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Pravind Jugnauth condamné à convaincre

8 juin 2017, 10:01

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Plus que quelques heures avant la présentation du premier budget de Pravind Jugnauth. Celui-ci prendra la parole en sa double capacité de Premier ministre et de ministre des Finances, comme l’avait fait son père en 1990. Il ne peut prétendre, comme certains de ses prédécesseurs ont pu le faire, que sa marge de manœuvre est limitée ou qu’il marche sur la corde raide.

Comme l’an dernier avec la promesse indienne d’une donation de Rs 12,6milliards, l’emprunt de Rs 18milliards (500millions de dollars) qu’il a contracté auprès du même gouvernement à la veille de l’exercice budgétaire lui donne certainement une marge de manœuvre gérable. Il peut aussi compter sur la disponibilité d’une multitude de fonds non épuisés.

Cette année, toutefois, Pravind Jugnauth présente son budget dans un contexte social et économique difficile. Il fait face à de nombreux défis. Il doit donc prioritairement préparer le pays à augmenter sa croissance – jusqu’ici anémique – de moins de 4 %, relancer massivement l’investissement à travers le démarrage de gros projets d’infrastructures et réussir sur le front de l’emploi.

Le ministre des Finances sait parfaitement que les derniers Budgets n’ont pas répondu aux attentes des parties prenantes et surtout de la population. Pour preuve, les projections macroéconomiques établies au niveau de l’emploi et du taux de croissance ont été à côté de la plaque. On relèvera ainsi qu’alors que le budget 2016- 1207 de Pravind Jugnauth proposait de générer 21 400 emplois, le gouvernement n’en a créé que 300, avec un taux de chômage de 7,3 % de la population active. Idem pour une croissance de 4,1 % estimée pour l’année fiscale 2016-2017.

Le dilemme de Pravind Jugnauth ? Prendre le relais du privé pour investir, sans augmenter les dépenses publiques et la dette du pays, et cela, même si ces dernières années ce sont des investissements publics qui ont porté la croissance à son niveau actuel.

«Le marché domestique est restreint. L’épargne sur le plan national a atteint un niveau très bas. Dans ce scénario, relancer la croissance à travers la consommation risque d’être néfaste à long terme. La clé serait de trouver le déclic pour relancer l’investissement privé, ce qui reste un défi considérable dans le climat d’incertitudes qui prévaut», indique Azad Jeetun, économiste. Il ajoute que la dette du secteur public se situait à 55,7 % du produit intérieur brut (PIB) au 31 mars 2017, alors que le Public Debt Management Act requiert que ce ratio soit ramené à moins de 50 % du PIB avant le 31 décembre 2018.

Ce qui implique que le déficit budgétaire, estimé à 3,5 % du PIB au terme de l’année fiscale 2016-2017, soit contenu à un minimum. Les spécialistes diront qu’il est plus difficile de comprimer les dépenses courantes, et parfois encore plus délicat d’augmenter les impôts, compte tenu de l’effet néfaste que cela peut avoir sur l’activité économique.

Et quid de la fiscalité? Pour le moment, on ne sait si Pravind Jugnauth compte revoir le régime fiscal en introduisant une dose de progressivité dans le système. Des voix se sont élevées ces dernières semaines pour réclamer des changements à un taux d’imposition fiscal uniforme de 15 %, en vigueur depuis la grande réforme fiscale de 2007, . Le ministre des Finances sera sensible aux propositions de la MCCI de réduire les pressions fiscales sur les ménages et d’encourager les jeunes à faire des enfants. D’autant plus que, selon les prévisions, la population active estimée à 581000 aujourd’hui, sera réduite de 150000 dans 33 ans.

Ce Budget est présenté à mi-mandat d’un gouvernement fortement fragilisé suivant une succession de scandales et des maladresses de certains ministres (gestion calamiteuse de l’affaire BAI, de l’affaire Sobrinho, et de l’affaire Betamax – le dernier en date –, pour ne citer que quelques-uns). En perte de terrain – et de popularité – le Grand argentier tentera de renverser la vapeur en s’appuyant sur l’instrument budgétaire pour retrouver une certaine crédibilité aux yeux de la population. Surtout qu’après trois ans, l’alliance Lepep n’a visiblement pas de bilan à présenter.