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Au-delà du Papa-Tifi…
Un peu comme chez nous, le paysage politique en Thaïlande a longtemps été dominé par des familles influentes, parmi lesquelles le clan Shinawatra. L’élection, vendredi dernier, de Paetongtarn Shinawatra en tant que plus jeune Première ministre a une fois de plus mis en lumière la fermeté des dynasties politiques en Thaïlande.
Toutefois, l’ascension de Paetongtarn au pouvoir n’est pas qu’une simple affaire de famille : elle reflète la lutte continue entre les aspirations démocratiques et le pouvoir enraciné, boulonné, confisqué par les familles politiques, pour ne pas dire les dynasties.
Papa-tifi, papa-matant, papa-kouzin! À 37 ans, Paetongtarn Shinawatra a pris les rênes du pouvoir, assumant un rôle qui a vu son père, sa tante et son oncle être destitués par… des coups d’État ou des décisions judiciaires.
Son père, Thaksin Shinawatra, est un nom synonyme à la fois de populisme et de controverse en Thaïlande. Ses politiques ont certes conquis les masses rurales, mais l’ont également transformé en une cible des milieux militaires et royalistes. Malgré son renversement en 2006, l’influence de Thaksin a perduré, façonnant la politique thaïlandaise depuis l’étranger pendant son exil auto-imposé à Dubai. L’ascension de sa plus jeune fille à la tête du gouvernement est le dernier chapitre de cette saga familiale qui pourrait inspirer, encore plus, nos héritiers politiques, fils ou filles.
L’emprise de la famille Shinawatra sur le pouvoir n’est pas seulement un témoignage de leur habileté politique, mais aussi des failles persistantes dans le système politique thaïlandais. Le pays a vu ses institutions démocratiques être systématiquement sapées par des coups d’État militaires et des interventions judiciaires, ciblant souvent des dirigeants ayant des agendas populistes, comme ceux de la famille Shinawatra. Le dernier rebondissement en date est survenu lorsque la Cour constitutionnelle a dissous le parti Move Forward, une force progressiste qui avait suscité un large soutien lors des élections de 2023. La dissolution du parti et l’interdiction de ses dirigeants de faire de la politique pendant dix ans ont envoyé un message clair : l’establishment ne tolérera pas les défis à son autorité.
L’élection de Paetongtarn au poste de Premier ministre, bien que significative, soulève également des questions sur l’avenir de la démocratie en Thaïlande. Son manque d’expérience en matière de gouvernance a été un sujet de controverse, les critiques affirmant que son ascension est davantage liée à son nom de famille qu’à ses qualifications. En effet, le parti Pheu Thai, fondé par son père, est depuis longtemps perçu comme un véhicule de la dynastie Shinawatra. Bien que Paetongtarn ait promis de diriger avec une équipe solide et de continuer les politiques populistes qui ont défini l’héritage politique de sa famille, le scepticisme demeure quant à sa capacité à naviguer dans les eaux tumultueuses de la politique thaïlandaise sans tomber dans les mêmes pièges que ses prédécesseurs.
La communauté internationale, y compris des organismes tels que le Conseil des droits de l’homme des Nations unies, est restée en grande partie silencieuse face à l’érosion des normes démocratiques en Thaïlande. Les militaires et leurs alliés ont à maintes reprises manipulé le système politique pour maintenir leur emprise sur le pouvoir, souvent au détriment des principes démocratiques. La dissolution du parti Move Forward n’est que le dernier exemple en date de cette tendance autocratique, et elle soulève de sérieuses inquiétudes quant à l’avenir du pluralisme politique en Thaïlande.
Pour le peuple thaïlandais, en particulier pour la jeune génération, la persistance des dynasties politiques comme les Shinawatra peut être à la fois une source d’inspiration et de frustration. D’une part, la pertinence continue de la famille reflète l’attrait durable des politiques populistes qui donnent la priorité aux besoins des citoyens ruraux et ouvriers. D’autre part, elle met en évidence les limites d’un système politique qui semble offrir peu de place à de nouvelles voix et idées.
Alors que Paetongtarn Shinawatra assume le rôle de Premier ministre, elle fait face à la tâche redoutable de diriger un pays profondément divisé sur le plan politique. Les défis qui l’attendent sont immenses : une économie en difficulté, la menace constante d’une intervention militaire, et une population de plus en plus désillusionnée par le statu quo. Reste à savoir si elle parviendra à surmonter ces obstacles et à forger son propre héritage.
En fin de compte, l’ascension de Paetongtarn au pouvoir rappelle l’influence durable des liens familiaux dans la politique thaïlandaise (et dans celle de Maurice par extension). Elle souligne la nécessité d’un système politique plus inclusif et représentatif, permettant une véritable participation démocratique et l’émergence de nouveaux leaders – on ne dit pas ici qu’il faille éliminer tous les fils et filles de... mais ceux-ci doivent savoir partager le pouvoir de leur parti tout en promouvant la méritocratie au lieu de se courber devant les seuls liens de sang. Est-ce trop demander ?
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