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Bharat Mata, l’Oncle Sam et le Big Brother chinois

22 décembre 2018, 14:28

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 Drôle de famille que Lakwizinn va réunir à Maurice grâce au projet de Safe City dégageant un business de Rs 19 milliards. En effet, les trois principaux membres de cette famille sont la Chine qui jouera au Big Brother, l’Inde (aussi connu comme Bhârat Mata en hindi, concept rendu populaire par Paul Bérenger qui, dans un élan de grand amour diplomatique, parla de Mother India) et les États-Unis dirigés maintenant par l’iconoclaste Donald Trump dont le principal ennemi économique et stratégique est la Chine.

 

Quand Maurice aura fini de dépenser la somme colossale requise pour le déploiement de 4 000 smart caméras de surveillance autour de l’île, Sherry Singh, le patron de Mauritius Telecom et principal cuisinier de Lakwizinn, vont s’asseoir sur une véritable mine d’informations sur tout ce qui se passe sur le territoire mauricien. Ces caméras seront en mesure d’espionner chaque fait et geste des Mauriciens de même que des étrangers en activité sur notre sol. En principe, partout dans le monde, c’est la police qui déploie et gère les caméras de surveillance sur la place publique. À Maurice, on fait une exception à la règle. C’est Mauritius Telecom, une compagnie privée sous le contrôle de Lakwizinn, qui va gérer le réseau pour le compte de la police. Étant compagnie privée, Mauritius Telecom n’a aucun compte à donner au Parlement bien que l’État soit actionnaire majoritaire. Compagnie privée mais c’est le gouvernement qui a garanti les investissements que Mauritius Telecom va faire en s’approvisionnant en équipements auprès de Huawei, principal équipementier chinois en télécommunications que les Occidentaux soupçonnent d’être une émanation du militaire chinois. On sait que tout est contrôlé en Chine par le Parti communiste. Ainsi, il a été révélé récemment que Jack Ma, le patron d’Alibaba, le plus gros site de commerce électronique du monde, est un membre du Parti communiste chinois. Huawei a éveillé des réactions hostiles dans plusieurs pays du monde. Récemment, Meng Wanzhou, No 2 de Huawei, a été arrêtée au Canada et libérée sous caution sur une demande des États-Unis. L’administration Trump accuse la compagnie chinoise d’avoir violé les sanctions contre l’Iran. Les Occidentaux craignent aussi que Huawei soit potentiellement capable de tout espionner, à travers des dispositifs cachés, après avoir livré ses équipements à des gouvernements ou compagnies à l’étranger.

Rien ne dit toutefois que les Chinois soient si méchants. Après tout, les États-Unis et d’autres pays occidentaux en sus de l’Inde sont abasourdis par le succès économique de la Chine, surtout dans le domaine des équipements de télécommunications. Par ailleurs, les investissements des Chinois surtout dans les infrastructures en Afrique donnent eux aussi des soucis aux pays hostiles à la Chine. En ce qui concerne l’Inde particulièrement, ce pays peine à trouver la parade à la Belt and Road Initiative de la Chine visant à la relier à l’Europe en passant par plusieurs pays d’Asie et de la région de l’océan Indien.

 

 Au grand désarroi des forces anti-Chine, des dirigeants du tiers-monde, surtout ceux des républiques bananières qui aiment avoir affaire à Beijing, tant avec les dirigeants que les entreprises. Car flexibilité et discrétion restent des principes de base chez les Chinois. Par contre, les dirigeants politiques et les compagnies de l’Ouest de même que ceux de l’Inde font face à bien des contraintes, dont celle d’être exposés sur la place publique s’il y a acte de corruption. Le Washington Post, les journaux britanniques tant populaires qu’élitistes et Le Canard Enchaîné en France ne rateront aucune occasion de dénoncer des dirigeants engagés dans des actes de corruption à l’étranger. L’on se souviendra du véritable supplice qu’avait vécu le président Jacques Chirac quand un magazine français avait révélé ses achats cash de tapis de luxe à Maurice. Chirac avait été l’un des amis les plus enthousiastes de Maurice. On soupçonne un haut cadre de l’hôtel où il logeait d’avoir révélé l’affaire à la publication française. Avec les Chinois, rien n’est divulgué aux médias. C’est pourquoi on aime les investisseurs et fournisseurs chinois dans le tiers-monde.

À Maurice, contrairement aux républiques bananières, nos mœurs sont en principe immaculées. Ainsi, seuls des méchants et des antipatriotes oseraient penser que Sherry Singh et la police vont se livrer à un usage abusif du réseau Huawei avec ses 4 000 caméras. Après tout, c’est un réseau destiné à améliorer la sécurité interne. Néanmoins, vu le potentiel d’espionnage politique, diplomatique et industriel que pourrait représenter un tel réseau, des adversaires politiques, des hommes d’affaires, des professionnels des médias de même que des diplomates étrangers seraient tentés de redoubler de vigilance face à un tel monstre. Les diplomates indiens et américains seraient encore plus concernés puisque leur pay se retrouve en situation de rivalité avec la Chine pour le contrôle de l’océan Indien et des pays de la région. Car ces caméras seraient capables de reconnaître dans les moindres détails des visages et des plaques d’immatriculation des véhicules. Par exemple, tous les déplacements du haut-commissaire indien et de ses diplomates pourraient être surveillés par ces équipements Huawei. Le Big Brother chinois serait en mesure de tout savoir, même de repérer le diplomate américain qui, se croyant malin comme un personnage de Graham Greene, donnerait un rendez-vous à un informateur du National Security Service (NSS) sur le parking d’un cimetière.