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Manière de voir : Ramdhun et ses mathématiques erronées

4 mars 2017, 12:57

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Le président de la Hindu House n’a pas mâché ses mots lors de Maha Shivaratree, la semaine dernière. Pour lui, ce sont les régions rurales qui ont fait élire le PM. Des propos erronés auxquels ce dernier n’a, pourtant, pas souhaité réagir..

Virendra Ramdhun n’est pas passé par quatre chemins pour défendre le Premier ministre Pravind Jugnauth pour ses présences répétées à Grand-Bassin durant le pèlerinage de Maha Shivaratree. «Nou ki fer éleksion. Lakanpagn ki fer éleksion. Ki problem si Prémié minis vinn dan Grand-Bassin ? Lané prosenn nou met enn guesthouse isi. PM res isi pandan enn sémenn.»

Il n’est pas nécessaire de détenir un doctorat en sciences politiques pour comprendre ce que Ramdhun entendait par «nou», terme souvent accompagné du corollaire «bann», pour se compléter en slogan «nou bann».

Le Premier ministre Pravind Jugnauth (à g.) aux côtés de Virendra Ramdhun, lors d’un état des lieux à Grand-Bassin, le 15 février

«La campagne» est évidemment définie comme «villages». Ou encore les dix circonscriptions rurales, du fameux no 5 (Triolet–Pamplemousses) au no 14 (Savanne–Rivière-Noire). Donc, dix circonscriptions élisant 30 députés sur 62. Ce qui ne fait pas la majorité, mais qui est quand même conséquent. Tout comme les 32 autres élus qui, théoriquement, constituent une majorité. Alors comment «la campagne» de Ramdhun pourrait-elle fournir une majorité d’élus ?

Propos incendiaires

Le Premier ministre, qui s’est targué d’être un républicain intégral, choisissant de ne pas prendre la parole à Grand-Bassin pour ne pas faire de la politique lors d’une cérémonie religieuse, a écouté les propos incendiaires de Ramdhun sans réagir, sans le rappeler à l’ordre, sans rétablir les faits historiques. Car, jamais dans les annales électorales du pays, un parti ou une alliance n’a pu remporter les élections générales rien qu’en enlevant des sièges en régions rurales. Depuis les élections de 1967, avant même l’accession du pays à l’indépendance jusqu’à la consultation de 2014, la victoire est acquise en enlevant des sièges tant dans les villages que les villes.

 

Voici ce que nous enseigne l’histoire :

  • En 1967, le Parti de l’indépendance, dirigé par sir Seewoosagur Ramgoolam, fait élire trois candidats (Mohabeer Foogooa, Raouf Bundhun et Raymond Rault) dans la circonscription de Port-Louis Nord–Montagne-Longue), une circonscription pas majoritairement hindoue. L’alliance de Ramgoolam enlève aussi les trois sièges de La Caverne– Phœnix (sont élus Mohunpersad Kistnah, Rajmohunsingh Jomadar et Abdool Hack Osman) et aussi les trois sièges de Vacoas–Floréal (élus Angidi Chettiar, Preeduth Mewasingh et Joseph Marcel Mason).

Les élections de 1976 et 1982 sont atypiques. En 1976, c’est une lutte à trois entre le PTr/CAM, le MMM et le PMSD. 1982 constitue un record mais expose aussi la perversion du système First Past The Post.

 

  • En 1983, le MMM présente Paul Bérenger comme Premier ministre et il a face à lui la toute nouvelle alliance bleu-blanc-rouge. D’après les observateurs impartiaux, le MMM fut battu non pas parce qu’il lui manquait des votes hindous. Le MMM fut battu parce qu’il ne réussissait pas à faire le plein en régions urbaines. Le MMM perdit un siège au no 15 (Yousuf Mohamed), trois sièges au no 16 (Karl Offmann, Babooram Mahadoo et Rohit Beedaysee), encore trois sièges au no 17 (Gaëtan Duval, Marc Hein et Kailash Purryag), trois sièges au no 18 (Michael Glover, Anil Gayan et Raj Virahsawmy) et même un siège dans le soidisant fief du no 20 (Hervé Duval).

Aux élections de 1987, l’alliance bleu-blanc-rouge perdit deux sièges en régions rurales, Prem Nababsing (MMM) se faisant élire au no 13 et Alan Ganoo dans le no 14. Par contre, le MMM perdit un siège dans le no 4 à Port-Louis (Xavier-Luc Duval), dans le no 15 (Allan Driver), deux dans le no 16 (Vishwadeo Gobin et Babooram Mahadoo), trois sièges dans le no 17 (Clarel Malherbe, Parmanand Brizmohun et Hervé Duval), trois sièges dans le no 18 (Glover, Balkrishna Gokulsing et Raj Virahsawmy) et un siège dans le no 20, Gaëtan Duval s’y faisant élire en tête de liste.

  • Les élections de 1991 virent une large victoire de la foudroyante alliance MMM-MSM.
  •  La toute nouvelle alliance MMM-PTr remporta tous les sièges en 1995.
  • En 2000, nouvelle alliance entre le MMM et le MSM cette fois-ci, et large victoire.
  • Élections de 2005, une alliance entre le PTr et le PMSD remporte des sièges tant dans les villages que les villes. Avec seulement «la campagne» (dixit Ramdhun), Navin Ramgoolam ne serait pas devenu Premier ministre en 2005.
  • En 2010, cette fois, une alliance entre le PTr et le MSM enlève une majorité confortable de sièges.
  • En 2014, deux alliances s’affrontent, celle dirigée par le MSM remporte des sièges dans les villages comme les villes. En fait, si on fait le compte à l’intention de Ramdhun, l’alliance Lepep perd quatre sièges en régions rurales, à savoir dans le no 12 (Ritish Ramful et le no 14 (Ezra Jhuboo de même qu’Alan Ganoo) en sus des circonscriptions urbaines du no 2 (Osman Mahomed) et du no 3 (Shakeel Mohamed et Adeel Meeah). Donc, où sont les calculs «la campagne» de Ramdhun ? Le fait que le Premier ministre ait, jusqu’à ce moment, évité de condamner les propos outrageusement sectaires de Ramdhun en dit long sur sa stratégie politique. Pour le bien de la nation et de son unité, il aurait été mieux si le Premier ministre avait tenu un discours à Grand-Bassin (en créole et en hindi, si c’était possible) pour parler en faveur de l’unité nationale, que d’écouter le discours de Ramdhun qui insulte les habitants des villes et de Rodrigues.