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Vu de l’intérieur

10 avril 2020, 07:05

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Vu de l’intérieur

«Bé… To pou al an karantenn si to revini!» Cette phrase m’a été répétée une vingtaine de fois le soir où le gouvernement a soudainement annoncé un vol de Londres à Maurice pour le lendemain, après avoir – illégalement, selon les juristes – fermé les frontières aux Mauriciens. Oui, j’allais devoir aller en quarantaine mais qu’importe, au moins, je serai à Maurice. Puis, un reportage en immersion, c’est quand même autre chose. Sauf que sur place, la réalité est tout autre…

La quarantaine, c’est être dans une chambre 24/7. C’est regarder l’heure chaque cinq minutes pour voir combien de temps il reste avant de pouvoir sentir le soleil sur sa peau. C’est aussi glaner désespérément des bribes d’informations pour savoir ce qui se passe car rien n’est communiqué. C’est attendre la conférence de presse quotidienne pour essayer de comprendre. Puis, analyser les annonces floues et essayer tantôt de les interpréter pour se rassurer et se dire qu’on part bientôt. Ou, les interpréter pour se préparer au pire et rester confiné indéfiniment.

Après, il y a cette peur froide qui plane sur le centre à chaque fois que les tests sont effectués. Entre le test et les résultats, les conversations inter-balcons cessent. À chaque fois que le téléphone sonne ou que les infirmiers frappent à la porte, on a l’estomac dans les talons et la gorge sèche. Et toujours pas d’informations. Par contre, il y a des rumeurs. Un cas positif. Voire deux. Impossible de confirmer par voie officielle. Était-il sur notre vol ? Ferons-nous d’autres tests ? Allons-nous rester plus longtemps ?

Comme ces gens qui ont été baladés de centre en centre et qui ne savent toujours pas ce qui les attend après 28 jours de quarantaine ? Ou les autres qui, trois jours avant la fin de leur deuxième cycle de 14 jours, ont été transférés dans un centre non désinfecté sans plus d’informations ? Et cette poignée de gens qui se plaignaient de l’aurore jusqu’au couchant… Sans le personnel médical que nous avions sur place, le centre de quarantaine serait une scène de «The Purge» car, à force d’être dans le flou, on débloque lentement mais sûrement.

Justement, le personnel, parlons-en. Ses membres n’étaient pas plus informés que nous. Chaque jour, ils écoutaient les questions, essayaient tant bien que mal d’avoir des réponses, se faisaient rabrouer par la hiérarchie. Certains ont aussi été victimes de la frustration et de la colère de quelques résidents. Mais la résilience était le maître mot. Un des responsables a même «trasé» pour avoir plus de micro-ondes. Un autre a «trasé» des serpillières et des seaux.

Après 17 jours de quarantaine, alors que nous rentrions chez nous, eux, ils restaient sur place. «Nou pa koné ki pou fer ek nou, la. Desizion ankor pé pran.» Allaient-ils être mis en quarantaine car ils ont été en contact avec des patients et des collègues infectés ? Allaient-ils être affectés ailleurs ? Leur attente a finalement été plus longue que la nôtre. Dans quelque temps, j’y repenserai certainement en me disant que l’expérience méritait d’être vécue.

 

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