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Économie: Comment gérer l’après-crise ?
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Économie: Comment gérer l’après-crise ?
« Gérer la sortie de crise sera aussi difficile que de gérer la crise elle-même », observe Louis Rivalland. « Il n’y a pas trente-six solutions, il faut poursuivre les réformes », insiste Pierre Dinan.
Qu’attendez-vous du prochain ministre des Finances ?
Pierre Dinan. La poursuite des réformes enclenchées depuis 2005. Elles sont un peu en veilleuse depuis le Stimulus Package, mais il faut y revenir, persévérer.
Louis Rivalland. Constance, c’est le mot-clé. Les efforts fournis ces dernières années ont donné des résultats concrets. Il faut s’appuyer là-dessus, ne pas changer de cap.
L’économie mauricienne est elle plus forte avec ou sans Rama Sithanen ?
P. Dinan. Notre économie est plus forte avec la politique de réformes mise en oeuvre par Rama Sithanen et le gouvernement sortant.
L. Rivalland. Quand on regarde en arrière, c’est clair que les réformes ont été bénéfiques, et la crise a été bien gérée.
P. Dinan. Nous n’avons pas connu de récession, tout juste une croissance réduite. Maurice s’en est très bien sortie et ce n’est pas seulement moi qui le dit, la Banque mondiale le souligne aussi.
L’heure est-elle au rebond, est-on tiré d’affaire ?
P. Dinan. Non ! Nos clients en Europe et aux Etats-Unis sortent à peine la tête de l’eau, or nous dépendons d’eux dans une très large mesure.
L. Rivalland. Notre reprise dépend de la reprise du monde. Ce qui est dommage, c’est que les premiers pays à sortir de la crise sont asiatiques, là où nous exportons peu.
P. Dinan. C’est très juste : en Chine, en Inde, la reprise est déjà là. Malheureusement, nous n’en profitons pas ou très peu. Mais peut-être que cela nous indique une voie d’avenir.
L. Rivalland. Absolument ! Le centre de gravité de l’économie mondiale migre vers l’Asie.  Après chaque crise, cela se vérifie un peu plus.
P. Dinan. Cela ne veut pas dire qu’il faut abandonner nos marchés traditionnels, non, mais se  tourner davantage vers l’Inde, la Chine, le Japon ou la Malaisie. Nous avons su diversifier nos produits, il est temps de diversifier nos marchés.
L. Rivalland. Cibler l’Asie est d’autant plus pertinent que les Européens et les Américains sont devenus plus sages, moins dépensiers. Cette nouvelle donne doit nous inciter à dénicher de nouveaux marchés.
P. Dinan. J’entends déjà les critiques : « Tu veux vendre quoi à des pays pauvres ? ». C’est vrai qu’il y a beaucoup de pauvreté en Inde et en Chine. N’empêche, la classe moyenne représente 300 millions de personnes dans chacun de ces deux pays. Il y a des débouchés, en matière de tourisme notamment.
Parmi les réflexions postcrise dans les entreprises, trois pistes se détachent : serrer les boulons, miser sur l’innovation et parier sur les compétences. Quelle est la priorité ?
L. Rivalland. Les compétences et la formation sont notre plus grand défi . Plus l’évolution est rapide, plus il faut mettre à jour les compétences. La réduction des coûts n’est qu’une
solution à court terme.
P. Dinan. L’innovation technologique est capitale aussi. Nous ne sommes pas bon là-dessus, notre croissance a été très faible ces dix dernières années, il est temps de réagir.
Comment jugez-vous, en 2010, la pertinence du Stimulus Package ?
P. Dinan. L’aide aux entreprises est amenée à disparaître, mais progressivement. Réintroduire brutalement le special levy sur le tourisme serait une grossière erreur, il faut y aller doucement.
L. Rivalland. Gérer la sortie de crise sera aussi difficile que de gérer la crise elle-même. Je crois que tout est dans le timing, en effet. Si l’on s’attaque trop rapidement à la réduction du déficit budgétaire, on donnera un mauvais signal aux investisseurs.
Justement, comment réduire l’endettement de l’Etat sans tuer la reprise ?
P. Dinan. En encourageant l’investissement privé. Il faut bien comprendre que seuls comptent les emplois pérennes. Les projets d’infrastructures, c’est bien, on en a besoin, mais ce ne sont pas des emplois qui durent.
L. Rivalland. Heureusement, la dette publique et le déficit budgétaire ne sont pas  catastrophiques, il y a de la marge. N’empêche, l’équation n’est pas simple : les pouvoirs publics auront à trouver le bon équilibre entre discipline budgétaire et incitation à l’investissement.
P. Dinan. S’attaquer au gaspillage est un autre moyen de réduire la dette. Je pense ici aux dépenses de certains corps parapublics. Je n’aime pas non plus le concept de subvention universelle. Cibler les aides vers ceux qui en ont le plus besoin serait plus efficace.
L’après-crise sera-t-il un retour aux années fastes où la croissance dépassait les 5% ?
P. Dinan. Si nous arrivons à diversifi er nos marchés, nous ferons aussi bien qu’avant.
L. Rivalland. Dans le tourisme, où les revenus ont baissé, il faudra probablement deux ou trois ans avant de retrouver un bon niveau de croissance. Le textile et les services peuvent repartir plus vite.
P. Dinan. Maintenant, tout va dépendre de l’utilisation de nos ressources. La mer, par exemple, est sous-exploitée.
Quelles sont vos prévisions pour les deux prochaines années ?
L. Rivalland. « La prévision est un art difficile, surtout lorsqu’elle concerne l’avenir », disait Niels Bohr []physicien dannois, Nobel en 1922,]. Outre la politique économique du prochain gouvernement, tout dépendra de notre capacité à aborder les problèmes de fond que sont l’éducation, la formation professionnelle, la pauvreté ou la protection de l’environnement.
P. Dinan. On peut espérer une sortie de crise en 2011, peut-être même l’amorcer fin 2010. Mais notre situation en 2012 dépendra en grande partie de la politique économique du prochain gouvernement. En passant, je n’ai toujours pas vu les programmes économiques des deux  principales alliances. A trois semaines des élections, c’est choquant. Bon, il n’y a pas trente-six solutions, il faut poursuivre les réformes. Nous n’avons pas fini le boulot en matière  d’infrastructures, d’éducation, de lutte contre la pauvreté ou d’endettement public. Si l’on  s’attaque à ces questions, il n’y a aucune raison d’être pessimiste.
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