Publicité

Insécurité grandissante

28 avril 2018, 11:29

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

 

Un matin en l’année 1994, le Premier ministre (PM) d’alors, sir Anerood Jugnauth, aussitôt arrivé à son bureau, fit convoquer sur le champ le commissaire de police (CP) et le commandant de la Special Mobile Force (SMF). Recevant le CP Cyril Morvan en premier, sir Anerood lui annon- ça qu’il ne pouvait plus diriger la police après l’incident qui s’était déroulé la nuit précédente aux Casernes centrales. En effet, des éléments soupçonnés de faire partie de la bande du redoutable Rajen Sabapathee avaient, comme dans un western, fait feu sur les Casernes centrales.

 

«Désolé de vous limoger, vous êtes un homme remarquable à qui j’ai confié bien des missions. Mais cet incident de coups de feu est totalement inacceptable», fit part au CP Morvan le PM Jugnauth. Pour ne pas humilier son homme de confiance, sir Anerood lui proposa un poste d’Adviser au Prime Minister’s Office. Une mission délicate qu’avait exécutée avec efficacité l’officier Morvan fut l’arrestation, en 1989, de sir Gaëtan Duval, à l’aéroport de Plaisance, une fois qu’il foula le sol mauricien. Le leader du Parti mauricien social-démocrate (PMSD) revenait de Madagascar et Cyril Morvan se trouvait dans l’avion qui avait décollé de Tana. C’est dire que le fidèle Morvan n’avait rien laissé au hasard pour bien réussir sa mission.

 

À Raj Dayal qu’il recevait tout de suite après, sir Anerood annonça qu’il était le nouveau commissaire de police. L’homme qui adorait l’apparat militaire conserva le contrôle total de la SMF en y plaçant un yes man.

En 2018, fonctionnant maintenant comme ministre mentor, sir Anerood est toujours responsable de la police. En 2018, il n’est plus nécessaire d’être musclé et armé de carabine comme un homme de Sabapathee pour s’attaquer à ce qui symbolise l’autorité de la police. Il suffit de réclamer avec force les Rs 175 de kas dilo devant les postes de police pour que le fonctionnement même de cette institution clé soit détraqué. En 2018, des policiers, au même titre que des délinquants habituels, sont arrêtés sous différentes charges, dont conduite en état d’ivresse. Des policiers défient l’autorité de leurs supérieurs, même du commissaire de police.

Contrairement aux années Morvan, la situation actuelle est complètement différente. Le fonctionnement normal des forces de l’ordre est affecté par un leadership approximatif, un climat de démagogie politique ambiant, de nouvelles technologies aux mains des citoyens, un parc automobile chaotique, le dépérissement des valeurs sociales traditionnelles et l’invasion de la culture de la drogue à tous les niveaux de la société.

La démagogie politique met les forces de l’ordre dans une position de vulnérabilité. L’aberration suprême, c’est la gestion par des policiers du kas dilo de Rs 175 à chaque fois qu’il pleut. Ils doivent authentifier le bien-fondé de la réclamation des sinistrés qui perdent matelas, provisions, téléviseur et réfrigérateur à chaque fois que la pluviométrie dépasse la normale. Gare au policier qui, en son âme et conscience, trouve que la doléance est tout à fait exagérée sinon fabriquée.

La démagogie incite même les hommes du pouvoir à tirer sur les institutions officielles. On n’a qu’à constater le cirque médiatique orchestré par certains autour du thème des droits de l’homme des délinquants présumés et des prisonniers. La technologie moderne aidant, il est toujours possible de publier sur les médias sociaux des clichés d’hommes dénudés ou battus. Cette technologie s’avère une arme à double tranchant. Elle aide à protéger les citoyens arrêtés et détenus des excès des agents de sécurité. Mais elle peut aussi aider à l’exécution d’une mise en scène.

L’abolition du système de permis à points a dangereusement aggravé les mœurs sur les routes mauriciennes. La police est soumise à d’intenses pressions pour réglementer le comportement des conducteurs et faire le compte des accidents de la route, qui occasionnent déjà un nombre record de morts. Puisque, contrairement à Singapour, le gouvernement n’envisage nullement de limiter le parc automobile, on doit s’attendre à un accroissement exponentiel du nombre de voitures et, surtout, de motocyclettes sur les routes. L’aménagement d’un tramway entre Port-Louis et Rose-Hill ne diminuera aucunement la pression sur la circulation automobile sur l’ensemble du pays. L’élimination du permis à points relevait d’une décision politique démagogique. À un an des élections générales, on voit difficilement le gouvernement prendre des mesures pouvant causer un mécontentement quelconque chez les usagers de véhicules.

Les postes de police du pays sont aussi amenés à faire face à un nombre croissant d’agressions et de vols, le tout rendu dramatique par l’épidémie de drogue. Les attaques sur la voie publique dont sont victimes des femmes pourraient être liées à la consommation de drogue. En désespoir de se procurer une dose, on s’attaque à la première personne fragile qui s’amène sur la place publique, si un acte de cambriolage paraît risquant.

 Il est à craindre que dans la quête de soft targets pour des attaques en quête d’argent facile, les Mauriciens en manque ne s’inté- ressent aux touristes de plus en plus nombreux à nous visiter. Des vols sur des touristes sont fréquents, mais le phénomène n’a heureusement pas pris une ampleur incontrôlable. La présence sur le territoire mauricien d’un si grand nombre d’étrangers devrait aussi mobiliser les ressources de la police si le pays entend conserver son image de marque. Le cas Michaela Harte-McAreavey est déjà un de trop.