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Interview
Ashvina Busviah: «Les Maldives représentent un concurrent sérieux pour Maurice…»
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Interview
Ashvina Busviah: «Les Maldives représentent un concurrent sérieux pour Maurice…»
Ashvina Busviah, «People, Project & Culture Manager» chez Attitude Hospitality Management Ltd.
Ashvina Busviah, «People, Project & Culture Manager» chez Attitude Hospitality Management Ltd, évoque les défis économiques du secteur hôtelier à Maurice. Face à l’attrait des bateaux de croisière offrant des salaires plus élevés, elle met en lumière les efforts de l’hôtellerie mauricienne pour ajuster les salaires et améliorer les conditions de travail. En cette année 2024, le pays affronte une concurrence accrue, notamment des Maldives, avec leur politique tarifaire avantageuse et une connectivité aérienne plus développée. Toutefois, Maurice se distingue par sa richesse touristique et un service client exceptionnel.
Quels sont les principaux métiers de l’hôtellerie qui ont évolué ces dernières années et quelles compétences nouvelles sont désormais requises ?
Au cours des 20 dernières années, le secteur de l’hôtellerie a connu un changement notable, passant de services standardisés à des expériences client personnalisées. Ce développement a entraîné l’évolution significative de plusieurs professions, que ce soit dans le domaine culinaire, le stewarding, la relation client ou dans d’autres secteurs back of house, reflétant ainsi les dynamiques changeantes de l’industrie. Prenons l’exemple du métier de cuisinier, qui a considérablement évolué. Aujourd’hui, les chefs ne se contentent plus de préparer des plats ; ils jouent un rôle essentiel en créant des expériences gastronomiques innovantes qui reflètent les diverses traditions culinaires du monde.
Un autre exemple est celui du métier de steward. Traditionnellement lié à la vaisselle et aux tâches de nettoyage, ce rôle s’est transformé en une fonction multidimensionnelle qui englobe désormais la gestion des déchets, l’entretien des équipements et la mise en œuvre de pratiques de durabilité. De même, les fonctions des ressources humaines sont passées d’un rôle administratif à une gestion stratégique des talents, contribuant de manière cruciale à la stratégie globale de l’entreprise. Ces évolutions mettent en lumière de nouvelles exigences en matière de compétences. Aujourd’hui, des qualifications minimales sont nécessaires, mais il est également essentiel de maîtriser des compétences nouvelles telles que l’innovation culinaire, la gestion durable et la stratégie de gestion des talents.
Comment ces métiers à Maurice se différencient-ils de ceux des autres régions touristiques en termes d’exigences et de pratiques ?
L’île a su se bâtir une réputation internationale d’excellence en matière de services, ce qui constitue un atout majeur pour son industrie touristique. L’une des principales différences réside dans l’accent mis sur la personnalisation des services. À Maurice, le personnel hôtelier, doté d’une formation rigoureuse et d’un sens aigu de l’hospitalité, s’efforce de comprendre les besoins et les préférences de chaque client pour offrir des services sur mesure. Cette approche permet de créer des expériences uniques et mémorables, contribuant ainsi à une satisfaction élevée des visiteurs. En comparaison à d’autres destinations touristiques où les services peuvent être plus standardisés, l’hôtellerie mauricienne se distingue par une attention personnalisée et une volonté de dépasser les attentes des clients. Ce niveau de prestation élevé est un facteur clé de son succès dans l’industrie touristique.
Quels types de programmes de fidélisation sont efficaces pour retenir les professionnels qualifiés dans le secteur hôtelier compétitif ?
Chez Attitude, nous mettons tout en œuvre pour convaincre nos employés de rester. Récemment certifiée Great Place To Work pour la septième année consécutive, nous recevons une reconnaissance stratégique qui témoigne de notre engagement envers le bien-être de nos équipes. Cette certification repose sur une enquête approfondie menée auprès de nos Family Members, qui a révélé que : • 93 % sont fiers des réalisations d’Attitude, se sentent valorisés et contribuent activement à la réussite de l’entreprise.
• 91 % trouvent du sens dans leur travail et considèrent leur mission comme plus qu’un simple emploi.
• 89 % trouvent qu’Attitude est un lieu agréable pour travailler, appréciant l’ambiance conviviale et les opportunités de collaboration.
• 93 % apprécient le soutien d’Attitude envers la communauté à travers des actions sociales et environnementales responsables.
• 89 % se sentent libres d’être eux-mêmes au travail et d’exprimer leurs idées sans crainte de discrimination. Pour soutenir cette vision, Attitude a mis en place plusieurs initiatives visant à enrichir la vie professionnelle et personnelle de ses employés. Chaque année, le Profit Sharing Scheme permet aux employés de recevoir un pourcentage des bénéfices de l’entreprise. De plus, une couverture médicale est proposée à des tarifs préférentiels aux employés et à leur famille. Le programme Zenfan Lakaz offre des réductions exceptionnelles dans les hôtels pour les employés et leur famille.
Quels sont les principaux défis auxquels les recruteurs du secteur sont confrontés lorsqu’il s’agit de retenir leurs employés les plus talentueux ?
Le développement de carrière est un défi majeur. Dans certaines structures, les opportunités de progression peuvent être limitées, ce qui peut freiner le développement des employés les plus talentueux. La grille salariale constitue également un enjeu. Pour retenir les meilleurs talents, il peut être nécessaire de dépasser la grille salariale existante. Cependant, cela peut engendrer frustration et démotivation parmi les autres employés, créant un déséquilibre au sein de l’équipe.
Comment l’hôtellerie peut-elle se réinventer pour attirer de nouveaux talents, notamment parmi les jeunes générations qui cherchent à concilier travail et vie personnelle ?
Pour attirer de nouveaux talents, en particulier parmi les jeunes générations, l’hôtellerie doit se réinventer en offrant un environnement de travail à la fois créatif, participatif et en phase avec les valeurs des employés. Les jeunes travailleurs cherchent un emploi qui répond à leurs valeurs et où ils se sentent entendus. Depuis 2008, Attitude a adopté une approche du tourisme qui allie sens du travail et impact positif. Nous offrons une expérience immersive en soutien à l’économie locale et à la communauté, tout en protégeant l’environnement.
En 2019, nous avons été le premier groupe hôtelier à obtenir le label Made in Moris et à éliminer les plastiques à usage unique de notre expérience client. Aujourd’hui, nous visons la certification B Corp pour renforcer notre engagement envers un tourisme local, authentique et durable. Cette démarche résonne fortement auprès des jeunes générations, qui recherchent un environnement de travail où leur contribution a un impact réel et positif.
Comment l’industrie hôtelière mauricienne peut-elle devenir un leader en matière de gestion des ressources humaines et de formation continue ?
La question de devenir un leader en gestion des ressources humaines et en formation continue est complexe, surtout dans une industrie des services confrontée à des difficultés de recrutement. Il est essentiel de repenser notre approche des ressources humaines et de la gestion des talents avant de viser un rôle de leader dans ces domaines. Cela dit, l’hôtellerie à Maurice est déjà reconnue pour ses success stories et sa capacité à offrir des opportunités de progression de carrière. Nous sommes fiers de nos managers et chefs de département qui ont commencé jeunes et ont aujourd’hui de grandes responsabilités.
Quels facteurs contribuent le plus à l’exode des talents, et quelles stratégies les hôtels peuvent-ils mettre en œuvre pour retenir les compétences locales et minimiser les départs vers des marchés internationaux ?
L’industrie hôtelière se distingue par ses horaires décalés et ses journées physiquement intenses, ce qui contribue à un faible taux de rétention des employés. Cette spécificité du secteur, couplée à l’essor des restaurants indépendants aux horaires fixes, accentue ce problème. Autrefois, on pensait que la rémunération était le principal facteur de départ des employés. Aujourd’hui, il s’avère que pour les millennials, qui représentent près de 50 % de la main-d’œuvre, l’argent n’est qu’un élément parmi d’autres. Ces jeunes professionnels cherchent surtout des opportunités de croissance, des perspectives de carrière et des programmes de formation.
Pour retourner la tendance, les hôtels doivent :
• Améliorer les conditions de travail : réduire les contraintes liées aux horaires décalés et aux exigences physiques.
• Investir dans le développement des talents : créer des programmes de formation et offrir des opportunités de croissance.
• Renforcer la culture d’entreprise : établir un environnement qui valorise l’épanouissement et la motivation des équipes. En s’attaquant à ces deux fronts, l’industrie hôtelière peut devenir un secteur attractif pour les talents locaux et limiter les départs vers les marchés internationaux.
Quelles stratégies l’économie mauricienne peut-elle adopter pour attirer et former des talents locaux dans l’industrie du tourisme, afin de réduire la dépendance à la main-d’œuvre étrangère et stimuler l’emploi local ?
• Accepter la mobilité de la maind’œuvre : la mobilité de la maind’œuvre est une norme mondiale. Les Mauriciens peuvent travailler à l’étranger ; il est donc essentiel que les ressortissants étrangers puissent également travailler à Maurice. Il est crucial de considérer la main-d’œuvre étrangère non pas comme une menace, mais comme un élément nécessaire à la pérennité du secteur touristique.
• Investir dans la formation locale : pour renforcer l’industrie touristique, il est indispensable d’investir dans la formation des talents locaux. Cela passe par la création de programmes de formation spécialisés et la collaboration avec des institutions éducatives pour adapter les cursus aux besoins de l’industrie du tourisme.
• Adopter une vision à long terme : plutôt que de se concentrer uniquement sur la réduction de la main-d’œuvre étrangère, l’objectif doit être de garantir la pérennité du secteur touristique. Cela implique le développement de stratégies à long terme visant à favoriser l’épanouissement des talents locaux tout en intégrant les compétences étrangères de manière complémentaire.
Selon les observateurs, plusieurs Mauriciens préfèrent travailler sur des bateaux de croisière en raison des salaires plus élevés. Avec la création des métiers de l’hôtellerie, les salaires des employés des hôtels ont-ils été révisés à la hausse ?
Nous avons ajusté notre rémunération en fonction des standards du marché. Cependant, il est important de noter que le modèle commercial des croisières est différent de celui des hôtels. Sur un bateau de croisière, le chiffre d’affaires est généralement plus élevé en raison de ses 2 000 chambres, et les heures de travail, ainsi que les habitudes de dépenses et de pourboires des clients à bord, sont également distinctes.
Quelles sont les prévisions pour le secteur du tourisme à l’île Maurice pour le reste de l’année 2024, en tenant compte des performances du premier trimestre et des projets de construction de nouvelles infrastructures hôtelières ? De plus, comment se positionne l’île Maurice par rapport aux Maldives et à La Réunion en termes de concurrence dans le secteur touristique ?
La deuxième moitié de 2024 semble prometteuse pour le secteur du tourisme à l’île Maurice. La basse saison (mai à septembre) devrait être plus favorable que les années précédentes. Cependant, les réservations pour la fin de l’année accusent un léger retard par rapport à 2023, ce qui engendre un optimisme mesuré. Il est important de noter que les arrivées touristiques ne se traduisent pas uniquement par des nuitées d’hôtel. Environ 40 % des touristes ne séjournent pas dans des établissements hôteliers. Le développement de nouvelles infrastructures doit donc veiller à un équilibre entre capacité d’accueil des hôtels et dessertes aériennes.
Les Maldives représentent un concurrent sérieux pour Maurice, avec une meilleure connectivité aérienne et une image plus qualitative en matière de plages et de lagons. Leur politique tarifaire agressive constitue également une menace. En revanche, Maurice se distingue par sa richesse et sa diversité. Elle offre un mélange unique de détente, de découverte et d’accueil chaleureux, ce qui contribue à fidéliser sa clientèle.
En ce qui concerne La Réunion, les deux îles sont des destinations complémentaires. Tandis que La Réunion propose des activités sportives et de randonnée avec ses cirques, volcans et reliefs spectaculaires, Maurice est idéale pour la détente et le farniente. L’avenir du tourisme à Maurice est prometteur, mais des efforts restent nécessaires pour maintenir sa compétitivité face aux concurrents. En mettant en avant ses atouts uniques, son accueil chaleureux et sa complémentarité avec La Réunion, Maurice peut continuer à séduire des voyageurs du monde entier.
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