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« L’Europe a trop à perdre pour laisser la situation dégénérer »

23 mai 2010, 07:30

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Aisha Timol : Chief Executive de la Mauritius Bankers Association (MBA) s’explique

Alimentaire, pétrolière, financière : Maurice, ces dernières années, a résisté à bien des crises. Faut-il s’inquiéter de celle de l’euro ?

La nouveauté de cette crise, c’est qu’elle ne concerne pas un produit ou un secteur  d’activité en particulier. Souvenez-vous, au début de la crise financière, l’Islande était au bord de la faillite. Il n’en a pas été fait grand cas chez nous car notre commerce avec l’Islande est nul. Par contre, aujourd’hui, de graves difficultés économiques affectent plusieurs pays européens. Ces difficultés engagent toute l’Europe dans un plan de restructuration, avec des effets inévitables sur l’euro, qui représente plus de 40 % de nos recettes d’exportation. Cela concerne à la fois le commerce des biens (le sucre, le textile) et celui des services (le tourisme, l’aviation). L’affaiblissement de l’euro   entraînera une baisse des recettes pour ces entreprises, c’est inévitable. Si la diminution des recettes se traduit par une baisse des profits, la situation sera encore gérable. Mais si les profits deviennent des pertes, nous risquons de perdre des emplois.

Faut-il dévaluer la roupie pour encaisser le choc ?

La politique de change de la Banque centrale est celle du free float, donc déterminée par le marché. Cela n’exclut pas, lorsque c’est nécessaire, de procéder à des ajustements ponctuels via l’achat et la vente de dollars, qui est la monnaie de référence. Un  mécanisme de foreign currency swap avait également été mis en place en décembre 2009, puis réactualisé en février dernier lorsque la roupie était forte vis-à-vis des trois monnaies
principales. Encourager les détenteurs de devises à s’engager dans un swap sur une période déterminée aurait deux effets. D’une part, cela préserverait la valeur de ces  devises tout en amortissant les risques de change en attendant une éventuelle reprise de ces monnaies. D’autre part, cela influerait indirectement sur la valeur de la roupie.

Quelles autres solutions préconisez-vous ? Faut-il s’ouvrir à d’autres marchés ?

L’Europe a toujours été notre marché de prédilection. Le professeur Danny Quah de la London School of Economics était de passage à Maurice récemment. Etude à l’appui, il nous a démontré que le « centre de gravité des affaires » avait considérablement bougé durant les trente dernières années, glissant d’un point au milieu de l’Atlantique vers un nouveau pôle plus à l’Est, beaucoup plus proche de l’Asie. Je pense que cette évolution est irréversible. A moyen terme, nous devrons donc nous intéresser sérieusement à ces pays émergents que l’on appelle les BRIC, c’est-à-dire le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.

Et à court terme, quelle est la marge de manoeuvre des exportateurs ?

Gérer au cas par cas, les commandes, les nouveaux marchés, les nouveaux clients. Revoir également les coûts de production et de gestion pour être plus productifs et plus  compétitifs.Est-ce que ce sera suffisant ? C’est toute la question !

En 2009, l’euro crevait le plafond et les exportateurs encaissaient des windfall gains. Ont-ils constitué des réserves pour parer à un renversement de tendance ?

S’ils ne l’ont pas fait, ils ont eu tort.

Que va-t-il se passer maintenant ? Le scénario catastrophe d’un crash de l’euro est-il possible ?

L’Europe a trop à perdre pour laisser la situation dégénérer.

L'' Epress Dimanche