Publicité

Pomme de discorde

31 mai 2017, 13:01

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

 

En se tournant une nouvelle fois vers l’Inde pour réaliser ses ambitions, Pravind Jugnauth cherche, sans doute, une solution de facilité qui risque de peser lourd sur l’endettement du pays.

L’emprunt de Rs 18 milliards (500 millions de dollars américains) à un taux concessionnaire obtenu du gouvernement de Narendra Modi à l’issue de son voyage en Inde la semaine dernière, et ce, à la veille de son grand oral du 8 juin, équivaut, tout bonnement, à injecter Rs 18 milliards dans le circuit monétaire. Ce qui, du coup, laissera filer la dette publique. Celle-ci se situe officiellement à 55,6 % du PIB à mars 2017, si l’on ne compte que l’endettement de l’État lui-même, mais à 65 % si, selon la norme internationale, l’on tient aussi compte de l’endettement des corps parapublics. Cette décision va dans le sens inverse de la volonté inscrite dans le Public Debt Management Act de 2008 de ramener la dette publique officielle à 50 % du PIB d’ici 2018.

Exercice d’équilibriste pour Pravind Jugnauth qui se voit techniquement incapable d’atteindre un tel objectif macroéconomique avec, en plus …ce nouvel emprunt indien. À moins que le pays ne découvre demain la présence de l’or noir à Agalega… Jugnauth fils pourra clamer sur tous les toits, y compris sur celui du bâtiment du Trésor, que cet emprunt ne va pas impacter négativement la dette publique, la réalité est, pour sa part, tout autre. Un emprunt reste un emprunt… qu’il soit géré ou pas par une nouvelle entité, la SBM Mauritius Infrastructure Development Company Ltd.

L’économiste Éric Ng a raison de faire part, dans l’express du 30 mai, de ses appréhensions par rapport au timing de Pravind Jugnauth pour le recours à cet emprunt. Et de se demander pourquoi celui-ci n’a pas privilégié un emprunt domestique qui aurait été «d’autant plus approprié que le gouverneur Basant Roi a indiqué que le taux repo resterait inchangé pour encore un bon bout de temps… alors qu’en revanche le taux directeur de la Fed est à la hausse et que, si l’emprunt indien est assujetti à un taux variable, le service de la dette sera alourdi». À Maurice, la dette publique reste un sujet qui fait débat et qui est éminemment politisé. Pour preuve, depuis l’annonce du plus gros emprunt indien obtenu par le gouvernement, les déclarations politiques s’enchaînent, les unes plus incohérentes que les autres, chacun cherchant à rendre fiscalement irresponsable la démarche de Pravind Jugnauth de négocier cet accord à quelques jours de son second exercice budgétaire. L’exercice d’explications de lundi a néanmoins permis à la population de savoir que le remboursement coûtera Rs 24 milliards aux contribuables et que, pour les détenteurs de titres du Super Cash Gold qui avaient placé beaucoup d’espoir en la visite de Pravind Jugnauth en Inde, il faudra repasser demain…

Sans doute, faut-il aujourd’hui dépassionner le débat autour de la dette et se demander quel est le taux d’endettement économiquement gérable pour un pays comme Maurice. Certains experts diront qu’il ne faut surtout pas s’entêter à limiter la dette publique à 50 % du PIB, et que Maurice peut très bien s’endetter jusqu’à 80 % de son PIB, à condition toutefois que ces investissements soient injectés dans de gros projets d’infrastructure qui dégageront des bénéfices pour le pays et amélioreront la vie de sa population.

Maurice, n’a jamais atteint des niveaux de dette publique exorbitants, le plus haut étant en 1985 quand le taux s’élevait à 71,7 % du PIB pour retomber à 50 % du PIB dans les années 2000. Ces dernières années, le niveau de la dette a légèrement augmenté pour franchir la barre de 60 % du PIB.

Bien entendu, le taux de la dette publique ne doit pas être un frein au développement économique du pays. Dubaï, comme Singapour, n’aurait jamais connu l’essor qu’il a connu sans les milliards injectés dans ses aéroports, ses routes, ses hôtels et ses bâtiments, entre autres. L’avancement des pays passe par des projets qui les transforment.

 La dette publique reste visiblement une pomme de discorde, soumise à la rationalité des uns et aux passions des autres…