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La diaspora et ses dollars convoités
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La diaspora et ses dollars convoités
Excellente initiative du Premier ministre d’inviter les membres de la diaspora mauricienne, éparpillés sur quatre continents, à venir mettre leur expérience et leur connaissance au service de la mère-patrie.
Estimés à 200 000 selon certains, à 500 000 selon d’autres, ces Mauriciens et leurs descendants se trouvent principalement en Europe, en Amérique du Nord, en Australie et dans l’Afrique australe. La première grande vague était constituée de Mauriciens de différentes origines qui se sont établis en Angleterre bien avant l’Indépendance, quand il n’y avait aucune restriction sur le déplacement des citoyens des colonies britanniques. Puis, coïncidant avec la lutte pour ou contre l’accession de Maurice au statut de pays indépendant, des citoyens, effrayés par la vision d’enfer de conflit ethnique et de famine cultivée par le PMSD, partirent s’établir principalement en Australie, mais aussi en Afrique du Sud, en Rhodésie, en Angleterre, en France et au Canada. L’Australie héberge aussi un grand nombre de Rodriguais. Au cours des 20 dernières années, les Mauriciens qui s’établissent majoritairement en Australie sont issus des familles qui avaient voté en faveur de l’Indépendance en 1967.
Indépendamment des motivations politiques (pour ou anti-indépendance), un grand nombre devait partir bien après l’Indépendance pour chercher fortune dans les pays accueillant déjà des Mauriciens, mais aussi dans de nouvelles destinations comme l’Italie, la Suisse, l’Allemagne et l’Irlande. Il serait fallacieux, en analysant les différents types d’émigrations et le profil des acteurs, de conclure que les Mauriciens d’ailleurs sont dans leur grande majorité différents de cet électorat qui est resté au pays et qui a toujours porté au pouvoir soit les travaillistes, soit la famille Jugnauth avec leurs alliés circonstanciels. La demande du droit de vote pour les émigrés mauriciens reste légitime car d’autres pays comme les États-Unis et la France permettent à leurs citoyens de voter de l’étranger. Dans le cas de Maurice, puisque le vote s’exprime au niveau de la circonscription et non pas du pays lui-même, placer ces centaines de milliers de Mauriciens et leurs descendants sur le registre électoral des 21 circonscriptions relèverait d’un exploit inimaginable.
Autant qu’il serait techniquement très compliqué d’intégrer les Mauriciens d’ailleurs dans les 21 circonscriptions (l’exercice serait plus facile pour les Rodriguais), il serait encore plus difficile d’accueillir nos meilleurs cerveaux venus de l’étranger dans le secteur public. Quant au secteur privé, il y existe une plus grande flexibilité sur la capacité du patron de hire and fire bien qu’un petit-neveu pourrait toujours bénéficier d’une forme de favoritisme après le pistonnage initial. Voyons le cas de ce cardiologue mauricien évoluant à la Harvard Medical School (HMS) et ayant un éloquent track record, qui ressent une intense vibration à l’appel de Pravind Jugnauth pour rentrer au pays. Il veut se mettre au service de la nation, donc dans la santé publique. Deviendra-t-il le patron du Dr Sunil Gunness ou son subalterne ? Quel serait son package ? On connaît plusieurs cas où l’Establishment a fait chasser des médecins de grande classe pratiquant à l’étranger et qui avaient voulu aider le secteur de santé publique à Maurice. Quand les Indiens ont livré l’hôpital de Rose-Belle, tout y était informatisé. Les Mauriciens ont bien vite saboté les ordinateurs pour qu’on revienne à l’ancienne mode de «gros livres», plumes et crayon pour répertorier et archiver les cas traités. Quant à l’Hôtel du gouvernement, le temple même de l’Establishment, il a fallu la «solidité» dans un temps donné d’un gouvernement Ramgoolam et du savoir-faire de Rama Sithanen pour que Michael Ali Mansoor abandonne la rive du majestueux Potomac, à Washington, DC, pour venir contempler le petit ruisseau pollué qui passe par le jardin de la Compagnie et accepter le poste de Financial Secretary. Au fait, il existe bien des Mauriciens qui sont disposés à travailler au pays pour moins qu’ils ne touchent à l’étranger. Il serait toutefois difficile de rééditer le cas Ali Mansoor.
Comment inciter les Mauriciens à rentrer au pays sans les mettre au régime de Mahatma Gandhi et de Mère Teresa reste assez problématique en l’absence de schemes bien établis. Par contre, les dollars de nos émigrés pourraient être mis à contribution s’ils décident de monter des compagnies ou investir dans l’immobilier. Le gouvernement devrait instaurer dans le pays un climat de bonne gouvernance sans faille pour que ces Mauriciens ne soient pas soumis au régime de la monnaie du thé de la part des officiels traitant de leur dossier, encore moins aux sollicitations de contribuer aux caisses des partis politiques. Il n’est pas impossible que quelqu’un de bien friqué comme Alvaro Sobrinho soit invité à pondre des Jaguar. Des investissements dans des gated communities des smart cities où les expatriés mauriciens auraient pour voisins des Sud-africains et des Européens pourraient s’avérer tentants.
Pour pouvoir enclencher un reverse brain drain vers Maurice, le gouvernement, qui dispose maintenant des services de spin doctors de classe internationale mieux performants même que ceux de Donald Trump, devrait entreprendre une vaste campagne d’incitation à travers les médias sociaux et des rencontres ciblées à l’étranger avec la participation du Premier ministre. Surtout en mettant en vedette la foudroyante success story d’une jeune Mauricienne qui s’était établie en Angleterre et qui fut invitée un jour à se mettre au service de la mère-patrie. Elle revint au pays et se fit aussitôt interviewer pour un job dont elle ne connaissait même pas de quoi il s’agissait. Elle apprit par la suite qu’elle avait été choisie pour diriger l’une des plus grandes entités économiques du pays. S’appuyant sur ce cas particulier, l’appel aux Mauriciens de revenir au pays pourrait s’articuler autour du slogan Isn’t Mauritius beautiful?
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