Publicité

Et si la State Bank avait Tarzan comme client ?

6 octobre 2018, 09:52

Par

Partager cet article

Facebook X WhatsApp

lexpress.mu | Toute l'actualité de l'île Maurice en temps réel.

Scène surréaliste : Tarzan débarque dans une succursale africaine de la State Bank of Mauritius (SBM) en vue d’y négocier un gros loan. Il présente un business plan s’inspirant de son éventuel recyclage dans le business lucratif du tourisme d’élite. Le compagnon de Jane offre en collatéral des lions, éléphants, crocodiles et autres hyènes qui sont attirés par son cri mythique. Quelles sont les chances de Tarzan de partir avec un pactole et, profitant de la toute récente culture de travail de la SBM, de disparaître dans la jungle ?

À en juger par certains événements qui se sont produits ces derniers mois, mettant en exergue l’extrême amateurisme des nominés de la cuisine dans plusieurs institutions, il semblerait qu’il est plus facile de mener en bateau les responsables de la SBM que les «casseurs» qui sévissent dans les environs du Bahemia Building dans le centre de Port-Louis. Imaginez avec quelle facilité quelqu’un opérant à partir de Dubaï a pu encaisser pas moins de Rs 932 millions de la SBM sans laisser de trace derrière lui.

Puisque la SBM n’arrive plus à retracer ce client hors-norme, il coule de source que soit la banque n’a pas exigé des garanties en contrepartie avant d’octroyer le prêt soit l’arnaqueur a présenté des collatéraux absolument bidons à des crédules. Dans les deux cas, la responsabilité des membres du comité approuvant le prêt est entièrement engagée. Le limogeage avec golden handshake de Raj Dussoye constitue, dans ce cas, une grossière manoeuvre de diversion pour braquer les projecteurs sur des boucs émissaires et non pas sur les responsables eux-mêmes.

Puisque la SBM n’a pas expliqué encore comment l’arnaque de Dubaï s’est opérée, on ne peut empêcher les Mauriciens de spéculer sur différents scénarios, dont celui d’un inside job, la destination dubaiote n’étant dans ce cas qu’un leurre pour brouiller les pistes. Bien que fonctionnant comme une entreprise privée, la SBM est contrôlée par le pouvoir par le biais des responsables nommés à la direction ou au conseil d’administration. L’émanation suprême du pouvoir, la fameuse cuisine, fonctionne d’après le principe clé de contrôle réel sur les institutions.

C’est pour cette raison qu’on a débarqué Megh Pillay d’Air Mauritius pour y nommer des protégés, qu’on a nommé Anoop Nilamber comme Chief Executive Officer de la MauBank elle-même construite sur les ruines de la banque délibérément dévastée et littéralement volée à Dawood Rawat. Que Nilamber soit frappé d’un interdit bancaire en France pour avoir émis un chèque sans provision n’a pas été jugé conséquent. D’ailleurs, le nominé a omis de mentionner ce fait et cela n’a déclenché aucune alerte à la Banque centrale, est elle-même sous le contrôle de la cuisine. La suprême qualification de Nilamber : il a épousé la nièce d’un ministre.

Contrôle, contrôle, contrôle. Ce qui compte pour la cuisine, ce n’est pas le professionnalisme ni l’efficience ni encore moins l’intérêt public. L’essentiel, c’est de tout contrôler. Cela est évident à la SBM. Tout comme à Air Mauritius. Voilà ce qui se passe quand on confie la gestion d’importantes institutions à des amateurs car la loyauté à la cuisine passe avant le professionnalisme. La SBM et Air Mauritius, pour ne parler que de deux institutions, n’ont pas fini de pondre des scandales. Malheureusement, ce sont les contribuables et les salariés qui en font les frais.

La SBM compte parmi ses principaux actionnaires le Fonds national de pension. Ceux qui contribuent à ce fonds de pension et ceux qui en sont les bénéficiaires sont les perdants directs quand la profitabilité baisse et que des prêts douteux à coups de milliards sont rayés. Comme le malheur ne vient jamais seul, voilà que la SBM subit maintenant des cyberattaques avec des détournements massifs de fonds. Et dire que nous prétendons être une cyber- île qui entre de plain-pied dans l’intelligence artificielle. Voilà ce qui se passe quand des amateurs dirigent.

Sur fond d’une telle culture d’amateurisme, gageons que Tarzan, pas plus que l’arnaqueur de Dubaï, ne risque pas, en cas de non-remboursement, de perdre quoi que ce soit, même pas son pagne (à ne pas confondre avec le mot créole qui désigne sari). La différence entre Tarzan et le fameux client (un Mauricien ou étranger marié à une Mauricienne ?) basé à Dubaï, c’est que l’un est connu, même des enfants, alors que celui qui est parti avec Rs 932 millions joue à l’Homme invisible, connu des membres du comité qui a approuvé le loan.