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Salaires astronomiques et solidarité

15 avril 2020, 07:31

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Un mois sans football. Quoi déjà ?!! Face à la pandémie du coronavirus, notre quotidien a basculé. Notre vie à tous a changé, nos priorités ne sont plus les mêmes. Mais quand toute cette tragédie sera derrière nous, la vie reprendra son cours. Le 4 mai ou plus tard. 

Différemment, toutefois. Une chose paraît évidente déjà, tous les matches des trois ou quatre prochains mois devraient avoir lieu à huis clos. Question de bon sens. Une petite lueur d’espoir dans la grisaille : le Bayern Munich et les clubs allemands ont repris l’entraînement lundi, premier signe d’un possible retour à la normale dans quelque temps. Quand ? Trop tôt encore pour tirer des plans sur la comète, mais le maître mot est : solidarité. Soit en opposition totale avec les sommes astronomiques que brasse le football.

Selon le chanteur Phil Collins, les footballeurs sont devenus les idoles du public, en lieu et place des rockstars à partir des années 90. Le phénomène des réseaux sociaux n’a fait qu’amplifier cette transformation. Aujourd’hui, la popularité d’un joueur se mesure parfois même plus en millions de followers qu’en talent pur. 

A côté de cela, la valeur des joueurs a atteint des proportions folles. Avec des chiffres vertigineux, qui n’ont plus vraiment de sens. De simples espoirs en devenir dont le potentiel permet des plus-values de malade, comme Joao Felix qui atterrit à l’Atletico Madrid pour 126 millions d’euros. Le ridicule ne tue plus, c’est juste devenu la norme. Le monde du foot marche sur la tête, mais ça ne date pas d’hier…

Rappelons que l’explosion du marché des transferts découle de l’arrêt Bosman, la loi qui a révolutionné la libre circulation des joueurs et le visage du football en décembre 1995. Des ‘business models’ comme Manchester United sont alors apparus pour développer les revenus des clubs de foot à travers le monde, une tendance qui a fait école, jusqu’à l’explosion récente des droits TV en Angleterre, dotant la Premier League d’une arme d’enrichissement massive sans précédent, écrasant financièrement tous les autres championnats. 

Donc pas étonnant que le brûlant sujet de la réduction des salaires des footballeurs passionne tout le monde en ce moment ! Beaucoup pensent d’ailleurs que les limites ont été franchies, que l’argent détruit le jeu et fausse l’équité sportive.

Liverpool, qui a dans un premier temps pensé à mettre son staff au chômage (en bénéficiant d’un plan de financement des salaires à 80% par l’Etat), a dû se raviser et faire volte-face face à la levée de boucliers. Tottenham Hotspur, vilipendé par l’opinion publique, vient de se résoudre à faire la même chose lundi… D’un point de vue moral, comment les Reds et les Spurs peuvent-ils demander le «Coronavirus job retention scheme» pour clubs en difficulté alors qu’ils génèrent eux-mêmes des millions d’euros de profit ? Intenable. 

Selon les différents sondages, le peuple souhaite ardemment que les ‘bater boule’ mettent la main à la poche et fassent un geste fort en baissant leurs revenus pour montrer leur solidarité vis-à-vis du public, de leurs supporters, qui sont en première ligne en ce moment…

Or, il se trouve que les joueurs de Premier League refusent de baisser leurs salaires de 30%, ne voulant pas être les seuls à ‘casquer’. Mais avant de les accuser d’égoïsme, Il faut comprendre que si les rentrées d’argent dans les caisses de clubs sont colossales, ce que gagnent les footballeurs ne sont que le fruit du business qu’ils génèrent. Faut-il les culpabiliser pour ce qu’ils gagnent ou s’interroger sur tout le système derrière, sans parler des financements occultes et des paris sportifs liés au blanchiment d’argent ?

Le syndicat des joueurs britanniques craint que l’ensemble des patrons de clubs profite de la situation actuelle pour serrer la vis et baisser les salaires des joueurs, utilisant le vent de panique actuel pour leurs propres intérêts. Ce qui empêche une action coordonnée en groupe et occasionne des réactions individuelles. Par exemple, les joueurs de Leeds United ont renoncé à leurs revenus d’avril pour sauver le club et pour que les employés gardent leur travail. Le bras de fer ne fait que commencer entre les patrons de clubs et les joueurs de la Premier League et pourrait être long. 

Vous avez sans doute vu ce cri du coeur d’une biologiste espagnole il y a quelques jours qui résume ce que beaucoup pensent tout bas : «Vous donnez 1 million d’euros à un footballeur et 1 800 euros à une chercheuse en biologie. Vous cherchez maintenant un traitement ? Allez voir Cristiano Ronaldo ou Messi, pour qu’il vous en trouve un.» Une réalité qui claque et qui vaut mieux que 10 000 discours.

En même temps, c’est assez injuste de tomber sur ces deux-là, qui ne sont que la face immergée de l’iceberg. Savez-vous que CR7 a accepté une baisse de 30% de son salaire ainsi que ses coéquipiers de la Juventus Turin ? Que la Pulga et le Barça ont consenti une baisse de 70%, sans parler des dons colossaux effectués par les deux multiples Ballons d’Or ? La répartition des richesses est un vaste débat, qui ressort à chaque crise, mais les vampires ne sont pas toujours ceux que l’on croit.