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La question indienne
L’Inde a réalisé un grand coup diplomatique en réunissant les chefs de tous les grands partis politiques de Maurice à l’occasion de sa fête nationale le 15 août. Cet évènement a vu la première sortie diplomatico-mondaine de l’ancien Premier ministre Navin Ramgoolam.
Bien qu’étant parvenu à dégager un consensus auprès des différentes formations politiques quant à la nature des relations entre Maurice et l’Inde, New Delhi ne compte pas que des amis dans l’île. L’Inde a toujours eu ses détracteurs au cours des dernières 70 années. On est loin des caricatures du Parti mauricien, plus tard devenu PMSD, qui injuriait l’Inde tous les jours. On est encore loin de ce maire de Port-Louis qui avait interdit la célébration de l’Indépendance de l’Inde au théâtre. Plus tard, à la faveur de la coalition conclue avec sir Seewoosagur Ramgoolam en 1969, Gaëtan Duval, lui-même de descendance indienne, devint si pro-indien qu’il envisagea sérieusement d’épouser Indira Devi, une princesse du pays de ses ancêtres. Les préparatifs du mariage avaient même atteint le stade de consultations entre les majordomes des futurs mariés. Mais le mariage royal n’aboutit pas, suivant l’objection de quelqu’un.
Contrairement au PMSD d’antan, le MMM a géré les relations de l’Inde avec beaucoup de tact. Au point de faire Mme Indira Gandhi recevoir Paul Bérenger, Anerood Jugnauth, Jean-Claude de L’Estrac et Kader Bhayat à New Delhi alors que sir Seewoosagur était encore Premier ministre. Il ne fit aucun doute que la grande dame avait souhaité une victoire du MMM aux élections de 1982. Toutefois, peu après son installation au pouvoir, après avoir reçu Indira Gandhi comme première visiteuse de marque après le 60-0, le nouveau gouvernement MMM décida de ne plus soutenir l’Inde lors d’une résolution concernant la dénucléarisation de l’Asie du Sud et qui visait directement New Delhi. Auparavant, Maurice et le Bhoutan - pays indépendant sur papier mais vraiment un protectorat de l’Inde- étaient les deux seuls alliés qui prenaient fait et cause pour New Delhi quand cette résolution était présentée périodiquement aux Nations unies. Cette position du gouvernement MMM irrita tellement Mme Gandhi qu’elle prit la décision de soutenir et de financer la nouvelle alliance MSM-PTr-PMSD, qui remporta les élections de 1983.
Connue pour sa pugnacité, Mme Gandhi envisagea même d’orchestrer une opération militaire à Maurice, si jamais le MMM décidait de renverser le gouvernement affaibli d’Anerood Jugnauth après la scission du parti en mars 1983. Toutefois, suivant un différend entre l’armée de l’air et la marine de l’Inde - chacune voulant diriger une éventuelle intervention à Maurice, Mme Gandhi abandonna l’opération connue sous le nom de code de Lal Dora (voulant dire fil rouge en hindi) et chargea plutôt ses services de renseignements de se faire actifs pour œuvrer à la défaite du MMM aux élections qui eurent lieu en août 1983. Le MMM améliora ses relations par la suite avec New Delhi et c’est en Inde que le nouveau Premier ministre, Paul Bérenger, entreprit son premier voyage officiel en 2003. Un véritable pèlerinage chez Mother India.
Du temps où le PMSD menait sa campagne hystérique autour de l’Inde, ce pays jouissait d’une très mauvaise image dans le monde en raison de la famine qui y sévissait. Les médias occidentaux ne se privaient pas de l’opportunité de diffuser des images d’enfants et de femmes cadavériques victimes de la famine. Des dons d’aliments étaient régulièrement expédiés en Inde à partir de pays occidentaux. C’était une situation de paradoxe car le Premier ministre indien, Jawaharlal Nehru, tentait son propre modèle de socialisme en étant idéologiquement opposé aux Occidentaux mais en professant une politique de neutralité par rapport aux grandes puissances.
L’Inde vécut un épisode bien humiliant quand, pour la première fois dans l’histoire, une fille asiatique, plus précisément une Indienne, fut couronnée Miss Monde en 1966. Cette Indienne, Reita Faria, provoqua un grand élan de fierté en Inde et en Asie. A cette époque, il était stipulé dans le contrat de Miss World qu’elle devait se rendre au Vietnam pour distraire les soldats américains qui y combattaient les communistes. Pratiquant une politique de neutralité, l’Inde s’opposa à une participation d’une de ses citoyennes dans l’œuvre de divertissement des soldats américains. La réaction des Etats-Unis fut foudroyante. Alors que le débat était engagé sur la participation ou non de la nouvelle Miss World, un navire américain chargé de vivres pour des victimes de la famine en Inde et qui se dirigeait vers le port de Calcutta reçut l’ordre de faire demi-tour. Sur ce, Nehru abdiqua et Reita Faria se livra à des spectacles sur des bases américaines au Vietnam en compagnie du célèbre comédien américain Bob Hope.
Un tel épisode à la Reita Faria à l’ère de Priyanka Chopra, d’Indiens comme moteurs de Silicon Valley aux Etats-Unis, de Tata comme fabricant de Jaguar en Angleterre, serait maintenant impensable. En 2017, c’est comme superpuissance que l’Inde divise à Maurice, tant par sa générosité à faire pleuvoir des milliards sur l’île, que par ses visées géopolitiques - réelles mais aussi exagérées par mauvaise foi - dans l’océan Indien avec une visée spéciale sur Agalega. En s’associant au gouvernement dans le financement du tramway et en mettant à contribution Larsen & Toubro dans la réalisation du projet, l’Inde doit s’attendre à bien des problèmes de relations publiques à Maurice dans les années à venir, bien que ce pays ait réussi à s’attirer les bonnes grâces de la classe politique locale, comme en témoigne la dernière fête du 15 août. Le moindre couac autour du tramway serait mis sur le compte de New Delhi, à moins que la réalisation du projet se fasse suivant un scénario conçu par Bollywood. Mais quid des acteurs mauriciens ?
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