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Headache Express

4 janvier 2020, 07:46

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Le projet infrastructurel le plus spectaculaire de l’histoire du pays ou un Frankenstein légué aux Mauriciens par la famille Jugnauth? Le fameux projet de tramway, à qui on a donné le nom grandiloquent de Metro Express, fera beaucoup parler de lui. On ne peut que souhaiter que le projet réussisse pour le bien des Mauriciens, que les prophètes de malheur soient démentis par les faits car c’est tout à fait normal qu’au départ, on rencontre des difficultés dans l’opération du système et il ne faudrait pas crier à la catastrophe à chaque petite tracasserie.

Trop de controverses ont jalonné le parcours du projet. Le fait même d’avoir choisi le nom Metro Express trahit une certaine mentalité politique s’inspirant de la naïveté proverbiale des Mauriciens. En effet, les Mauriciens croient que nous sommes le peuple le plus intelligent du monde et que nous sommes à pied d’égalité avec les nations les plus développées. Précisément, dans ces pays très avancés technologiquement, on appelle le transport de masse le métro. Qui dans la plupart des cas opère en souterrain et aussi à la surface.

 Or, chez nous, on n’a pas seulement introduit le métro. Mais un Metro Express, sous-entendant qu’il roule à une grande vitesse. On se demande pourquoi on s’est arrêté en si bon chemin et de n’avoir pas opté pour le TGV, train à grande vitesse ou «high speed». Donc, au départ même, on a leurré les Mauriciens avec le nom ronflant et terrible de Metro Express. Mais le bon sens a, semble-t-il, prévalu quelque part et le nouveau ministère utilise le terme Light Railway. Est-ce l’œuvre du ministre Alan Ganoo, qui fait partie de certains mouvements spirituels et n’est pas étranger au concept de «light».

 On n’a pas dupé les Mauriciens qu’avec le nom. On a aussi utilisé une espèce de mantra à chaque fois qu’on a parlé du coût du projet. Le gouvernement sort systématiquement le mantra de «no cost overrun». C’est-à-dire que si le projet coûte Rs 18,8 milliards, on ne dépensera pas cinq sous de plus. C’est tout à fait comme ça que la transaction a été conclue. En effet, pour toutes les dépenses supplémentaires, ce ne sont pas Messieurs les Indiens qui vont casquer. Ce sont les contribuables mauriciens qui vont tout payer.

Voilà comment le deal a été conclu. Cela fait politiquement très mauvais quand le coût initial est dépassé. Mais que se passe-t-il quand les Indiens endommagent la route ou un tuyau de la CWA ou de la Wastewater Management Authority ? Bien vite, les institutions étatiques concernées sont mobilisées et elles viennent assurer les réparations nécessaires. Larsen & Toubro fait face à des voleurs sur ses sites ? No problem. On évite aux Indiens le souci de dépenser davantage pour recruter les services des compagnies de sécurité. Nous leur offrons les services de policiers mauriciens, qui sont utilisés comme gardiens. Larsen & Toubro aurait dû construire des barrières à certains endroits, pour éviter des collisions entre les trams et les véhicules des Mauriciens. On permet à Larsen & Toubro de faire l’économie de ces dépenses. Des policiers mauriciens gèrent la situation et on utilise des rubans en raphia. Du low-tech alors que dans son discours du Nouvel An, le Premier ministre a utilisé le terme «moderne» à plusieurs reprises. Au lieu de barrières high-tech opérées électroniquement, on choisit le raphia.

Mettant en évidence cette mentalité exploitant la naïveté des Mauriciens, on a trouvé la formule de voyages en tram gratuits pour le peuple. On étend maintenant la période gratuite. C’est loin d’être un cadeau car tous les frais seront finalement encourus par les contribuables et non pas le Sun Trust ou des hôtels à Maurice ou aux Seychelles. L’idée de lancer un service gratuit est vraiment géniale. L’objectif consiste à amener les Mauriciens à s’habituer à ce service. On les expose à une innovation et on espère qu’ils en prennent goût.

Cet artifice de marketing n’est pas nouveau dans les mœurs mauriciennes. En 1983, soit 37 ans de cela, le Brown Sugar fut introduit dans le pays alors que les Mauriciens étaient davantage exposés au gandia, introduit par les immigrants indiens. Les trafiquants importateurs du Brown Sugar firent une distribution gratuite de cette nouvelle drogue pendant quelques mois, le temps de développer l’accoutumance chez les Mauriciens. Une fois l’objectif atteint, le Brown Sugar devint payant.

 Enfin, la grande question qu’on se pose : quand le service de tramway deviendrait-il rentable ? Il n’est pas nécessaire de détenir un doctorat en économie pour savoir que contrairement aux grands centres urbains, comme Tokyo, Kuala Lumpur, Singapour, Mumbai, Delhi, Paris, Londres et New York, le tram mauricien, même s’il est appelé Metro Express, ne sera pas utilisé par des millions de passagers chaque jour. Donc, on fait face à Maurice à un sérieux problème de masse citrique et d’économies d’échelle.

On ne peut que souhaiter bonne chance à ce «bijou» nommé Metro Express. On peut toujours parier sur le génie mauricien. Cinquante ans de cela, de jeunes Brésiliens venaient étudier la… technologie sucrière à Maurice. Aujourd’hui, Maurice accuse un retard de quelques décennies sur le Brésil, devenu la première puissance dans l’exploitation de la canne à sucre, y compris dans la production d’éthanol. Il se peut qu’avec le Metro Express, Pravind Jugnauth laisse aux Mauriciens un héritage qui le placerait au même rang que Mahé de la Bourdonnais et Pierre Poivre.