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Écoles spécialisées: Normes et standards

5 février 2020, 09:04

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Un atelier mis sur pied par la Special Education Needs Authoriy (SENA) pour valider le document sur les normes et standards en éducation spécialisée a eu lieu mercredi dernier. La démarche pourrait être honorable si elle ne bafouait pas le principe même de l’inclusion. 

En effet, l’inclusion dans le système éducatif et dans la société veut dire pas de ségrégation, pas de ghetto d’écoles spécialisées. 

Le respect des normes et standards doit se faire avant tout dans les écoles «mainstream» afin d’y assurer justement l’inclusion. 

La première tâche de la SENA devrait donc être d’assurer l’accueil convenable d’enfants à besoins spéciaux dans toutes les écoles mainstream, à commencer par les écoles d’État. 

Toutes les écoles, indistinctement, doivent s’équiper pour accueillir comme il se doit les enfants à besoins spéciaux, car l’île Maurice, en 2020 en a les moyens. 

Pourquoi des normes spéciales pour les écoles spécialisées ? 

Toutes les écoles devraient respecter les mêmes normes de qualité de service. 

Pourquoi considérer séparément l’infrastructure, l’hygiène, la sécurité etc. ? 

Pourquoi centrer la réflexion et les règlements sur les besoins institutionnels alors que l’approche devrait être centrée sur ceux de l’enfant ? 

Les intérêts particuliers de chaque enfant seraient alors le fil conducteur de l’action de la SENA. Dès la naissance, les étapes du développement holistique de chaque petit Mauricien devraient être évaluées par des professionnels. Aussitôt qu’un écart à la norme par rapport au développement est signalé, cela doit faire l’objet d’une évaluation afin de planifier une intervention précoce. Dans chaque école, une équipe multidisciplinaire de professionnels qualifiés et expérimentés serait à affût des besoins spéciaux pour y répondre. C’est cela le standard à viser et à valider. 

Une approche centrée sur l’enfant n’exclut pas une analyse macroéconomique à l’échelle nationale : 

À ce jour, combien d’enfants exceptionnels, par catégorie ? 

Quelles facilités leur sont accordées ? 

Quel est le coût de l’inclusion ? 

La discrimination positive est-elle une réalité ? 

Quels sont les objectifs à atteindre au niveau national à court, moyen et long termes ? 

C’est cela LA NORME à laquelle la SENA doit veiller ! 

À l’inverse, elle s’érige en chien de garde aux talons des ONG plutôt que d’assumer sa fonction de réflexion, de porteur d’étendard. 

Ce sont les normes et standards au sein de la SENA qui devraient faire l’objet d’étude. 

Veiller à une spécialisation de certaines écoles pour chaque type de besoins pourrait se faire de façon régionale, pour que les enfants exceptionnels dans tous les districts de Maurice et même à Rodrigues puissent recevoir une éducation adaptée à leurs besoins, à proximité de leur domicile. 

Il est ridicule de penser qu’un même curriculum adapté puisse être conçu pour tous les enfants à besoins spéciaux, mal voyants ou entendants, autistes, dyslexiques, cas psychiatriques etc. 

Il ne s’agit pas de contenu mais de diversité de méthodes d’enseignement, de matériels adaptés, et surtout du regard éclairé que l’éducateur porte sur chaque enfant. Tout enfant exceptionnel mérite plutôt d’avoir un programme individuel taillé sur mesure, qui doit être constamment redéfini en fonction de son évolution. 

Les objectifs à atteindre sont les mêmes pour tous : exploiter au mieux leurs capacités de façon holistique. 

L’école doit permettre à tout enfant d’atteindre son plein potentiel. Au-delà du savoir lire, écrire et compter, il y a le savoir-faire et le savoir être. Or, quand l’enfant est porteur d’une différence, le savoir être peut être pénible pour lui/ elle et pour ses parents. L’école accorde- t-elle le soutien qu’il leur faut ? 

Voilà encore un standard que la SENA doit assurer dans toutes les écoles. 

Les ONG /écoles spécialisées sont déjà loin devant les écoles conventionnelles en matière d’inclusion, car elles mettent le bien-être l’enfant individuel au coeur de leurs objectifs. L’inclusion est déjà là, dans les écoles spécialisées. Ce sont les enfants sans besoins spéciaux qui sont exclus de ces écoles-là. 

Voici un objectif pour la SENA : inclure les enfants sans besoins spéciaux dans les écoles «spécialisées». 

Voilà une norme à respecter ! 

Cela fait quatre ans que la ministre de l’Éducation a approuvé un projet de partenariat entre école spécialisée et école mainstream. 

C’est cela la véritable inclusion. Mais… le projet ne voit pas le jour parce que les préjugés vont bon train et l’ignorance fait rage. 

Les éducateurs mainstream ont besoin, eux aussi, de formation pour intégrer le système inclusif. 

L’inclusion ne peut se faire seulement dans les ghettos des écoles spécialisées. Elle est l’affaire de toutes les écoles. 

La Special Educational Needs Society (SENS ) préconise le modèle «Amar Jyoti», lancé par Dr Uma Tully en Inde. Selon cette philosophie, chaque école «spécialisée» dans un domaine doit accueillir environ 50 % d’enfants SANS besoins spéciaux. 

Donc à quand les normes pour les écoles mainstream à Maurice ? 

Normes d’inclusion, de parité, de dignité, de proximité de soutien familial et individuel, de flexibilité. 

L’atelier devrait commencer par définir les principes fondamentaux qui gouvernent la qualité des services :

Au-delà des principes universels comme ceux contenus dans la convention des droits de l’enfant, comme la non- discrimination par rapport à l’âge (pas de promotion automatique donc classes d’âges mixtes), il y a aussi la proximité des services, les méthodes d’évaluation qui, à ce jour, sont abusives stressantes et empoisonnées par l’esprit compétitif des examens, les fonds inégalement alloués par tête d’élève, donc, indirectement, les salaires payés aux éducateurs et soignants. 

À quand, au minimum, la parité dans les fonds alloués par tête ? 

Les subventions étatiques aux ONG devraient en fait couvrir le coût réel de l’éducation spécialisée. 

Ce sont des Mauriciens comme les autres. Ils ont droit à une éducation adaptée à leurs besoins. 

À SENS, dans d’autres ONG ainsi que dans les écoles confessionnelles, les subsides accordés aux enfants exceptionnels représentent environ 25 % de ce qui est dépensé pour un enfant normal. Leurs éducateurs sont payés environ le tiers de ce que touchent leurs collègues des filières standards. 

Pourquoi une discrimination négative envers l’enfant exceptionnel, alors qu’elle devrait être positive, selon la convention internationale des droits de l’enfant ? 

L’État doit dépenser par tête plus d’argent pour ces enfants exceptionnels, car leur éducation coûte 4 à 5 fois plus cher : ratio profs élèves plus élevé, thérapies, matériel spécial, espaces aménagés, soutien aux familles, sans négliger le temps consacré à l’évaluation et à la synthèse entre éducateurs, AVS (carers) et thérapeutes afin de constamment redéfinir les objectifs. 

Les enfants exceptionnels ne sont pas si nombreux : pourquoi toutes ces années de discrimination envers les plus vulnérables ? 

Ils doivent avoir chacun leur place au soleil de l’île Maurice. Pas une place de 2e grade, mais une place d’honneur. Ceux qui oeuvrent depuis des décennies pour l’égalité des droits de ces enfants exceptionnels à l’éducation adaptée ne comprennent pas cette injustice, leurs parents, non plus. Encore moins ces enfants-là, une fois devenus adultes !

 Les élèves ne sont pas les seuls laissés- pour-compte : il y a des éducateurs spécialisés qui ont consacré leur vie à ce métier par vocation. Ils ont tout juste le minimum vital.

Voilà encore de la discrimination et une grande injustice. 

À quand la parité des droits ? 

À quand un salaire et des conditions de travail dignes pour les éducateurs spécialisés des ONG ? 

Par ailleurs, chaque école doit être libre de choisir sa formule pédagogique en fonction de sa clientèle et de sa philosophie, sa mission. Toutes les écoles n’ont pas besoin de se ressembler. 

Il faut aussi plus de transparence par rapport aux fonds votés au dernier Budget pour les écoles spécialisées.

Où vont les fonds ? 

À combien d’écoles ?

À combien d’enfants ?

À quel taux par tête comparé aux élèves mainstream ?

À qui profitent ces fonds qui devraient être destinés aux enfants, là où ils sont mieux servis ? 

Quand la réponse sera 4 ou 5 fois, nous serons un pays digne !