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« L’Arnacoeur » : Le diable au cœur

4 juin 2010, 00:00

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« L’Arnacoeur » : Le diable au cœur

«Il y a les femmes qui sont heureuses dans leur couple, celles qui sont malheureuses mais qui assument leur choix et celles qui sont malheureuses mais qui n’osent pas se l’avouer. C’est cette troisième catégorie qui constitue mon fonds de commerce », explique Alex, le personnage qu’interprète Romain Duris, au début du fi lm. L’Arnacoeur, comédie romantique signée Pascal Chaumeil, se veut une comédie à l’américaine. Ce qu’elle est, à cause de son rythme soutenu, de son couple vedette «glamour» et de l’importance des moyens mis en oeuvre. Mais elle est aussi très française à cause de cette ambivalence soigneusement entretenue autour de l’aspect moral ou amoral de l’activité qu’exerce le héros. C’est le fonds de commerce du film.

Alex, «briseur de couples professionnel», ne brise que les couples (hétérosexuels) dont les femmes sont malheureuses. Ce dont il s’assure grâce à la collaboration de sa soeur et de son beau-frère (un couple heureux), deux associés remarquablement efficaces dans l’imposture comme dans la collecte des renseignements. Il est un professionnel avec une éthique, usant de moyens peu recommandables, mais agissant en fi n de compte pour le bien. Le propos se complique davantage lorsque le héros se voit obligé, pour cause de dette impayée, de briser un couple heureux un couple de fiancés fortunés dont la femme (Vanessa Paradis) est heureuse et dont l’homme (Andrew Lincoln) est la crème des braves types.

Comme l’indique si clairement le titre, L’Arnacoeur tient à la fois du fi lm d’arnaque et de la comédie romantique. Et, de mémoire de spectateur, on aura rarement vu ces deux genres aussi bien intégrés, du moins au cours de ces dix à vingt dernières années. Il est entendu que lorsqu’il est réussi, un fi lm d’arnaque capte notre attention par sa mise en abyme du cinéma : les acteurs qui jouent un rôle dans un rôle, la mise en scène dans une mise en scène. La comédie romantique (réussie) a pour sa part l’histoire d’amour toujours improbable et la légèreté. Il faut voir dans ce fi lm, la maestria avec laquelle Romain Duris (plus ou moins attendu dans ce genre de rôle) parvient à «retourner» ses victimes. Il les séduit en usant d’imposture, oui, mais il ne couche pas avec elles pour autant. Il leur ouvre plutôt les yeux sur ce à quoi elles ont droit, ce qui est plus intéressant dans une comédie et dans ce fi lm, c’est à se tordre de rire.

Il faut ensuite le voir se casser les dents à chaque tentative de retourner Vanessa Paradis, puis succomber graduellement au charme de sa cible pour finalement se retrouver aux prises avec un insolvable cas de conscience. Il vaut mieux voir Vanessa Paradis devant une caméra que la voir (et l’entendre, surtout) au micro, d’autant plus que dans ce fi lm elle est bien dirigée et arrive à susciter l’empathie. Partagé entre sa cause à elle et celle de Romain Duris, on choisira plutôt d’apprécier cette fragilité qui pointe sous sa dure carapace… pour être évidemment gagné par l’émotion dans ces passages où la belle fi nit par s’ouvrir, même si cela était prévisible. C’est la marque même d’une bonne écriture de fi lm et aussi d’une bonne réalisation, parfois discrète, parfois élégante avec des images de Monte Carlo, mais toujours efficace.

Voyez par exemple l’usage fait de la pluie lors de l’escapade nocturne. Tout cela n’exclut pas quelques bons gags, comme cette séquence dans laquelle Romain Duris s’entraîne à la chorégraphie de Dirty Dancing dans les bras de François Damiens, le beau-frère et complice gaffeur. L’Arnacoeur, un beau et savoureux gâteau, nous est offert décoré d’une cerise : la découverte d’un vrai talent comique.

 

G. N