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Après l’économie la politique

28 juin 2017, 09:54

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Après l’économie la politique

Pravind Jugnauth s’attendait sans doute à instiller un sentiment de bien-être avec son second Budget. Or, la décision du député frondeur Roshi Bhadain de démissionner la semaine dernière de sa circonscription n°18, Belle-Rose-Quatre-Bornes, forçant le Premier ministre à y organiser prochainement une élection partielle dans le délai légalement prescrit, est venue rebattre les cartes. Voilà un autre défi pour lui et son gouvernement…

Car Pravind Jugnauth aura beau dire que la partielle de Quatre-Bornes ne comporte pas d’enjeu national et ne sera pas un baromètre politique pour le pays, il n’en reste pas moins vrai que ce sera difficile, voire impossible, pour lui de se glisser indéfiniment dans une posture d’indifférence. Et que, dans les prochains jours, il constatera malgré lui que la politique aura repris totalement le dessus sur l’économie, qui sera une nouvelle fois reléguée à l’arrière-plan.

À y voir de plus près, le moment auquel intervient cette partielle joue à bien des égards contre le gouvernement, qui traîne de multiples casseroles. Minés par une succession de scandales, passe-droits et trafic d’influence (l’affaire des biscuits, les licences à Sobrinho, la saga Heritage City qui a finalement coûté des millions au contribuable, la présence d’une mafia dans l’entourage de certains ministères et aux courses hippiques, les affaires BAI et Betamax, etc.), Pravind Jugnauth et son gouvernement aborderont cette partielle dans une posture peu enviable, croulant sous le poids d’une impopularité grandissante. D’autre part, en perte de vitesse et souffrant d’une profonde crise de crédibilité, l’alliance Lepep n’a visiblement aucun bilan à défendre à un peu plus de deux ans et demi au pouvoir, et ce, en dépit de tout ce que les voix les plus fortes du parti tentent de faire croire ces derniers jours. En outre, Lepep n’a toujours pas trouvé la clé pour faire repartir l’économie et créer un sentiment positif dans la population.

Du coup, Pravind Jugnauth est doublement condamné à réussir pour le reste de son mandat afin de donner de la légitimité à son poste jusqu’à la prochaine échéance électorale de fin de 2019, lors de laquelle il compte bien se présenter à nouveau comme candidat au poste de Premier ministre. Cela, alors même que, la semaine dernière, la Cour suprême a donné feu vert au Directeur des poursuites publiques de faire appel au Privy Council dans l’affaire MedPoint.

Sur le terrain économique, le gouvernement annonce une croissance de 4%, ce qui lui donnera une marge de manœuvre pour la réalisation de ses objectifs de création d’emplois et d’investissement. Rien n’est cependant gagné d’avance, si on se fie à la dernière estimation de l’agence de notation Fitch qui prévoit une croissance de 3,1% en 2017 dans son rapport-pays rendu public le mois dernier. Dans un passé pas trop lointain, l’alliance Lepep avait d’ailleurs misé sur une croissance supérieure à 5%, mais l’objectif est resté du domaine du rêve…

Désormais, les ambitions sont revues à la baisse et, à défaut d’une croissance hypothétique de 4%, Pravind Jugnauth surfe pour le moment sur deux mégas projets qui pourraient donner à son gouvernement un semblant de bilan : la réalisation du projet Metro Express, financé presque entièrement par le gouvernement indien et le dossier des Chagos sur lequel la bataille diplomatique internationale du ministre mentor donne des résultats probants. Pravind Jugnauth en récoltera-t-il les dividendes politiques en 2019 ? Rien n’est moins sûr.

Ce qui est sûr, en revanche, c’est la partielle au n°18 qui aura, n’en déplaise à Pravind Jugnauth et à Etienne Sinatambou, valeur d’un référendum pour les 49 300 électeurs appelés à juger de la performance gouvernementale de l’alliance Lepep.

A ce jour, rien n’exclut que l’alliance gouvernementale y participe et remporte haut la main cette joute en s’appuyant sur la machinerie gouvernementale et la division des partis de l’opposition. Rien n’exclut non plus que Roshi Bhadain, candidat à sa propre succession, jouisse de la confiance de son électorat. Même si on imagine mal que cet électorat, soit dit en passant éclairé, oublie qu’il a un été des architectes de la chute de l’empire BAI et responsable des misères de détenteurs du Super Cash Back Gold dont certains sont les électeurs de cette circonscription.

La course reste ouverte. Mais le pays, pour sa part, entre dans une nouvelle phase de profonde instabilité politique à travers cette guerre larvée du n°18 qui sera riche en enseignements pour un gouvernement cherchant encore ses repères.