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En prison pour une partie de plaisir

7 avril 2018, 13:34

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Lorsque  la Sud-Africaine Magdalena Vosloo a quitté la prison récemment après avoir passé quelque 532 jours (soit quelque 17 mois) en détention, elle avait l’air radieuse. Car le temps qu’elle a passé en détention coïncidait plus ou moins avec sa condamnation de 15 mois d’emprisonnement.

Puisque le temps passé en détention devait être déduit du terme de prison, elle était libre techniquement de retourner chez elle en Afrique du Sud. Mais cela ne fut pas la seule manifestation de l’état de bien-être de la Sud-africaine. Selon toute évidence, elle avait passé des moments agréables en détention dans le pays. Le régime alimentaire qui lui fut dispensé à la prison des femmes avait laissé ses marques sur son physique et sa démarche.

Cette Sud-Africaine et d’autres étrangers passent vraiment, par comparaison, des moments agréables dans les prisons mauriciennes. Une Malgache avait même fêté son anniversaire avec gâteau et champagne, en portant pour l’occasion des vêtements Donna Karan. Le trafiquant ougandais James Mukusa Kanamwanje avait réussi l’exploit d’acheter l’imam de service à la prison de Beau-Bassin pour lui confier des «missions» à l’étranger. Le traitement princier qu’on accorde à des étrangers dans les prisons mauriciennes contraste avec le sort qu’on réserve aux étrangers ailleurs. Le film Midnight Express basé sur le calvaire réel de l’étudiant Billy Hayes dans une prison turque décrit de façon dramatique le traitement cruel qu’il subit. Par contre, en Inde, le criminel indovietnamien Charles Sobhraj mena une vie de véritable maharaja dans la prison centrale de New Delhi.  

Pour les Mauriciens atteints du syndrome doom and gloom, notre service pénitentiaire devrait représenter une rare source de joie. N’est-il pas hautement symbolique que le fournisseur de poisson pour les prisons mauriciennes soit un membre de la cuisine du parti au pouvoir ? L’homme qui agissait comme le principal garde du corps du Premier ministre, un nommé Bassoodeo (Vasu) Kumar Seetaram, est maintenant chargé d’assurer la fourniture en poisson des prisons du pays. Donc, on pourrait même dire que la cuisine entretient des vested interests dans la bonne alimentation des prisonniers du pays. 

Quant au facteur bien-être dans les prisons, le poisson de Seetaram ne saurait être le seul facteur contribuant à rendre heureux ces citoyens qui ont commis quelques erreurs. Ailleurs, la crainte d’être privé de liberté et de subir un régime rigoureux lors d’un séjour en prison agit comme un élément fortement dissuasif. Or, le prisonnier mauricien vit matériellement mieux que chez lui. Bien alimenté, il surmonte maintes difficultés et se procure téléphone portable ou drogue. Ce n’est pas surprenant qu’une fois libérés, ils sont nombreux à vouloir retourner en prison le plus vite possible. On se souviendra du cas de cet homme qui, dans les heures suivant sa libération, tua avec une arme tranchante un individu qui revenait d’une séance de prière en compagnie de sa femme. 

Ce havre de bien-être qu’est la prison mauricienne, c’est le fruit de plusieurs décennies de bureaucratie, de passe-droits, de corruption, d’humanisme accéléré et de la poursuite d’une voie de la moindre résistance. C’est surtout dans les années suivant l’Indépendance qu’un séjour en prison est devenu une expérience agréable. Les officiers qui géraient les prisons et qui furent formés à l’école coloniale britannique prirent leur retraite ou émigrèrent en Australie. Le laisseraller et l’amateurisme s’installèrent alors dans les institutions de contrôle social. 

Le service pénitentiaire est actuellement dirigé par l’un des meilleurs éléments de la force policière, Vinod Appadoo. Toutefois, il hérite d’une institution qui a subi des décennies de mauvaise administration et surtout d’une corruption ambiante à plusieurs niveaux. Le génie mauricien a déjà atteint ses limites dans la gestion des prisons. Seule une remise en question totale avec l’apport d’expertise étrangère (égyptienne, israélienne, singapourienne, américaine ?) tant dans la gestion des hommes et des femmes réfractaires aux normes de société que dans le domaine technologique pourrait faire de nos prisons des institutions où on réhabilite les délinquants et les criminels et où on les forme dans des métiers qui leur permettront de se rendre utiles au pays.