’inflation de son ego. Car en effet qui, Monsieur, qui, Madame, voudra bien s’intéresser à votre vie privée ? Dans 99% des cas, la vie privée de nos concitoyens est banale, courante, sans intérêt, peu susceptible de passionner les lecteurs d’un journal si on en rendait compte.

La meilleure protection des vies privées de nos compatriotes est leur banalité, le fait qu’elles ne comportent rien qui mériterait d’être rapporté. Quoi qu’il en soit, même si on appartient à l’infinie minorité dont la vie est un peu plus piquante que celle du commun des mortels, même si cette existence évoquait plus une âpre telenovela brésilienne qu’un doux conte de fées, il faudrait encore que cela comporte des éléments d’intérêt public pour que les journaux soient autorisés à en parler.

« What is of interest to the public is not always public interest » , disent, fort joliment, nos confrères anglophones. Si Mr Jones et Mrs Brown, fonctionnaires, s’arrangent pendant leur heure de déjeuner pour rejoindre leur nid d’amour secret, assouvir leur passion et être de retour à leur bureau avant la réouverture de leur guichet, cela n’est d’aucun intérêt public, ne mérite aucune allusion dans aucun journal. En revanche, si ces escapades se prolongeaient, si les amants étaient encore absents à leurs postes de travail quinze minutes après la réouverture de leurs guichets, alors, là, oui, leurs gâteries deviendraient une vraie question d’intérêt public.

On pourrait multiplier les exemples de ce type, rechercher d’autres points de bascule où une relation sans intérêt pour un journal, une ONG anticorruption ou de vigilance démocratique devient, par le fait de l’argent public ou de l’influence politique, une préoccupation d’intérêt public. Imaginons, par exemple, que Mrs Brown gère un réseau d’immeubles sociaux et qu’elle accorde le contrat de gardiennage à une société gérée par le frère de Mr Jones. Ou alors, imaginons que ce dernier préside le comité d’attribution des échoppes dans toutes les gares de chemin de fer du pays. Et que la soeur de Mrs Brown, ou Mrs Brown elle- même, obtienne le contrat d’approvisionnement en boissons gazeuses et eau minérale. Ou ne serait ce que la gestion des distributeurs de préservatifs.

Il y a un point où un intérêt très privé place la relation qui le favorise au plus vif du regard public. Là, il n’ y a pas photo.