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Manière de voir - Papa-piti: piti pas papa

25 février 2017, 17:45

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Manière de voir - Papa-piti: piti pas papa

Bien qu’il ait bénéficié de l’opération papa-piti, Pravind Jugnauth, a prouvé, ces derniers jours, qu’il ne suit pas son père. La preuve : sa présence aux côtés des dirigeants du Hindu Maha Sabha à Grand-Bassin… 

Pour ceux qui décodent les gestes et les propos des hommes politiques mauriciens, la présence du Premier ministre, Pravind Jugnauth, aux côtés des dirigeants du Hindu Maha Sabha (HMS) à GrandBassin le lundi 20 février constitue une rupture majeure d’avec la politique suivie par son père, sir Anerood Jugnauth. Pour les non-instruits, il est utile d’expliquer que sir Anerood a systématiquement boycotté le HMS suivant une grave controverse qui avait divisé la famille sanataniste à Maurice dans les années 80.

Les Sanatanistes sont les adeptes du système traditionnel qui a prévalu en Inde et ailleurs en Asie pendant des millénaires. Ils croient dans le Trimurti, c’est-à-dire les trois formes représentant Brahma, Vishnou et Shiva. Les principaux avatars de Vishnou sont Rama et Krishna. Les Sanatanistes sont dirigés dans leurs croyances et les grandes étapes de la vie par une classe de prêtres appelés les brahmanes. Le culte sanataniste a été remis en question en Inde par Bouddha, puis par les réformateurs de l’Arya Samaj. À Maurice, en raison des mariages exogames, la fracture entre Arya-Samajistes et Sanatanistes s’est largement estompée.

Toujours à Maurice, les Sanatanistes étaient très unis dans le passé. Ainsi, l’ancien ministre Dayanandlall Basant Rai (le «ministre Grand-Bassin» le plus performant de tous les temps) présidait à la fois le HMS et la Mauritius Sanatan Dharma Temples Federation (MSDTF). Puis, suivant la débâcle de l’Establishment travailliste en 1982, une fissure grandissante se dessina entre le HMS et la MSDTF au point où des «idéologues» d’un genre nouveau – représentés principalement par Suresh Ramburn, grand agent de sir Anerood dans la région de Rivière-du-Rempart – proposèrent une formule révolutionnaire dans le culte sanataniste. Ces idéologues préconisèrent le remplacement des prêtres brahmines par des non-brahmines. Et ils passèrent à l’action, formant d’éventuels pandits ici même ou les envoyant en Inde pour des études poussées.

«SAJ croyait dans la méritocratie et non pas dans des privilèges obtenus à la naissance.»

Cette révolution provoqua une vive réaction chez les traditionalistes représentés par le HMS, alors que la MSDTF accélérait le processus de recrutement de pandits non-brahmines. À un certain moment, une délégation partit à la rencontre du Premier ministre pour protester contre cette innovation. En sus de tenir des propos d’une rare véhémence, sir Anerood expliqua aux protestataires qu’il croyait dans la méritocratie et non pas dans des privilèges obtenus à la naissance. Ce fut la rupture totale entre le Premier ministre et le HMS de plus en plus marginalisé. La MSDTF commença à régner en maître. Son président actuel, Somduth Dulthumun, symbolise cette mainmise, de gouvernement en gouvernement.

Quand Navin Ramgoolam devint Premier ministre en 1995, il se fut plus accommodant en participant aux activités du HMS, dont les célébrations en 1998 du centenaire du pèlerinage à GrandBassin organisé par le HMS. Mais la MSDTF et son acolyte, la Hindu House de Virendra Ramdhun, sont restés omniprésents. Ce qui explique la prestation de Dulthumun et de Ramdhun à GrandBassin et ailleurs, que le Premier ministre soit Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam ou encore Pravind Jugnauth. Ramdhun joua aussi la carte Paul Bérenger quand ce dernier était Premier ministre. La légende veut que ce soit à l’initiative de Paul Bérenger que l’immense cour de la Hindu House fût asphaltée suivant une sollicitation de Ramdhun.

Tout en maintenant un cordon sanitaire autour de lui qui semblait même exclure Nando Bodha, Pravind Jugnauth a côtoyé Dulthumun et Ramdhun ces derniers jours. Mais il a refusé d’être accaparé par le tandem, d’où sa présence au temple du HMS. Par rapport au HMS, Pravind Jugnauth, ayant pourtant béné- ficié de l’opération papa-piti, a voulu prouver de manière on ne peut plus catégorique qu’il ne suit pas son papa. Le piti n’est pas papa sous ce chapitre. Attendons voir d’autres gestes, d’autres propos, démarquant le piti de son papa