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Le dernier (more to come!) lapin du magicien Manraj

5 janvier 2019, 09:37

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De tous les conseillers employés par le gouvernement, celui qui fait office de magicien ou sorcier s’appelle Dharam Dev Manraj. Il surclasse tous les autres advisers, y compris sir Bhinod Bacha, de plusieurs longueurs. Le dernier lapin qu’il a tiré de son chapeau, c’est l’éducation universitaire gratuite. Et Manraj n’a pas encore terminé son show. Les spectateurs sont invités à rester à leur siège.

Des adversaires de Pravind Jugnauth et des observateurs ont général se sont souvent demandé comment il parvient à gérer son temps, étant à la fois Premier ministre et ministre des Finances. La réponse est éminemment simple : le pays compte deux ministres des Finances. Pravind Jugnauth est le ministre des Finances de jure. Dev Manraj est le ministre des Finances de facto. Et ce n’est pas seulement sous le prime ministership de Pravind Jugnauth que Dev Manraj fonctionne comme ministre des Finances dans les faits. Il l’a fait sous Anerood Jugnauth en 1990-91 suivant la révocation de Vishnu Lutchmeenaraidoo et avant la nomination de Rama Sithanen en 1991.

Sous le gouvernement de Navin Ramgoolam aussi, Dev Manraj, nommé conseiller, avait présidé aux destinées des Finances après la démission de Xavier-Luc Duval en 2014. Après les élections de 2014, appréciant les talents hors normes de Dev Manraj, sir Anerood décida de le maintenir en fonction. Dev Manraj retrouvera Vishnu Lutchmeenaraidoo et après la mutation de ce dernier aux Affaires étrangères, il travaille avec Pravind Jugnauth. À travers son épouse, Dev Manraj est aussi proche, sur le plan non professionnel, du clan de La Caverne.

Dev Manraj connaît tous les rouages des Finances et de l’administration publique, maîtrisant les complexités bureaucratiques mieux que Bhinod Bacha lui-même. Il excelle aussi dans la réalisation de coups politiques spectaculaires. Ainsi, si Pravind Jugnauth n’a pas osé se mesurer à Ivan Collendavelloo sur le dossier de la turbine à gaz, Dev Manraj a bien vite trouvé la parade. Rien qu’en utilisant un morceau de papier, il a mis Collendavelloo à terre. En effet, en tant que responsable des Finances publiques, Dev Manraj, à travers une circulaire en date du 5 décembre et portant sa signature, avec le titre GOSK, a fait savoir aux hauts fonctionnaires, de même qu’aux gestionnaires des entreprises publiques, qu’il leur est interdit de contracter des emprunts sans l’aval du ministère des Finances. Et cela, d’après les dispositions de la Public Debt Management Act.

Manraj, sans passer par le chef de la fonction publique et le secrétaire au Cabinet, met K.O. Collendavelloo et tous ses satrapes dirigeantsdes corps paraétatiques ou entreprises publiques qui s’affairaient à assurer le montage financier du projet grandiose de Combined Cycle Gas Turbine. Un contrat de Rs 5,8 milliards avait été accordé à une firme grecque. Ce contrat a été par la suite désavoué par l’Independent Review Panel.

 

Dev Manraj n’a pas connu que des réussites. Il avait tenté en vain de faire capoter la candidature travailliste de Manou Bheenick en 1995, sachant que ce dernier pouvait devenir ministre des Finances et le menacer comme secrétaire financier. Les dossiers subitement portés sur la place publique mettant en cause Bheenick semblaient tellement compromettants qu’il y eut un flottement du côté des dirigeants de la nouvelle alliance travailliste -MMM. D’après un insider, ce n’est que quand un diplomate américain fit savoir qu’il n’existait aucun dossier négatif sur Bheenick aux États-Unis que cet ancien fonctionnaire se retrouva sur la liste des candidats. Et Bheenick réalisa la deuxième meilleure performance électorale au 60-0 de 1995 comme candidat dans le no 10. Il reçut 80 % des votes contre 83 % à Navin Ramgoolam et 72 % à Paul Bérenger.

Les carottes orange de Dev Manraj étaient cuites sous l’aristocrate rouge Bheenick. Manraj prit sa retraite et se lança dans un business d’investissement en Afrique, avec comme partenaire l’entrepreneur Teeren Appasamy. Il fut récupéré par les Jugnauth en 2000, mais dut démissionner quand l’affaire NPF-MCB Appasamy éclata. Ayant échappé de peu à l’emprisonnement et après une traversée du désert, Manraj fut récupéré par Navin Ramgoolam en 2012. L’évacuation du folklorique Michael Ali Mansoor aux États-Unis facilita le retour de Manraj comme nouveau secrétaire financier. Poste qu’il occupe toujours.

Dev Manraj n’est pas à sa première mesure financière spectaculaire. Son palmarès est impressionnant. Il est capable de prévoir avec justesse l’intensité des applaudissements des parlementaires pour ponctuer l’annonce de chaque mesure. L’impact politique et électoral de la dernière mesure rendant gratuite l’éducation dans les universités publiques semble incontestable. Manraj n’a certainement pas dit son dernier mot. La charge financière de cette mesure ne serait pas vraiment lourde. À moins que le gouvernement entende aussi subventionner l’éducation supérieure privée.

What next? Forcément, le MSM et Pravind Jugnauth entendent annoncer d’autres mesures encore plus électoralistes dans les derniers mois précédant la dissolution du Parlement. Dev Manraj faillirait à son métier de sorcier s’il ne travaillait pas déjà sur le coût financier de l’alignement de la pension de vieillesse et autres allocations sur le salaire minimum, d’un nouveau rapport du PRB et d’une baisse des prix des produits pétroliers pour créer un feel good factor avant les élections. De telles mesures n’entraîneraient pas la banqueroute l’État sur le court terme.

L’essentiel, c’est de gagner les élections. Car après l’installation d’un nouveau gouvernement, on pourrait toujours instituer un système de means test, un examen des moyens, pour dégonfler dans une large mesure le budget sur l’éducation universitaire gratuite et la pension de vieillesse à Rs 9 000. Pravind Jugnauth ne manque pas d’expérience dans de telles acrobaties financières. Comme ministre des Finances en 2003-05 n’avait-il pas tenté d’abolir la pension universelle et d’y introduire un means test ?