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Dev Sunnasy
«Assurer la création de la richesse nationale et un partage équitable»
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Dev Sunnasy
«Assurer la création de la richesse nationale et un partage équitable»
Dev Sunnasy, l’un des dirigeants de Linion Moris.
Linion Moris (LM) est une alliance de plusieurs partis politiques essentiellement extra-parlementaires, qui souhaitent que «sistem bizin sanze pour enn meyer Moris». D’abord, Linion Pep Morisien (LPM) a été créé le 21 mars 2022 pour regrouper 4 partis politiques (100% Citoyens, GREA, Mouvement Patriotique et Mouvement Travayis Militant). Ensuite, LM a été créé pour accueillir d’autres forces progressistes comme le Rassemblement Mauricien de Nando Bodha, les Verts Fraternels de Sylvio Michel et le Ralliement Citoyen pour la Patrie de Parvez Dookhee et Padma Utchanah. Ces sept groupes politiques en alliance veulent proposer une alternance aux blocs existants. L’un des cadres de LM évoque pour l’express leurs projets…
Quelle est la vision économique de Linion Moris ?
Primo, LPM avait publié sa vision économique en mai 2022, un budget alternatif avec sa direction et sa vision pour le développement économique du pays avec en ligne de mire 2050, un document intitulé Trust is all we need, Mauritius back to work. Deuxio, LM fait une différence entre les finances (politique monétaire et fiscale) et l’économie. L’économie étant une science sociale qui étudie la production, la répartition, la distribution et la consommation des richesses d'une société. Donc, la création d’emplois, les industries de produits et services, les affaires et l’entrepreneuriat, dont les self-employed, et finalement l’exportation des biens et services. Lors du lancement de LM le 2 septembre dernier, nous avons publié nos 22 engagements. Les sept engagements ci-dessous peuvent donner le ton de notre vision économique avec à la base, la compétence, l’intégrité et la méritocratie.
E6. Combattre la mafia. Zéro tolérance contre le trafic de drogue, la fraude, la corruption et l’enrichissement illicite.
E7. Esclavage : Réparations pour une émancipation économique qui respecte l'humain et la nature.
E10. Assurer la création de la richesse nationale et un partage équitable : Bef travay, tef manzé.
E11. Sortir les classes défavorisées de l’engrenage de la pauvreté.
E14. Faire du pays un modèle de transition énergétique et de sécurité alimentaire nationale et régionale.
E20. Assurer le droit au travail, la dignité au travail, un salaire égal pour travail égal, pour tous les travailleurs, y compris les migrants.
E21. Mettre le pays à la pointe de la recherche et de l’innovation en adoptant les dernières technologies
Comment y arriver, me direz-vous ? En se donnant des objectifs clairs et un agenda réaliste, mais ambitieux.
Économie parallèle illicite
Il faudrait s’attaquer dès le premier jour aux différentes mafias, drogue, fraude, blanchiment, jeux et autres trafics illicites. Les complices des mafieux dans le secteur public, la police, la douane, le port et l’aéroport, entre autres. LM aura un ministre de l’Intérieur qui ne sera pas le Premier ministre pour pouvoir s’attaquer full-time aux malfrats et fléaux, surtout ceux en col blanc. S’assurer que les nouveaux élus ne soient pas tentés par l’argent facile, les lobbies et autres acheteurs ou «marchands merveilles». Toute action frauduleuse sera doublement punie pour tout décideur, haut cadre, député ou ministre.
La Public Officials Protection Act, qui protège les fonctionnaires au-delà de 2 ans après les faits, sera abolie. Le Freedom of Information Bill publié par LPM en septembre 2022 sera présenté et voté au Parlement dans le premier mois de son mandat. Les dirigeants de l’ICAC et du FIU, du Gouverneur de la Banque de Maurice et du commissaire de police seront choisis par un Appointement Committee, composé d’élus du gouvernement, de l’opposition et de membres de la société civile, et les nominations seront validées par le Parlement, pour les rendre ‘accountable’. Un appel public à dénoncer les maldonnes sera fait et le travail commencera. Le ministre de l’Intérieur sera aussi responsable de faire éclore sous trois mois une Financial Crime and Corruption Court avec des juges d’instruction.
Développement économique
Maintenant nous pouvons parler de développement économique. Le pays stagne et végète. Le premier pilier de l’économie est le trafic de drogue. Le deuxième est la nation zougader qui détruit les familles. Le secteur privé n’investit plus dans la production et le secteur des PME est en berne. Les conglomérats ne créent plus de valeur mais se consacrent au bétonnage des terres, donc, plus de création d’emplois et de développement économique soutenable, sauf des quick wins. L’État se concentre aussi sur le béton, coaltar, ponts et tram. L’investissement étranger est essentiellement dans les villas de luxe. Donc, personne ne développe l’économie pour l’avenir de nos jeunes, pour se préparer au time-bomb qu’est le vieillissement de la population et des pensions qui coûteront environ Rs 75 milliards en 2030.
Pravind Jugnauth a fait le choix d’un modèle économique basé sur la consommation (il faut faire payer les pauvres, car ils sont plus nombreux) et les dettes que la population paiera plus tard. Le dollar US était à Rs 32,40 en janvier 2015 et maintenant autour de Rs 45. Cette dévaluation graduelle de la roupie a entraîné la cherté de la vie. Un gouvernement responsable devra choisir le modèle économique approprié pour sortir du marasme avant l’implosion. LM proposera aux conglomérats, grands capitaux et associations d’industries, y compris les PME de met latet ensam, d’investir et de produire pour sauver le pays, ceux qui viendront y gagneront. Mais LM s’engage à investir dans l’avenir. Le MIC basculera sous la State Investment Corporation (SIC), qui sera le moteur de développement, sous un ministère de l’Économie séparé des Finances, où l’État investirait sur l’avenir et la réindustrialisation avec le secteur privé.
La SIC investira dans les secteurs d’innovation, Green, Blue, Power, Transform et Export des compétences réunis. Il faudra choisir, prendre des dettes ou pas. Imaginons que nous empruntions Rs 50 milliards pour investir dans la production d’énergies (Green-Blue), et que chaque année nous en récoltons les fruits. Chaque année nous importerons moins de charbon et d’huile lourde, diesel/essence. SIC-Blue et ses partenaires investiront dans une flotte pour les besoins locaux et l’exportation à travers la transformation. Les associations de pêcheurs et syndicats devront être parties prenantes. Nous importons annuellement pour Rs 8 milliards de poissons et fruits de mer.
Imaginons que SIC-Export investisse sur l’Afrique Rs 10 milliards dans les SEZ pour nos entrepreneurs locaux, PME niches, associations d’architecte, de génie civil, d’informatique, d’industries… ce sera l’accès à un marché d’un milliard d’habitants, avec une présence physique en Afrique de l’Ouest, Est et Sud. Ayant été président de la Mauritius Information & Technology Industry Association, je sais que diverses associations n’attendent que ce coup de pouce de l’État pour grandir en Afrique. Nous avions estimé des revenus de Rs 50 milliards en travaillant ensemble sous un ICT cluster avec la création de milliers de high-value jobs.
PME et entrepreneurs
Entre 2017 et 2020, 60 000 emplois ont disparu, dont 35,000 dans ce secteur. Pourtant en 2016, on avait présenté en grande pompe un 10-year Masterplan 2016-26 des PME. Il y avait aussi le National Export Strategy. Flop sur flop. La part des PME dans le PIB a chuté et dans l’exportation la chute a été de Rs 6.4 Mds à Rs 4.9 Mds de 2015 à 2020.(Figure 2.5)
Pour inverser la vapeur dans ce secteur fragile qui emploie 241 000 personnes, il faut la valoriser et la protéger. LM s’engage à appliquer une discrimination positive envers les PME et leur faciliter l’accès aux marchés publics et privés. Les grandes entreprises seront invitées à pratiquer plus de sous-traitance envers les PME, à les emmener dans leurs aventures en Afrique et à leur laisser certains métiers en les épaulant. Ils y gagneront. Per exemple, Mauritius Telecom se désengagera graduellement de ses activités d’entreprise et se concentrera sur son métier d’opérateur car elle fait de la concurrence déloyale. Idem pour d’autres.
L’accès aux marchés est plus important que l’accès aux finances. Les délais de paiements aux PMEs seront légiférés. Il sera obligatoire au secteur public de payer les factures sous 15 jours et au secteur privé sous 30 jours, car certains abusent de leurs pouvoirs et font des paiements dans 60 jours. D’autres le font parfois, notamment dans le secteur de la construction, avec 6 mois de retard. Le retard de paiement empêche les PME sérieuses de grandir et d’autres doivent fermer boutique. Le ministère de l’Économie en France avait analysé ce problème en 2016 et légiféré avec de fortes amendes. Selon leurs études, sans retard de paiement, plus de 100 000 emplois auraient été créés.
Les grandes entreprises, souvent dotées d'un pouvoir financier et de marchés considérables, ont parfois été critiquées pour exploiter leurs avantages au détriment des PME. Cet abus de pouvoir peut se manifester de diverses manières. Une préoccupation courante concerne le comportement monopolistique que certaines grandes entreprises adoptent. Elles peuvent se livrer à des pratiques anticoncurrentielles telles que la fixation de prix prédateurs, la conclusion de contrats exclusifs ou l'acquisition d'entreprises concurrentes, ce qui étouffe la concurrence et laisse aux plus petits acteurs peu de chances de prospérer. Ce comportement monopolistique peut entraîner une hausse des prix, une réduction de l'innovation et une limitation des choix pour les consommateurs.
Service public à la hauteur
Sans un service public efficient, nous ne pourrons atteindre l’objectif de nos 22 engagements, en commençant par «Zéro tolérance contre le trafic de drogue, la fraude, la corruption et l’enrichissement illicite.» Il faut redonner confiance dans nos ministères et nos institutions, y compris nos corps paraétatiques, d’où notre programme d’Open Government – Transformation of Government avec une politique de transparence et de redevabilité. «Si to foté to tasé».
La digitalisation des différents secteurs se fera exclusivement auprès d’entreprises mauriciennes, quel que soit le montant. Ils pourront avoir comme partenaires, si besoin est, les Mauriciens de la diaspora ; la sous-traitance sera obligatoire auprès de PME spécialisées d’un minimum de 25 % du montant de leurs projets pour tout contrat public ou privé (avec l’espoir d’arriver à 50 %) et des transferts de compétences avec des consultants étrangers quand elles manquent localement. L’objectif est de rendre la vie des Mauriciens plus facile en évitant les queues interminables dans différents services tels que la NTA, la Police, la Sécurité sociale, les hôpitaux, etc. ; et de build capacity et de donner des références et de l’expérience aux entreprises mauriciennes pour aller vendre en Afrique. La Public Procurement Act sera revue pour s’assurer de services de qualité et un audit permanent sera mis en place.
Géopolitique
Conflit israélo-palestinien.
Outre les craintes des échanges commerciaux via le canal de Suez, si cette nouvelle guerre s’étend à d’autres régions, surtout près du canal de Suez, les bourses au Proche-Orient seront déstabilisées. Les cours du pétrole se sont envolés de plus de 4 % lundi après l’offensive surprise ce week-end du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, ce qui suscite des inquiétudes en matière d’approvisionnement en or noir. Les risques inflationnistes à Maurice seront réelles dépendant de la durée de cette guerre.
Agaléga.
Maintenant qu’il est évident qu’Agaléga est devenue une base militaire indienne et que l’Inde se range auprès des Américains, la Chine plus proche des Russes, quels sont les risques en cas de guerre dans l’océan Indien où traversent 30 000 navires et nos importations de l’inde, du Pakistan et d’autres pays d’Asie du Sud-est. LM proposera un accord avec l’Afrique du Sud et Madagascar, grenier africain et pays géographiquement proche.
Le prix du sucre est au plus haut depuis 2020. Il grimpe encore cette année (avec la sécheresse en Inde et en Thaïlande causée par le changement climatique et El Niño). Temps de réinvestir au moins dans les terres abandonnées ?
Plus de 20 000 arpents de terres sont abandonnées par les petits planteurs pour diverses raisons. Beaucoup sont prêts à louer leurs terres à condition d’avoir une garantie que leurs terres ne soient pas ‘volées’. LM s’engage à les inclure dans l’écosystème de l’agroécologie que nous mettrons en place avec une garantie de l’État que leurs terres seront protégées. Chaque stakeholder aura sa place dans le développement économique. 10 000 arpents de terres génèreront plus de Rs 60 milliards dans l’industrie de transformation du chanvre et du cannabis comme décrit dans notre document publié le 30 avril 2022**.
Nous invitons tous ceux qui souhaitent investir avec la SIC-Green dans cette aventure, y compris des centres de recherche et de développement multi-sectoriels. Le cannabis médical sera Made in Moris avec des laboratoires partenaires et nous prévoyons un hôpital spécialisé dans ce domaine. Le bioplastique, le biofuel, le textile et les matériaux de construction écologiques seront les produits dérivés et fabriqués localement. Nous estimons que redynamiser cette industrie peut créer 15 000 emplois. Les PME dans ce secteur seront encouragées à intégrer une coopérative innovante.
D'autre part, il faudrait encourager les entrepreneurs agricoles à augmenter les productions locales de fruits et légumes, en travaillant avec les grandes entreprises dans un win-win model pour diminuer drastiquement nos importations. Plusieurs le font déjà, comme Eclosia, Food Canners, Fine Foods, Farm Basket, SKC Surat, etc. Elles auront une immense responsabilité de faire grandir leurs stakeholders en mettant aussi l’accent sur la santé via des cultures raisonnées et bio. Nous avons une population malade, 25 % souffrent de diverses maladies (diabète, hypertension, cardiovasculaire) et 10 % sont consommateurs de drogues dures. Pour qu’une économie fonctionne, il lui faut une population éduquée et en bonne santé.
Joseph Schumpeter, économiste autrichien (1883-1950) explique sa théorie de ‘destruction créatrice’ dans ses livres, dont Capitalisme, Socialisme et Démocratie publié aux États-Unis en 1942. La destruction créatrice est le processus économique continu par lequel l'irruption sur les marchés d'innovations défie les entreprises déjà implantées et conduit les moins productives à disparaître. Par ce processus, le système économique se renouvelle et génère une croissance économique à long terme.
Quelles sont les mesures préconisées par votre équipe pour combattre l'inflation ?
La lutte contre l'inflation sera une rude bataille, mais il suffit d'avoir une réelle volonté politique. Comme proposé dans notre budget alternatif 2022, pour lutter contre l'inflation, nous devrons stabiliser notre roupie. L'excédent entre les importations et les exportations doit être inversé. Nous devons veiller à importer moins et à doubler nos exportations. Lorsque nous parlons d'exportations, nous y incluons les biens et les services. Ce faisant, le pays gagnera plus des devises étrangères, ce qui augmentera la valeur de notre roupie. Le gouvernement ayant épuisé nos réserves durant la pandémie, LM devra recapitaliser la Banque de Maurice, ce qui aura un impact direct sur la valeur de notre roupie.
Comment inverser la tendance de l’exode des cerveaux et retenir nos jeunes ?
Une des raisons principales de l'exode est un manque de confiance dans le système économique et politique du pays. Il y a aussi un manque d’opportunités pour les jeunes qui font des études de sciences et d’entrepreneuriat. LM a longuement travaillé dessus et nous sommes arrivés à la conclusion qu'il y a deux aspects principaux à considérer. Comment convaincre nos jeunes à l'étranger de revenir travailler au pays. On doit leur proposer un salaire juste et éliminer la corruption et le népotisme dans les secteurs public et privé. La méritocratie, une bonne gestion de l'économie et une progression de carrière feront en sorte que les générations suivantes (entre 8 à 16 ans) auront plus confiance à rester au pays ou à revenir après leurs études universitaires.
Au début de l’entretien, j’ai donné quelques exemples de diversification économique et de création de nouveaux secteurs qui permettront au pays de faire plusieurs choses en même temps :
- Créer de nouveaux emplois pour nos jeunes qualifiés et non-qualifiés.
- Créer des high-value jobs
- Grimper et leapfrog dans l’Economic Complexity Index (ECI). Maurice est mal classé à la 71e place.
- Ouvrir le secteur public à la diaspora.
- Attirer de nouveaux investisseurs en dehors du foncier.
- Créer l’environnement propice pour attirer 20 000 migrants à haut revenus (artistes, auteurs, ex-sportifs et coachs, ingénieurs, chercheurs…
Nous constatons aussi que +90 % de nos exportations sont des produits ou services non-complexes avec une faible valeur ajoutée, une des raisons pour laquelle notre économie stagne.
Que pensez-vous de la proposition d'un gouvernement de transition de Rezistanz ek Alternativ ?
LPM avait proposé pour la Journée internationale de la démocratie, le 15 septembre 2022, une Transition constitutionnelle sur un mandat* et comment y arriver en faisant participer tous les acteurs de la vie politique et la société civile sans oublier les académies et les étudiants.
** https://linionpepmorisien.com/wp-content/uploads/2023/10/CANNABIS-INDUSTRY.pdf
*** https://linionpepmorisien.com/wp-content/uploads/2023/04/Constitutional-Reforms.pdf
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