Qu’adviendra-t-il de la société quand le Covid-19 aura disparu ? À travers le monde, experts et philosophes estiment que le coronavirus et le confinement, prolongé jusqu’au 15 avril, vont conduire irrémédiablement à une remise en question non seulement de la gouvernance et de l’économie mondiales, mais des relations et sciences humaines et sociales de manière profonde et générale. Et, chez nous, à Maurice, à quel point notre gouvernance, notre économie, nos relations sociales, nos comportements, notre conscience collective vont-ils changer ? Certes, on ne connaît pas encore la fin du film-catastrophe qui se joue en ce moment sous nos yeux inquiets. Comme il n’y a pas vraiment de précédent, pour nombre d’entre nous, il est difficile de saisir tous ces événements qui s’enchaînent et qui chamboulent notre quotidien, même si nous devinons que plus rien ou presque ne sera pareil désormais. 

À toute crise ou catastrophe, on peut extraire du bon, avec un brin d’optimisme, sans tomber pour autant dans la béatitude. Le confinement national devrait nous inciter à remettre en avant le collectif et le bien commun afin de faire redémarrer la machine économique, mise en arrêt brutal. L’historien Yuval Noah Harari nous incite à nous surpasser et à réaliser que «today humanity faces an acute crisis not only due to the coronavirus, but also due to the lack of trust between humans. To defeat an epidemic, people need to trust scientific experts, citizens need to trust public authorities, and countries need to trust each other». 

Pour essayer de donner du relief au confinement national et dessiner les contours de l’impact multisectoriel que pourrait avoir le coronavirus sur nous, l’express a fait appel à une poignée de ses plus fidèles analystes, collaborateurs et autres décrypteurs, afin de tenter de répondre, collectivement et selon leur perspective respective, à la question : 

Le Coronavirus pourrait changer Maurice de manière durable. Mais comment ? 

Trois mois de cela, alors que nous entamions 2020, personne au monde ne pouvait prédire la situation anachronique dans laquelle la moitié de l’humanité se retrouve en isolement ; nous nous retrouvons, tels  des prisonniers sur un bateau, des confinés entre quatre murs, des prisonniers modernes. Jamais, peut-être, n’avons-nous autant ressenti combien nous dépendons les uns des autres. On parle de guerre mondiale contre un virus invisible qui ne respecte aucune frontière, aucune communauté, et qui a pris tout le monde de court. «Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos», disait Pascal. Car la vie, c’est le mouvement, en arrière, puis à nouveau en avant comme un balancier. 

Ces jours-ci, grâce au Covid-19, nous avons une opportunité historique de panser nos faiblesses et repenser notre vision collective, et soigner notre unité d’action qui repose, selon Malraux, sur l’interrogation. Dans le cahier spécial, que vous allez découvrir, nos observateurs, classés en ordre alphabétique, soulignent la nécessité de se remettre en question et de passer du discours théorique aux faits réels. Afin de réinventer une notion de vie commune, qui surmontera nos inégalités sociales grandissantes et nos vulnérabilités face à la nature et au changement climatique. Nous sommes tous sur le même bateau et, comme nous le dit, plus loin, une écrivaine mauricienne, si jusqu’ici nous savions que nous devons tous mourir un jour, l’on ne se doutait sans doute pas qu’on risque désormais de mourir seul, loin de la société et de nos certitudes, à cause d’un virus que la science de 2020 n’arrive pas à combattre… Il ne nous reste plus qu’à nous battre et débattre avec nos idées ! Confrontons-nous.