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Dérive isolationniste

21 avril 2020, 11:09

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Le monde post-Covid-19 se redessine actuellement, imposant à chacun un nouveau regard sur la société, soumise elle-même à un réflexe égocentriste. Aujourd’hui, personne ne conteste l’idée que le confinement à domicile est venu changer les comportements individuels du Mauricien moyen, le forçant à s’isoler pour mieux se protéger. 

Visiblement, la peur du virus hantera pendant longtemps encore la population, même si les risques de contagion auront disparu. Cela est dû au fait que chacun, dans son milieu familial, professionnel ou scolaire, redoute toujours que ce virus puisse encore sévir, lui enlevant dans la foulée la sérénité de vivre et le bonheur retrouvé avec ses pairs après plus d’un mois de confinement.

Il y a certainement d’innombrables leçons à tirer du passage de cette pandémie qui, pour une grande majorité de la population, aura été une expérience exceptionnelle, inédite même mais traumatisante, vécue dans la crainte et le désespoir d’une maladie mortelle.

Parmi ces leçons, il y a sans doute ce réflexe de repli sur soi, déclenchant un égoïsme déplacé face à l’adversité. Sinon, comment expliquer, au début du confinement, cette ruée vers les supermarchés pour s’approvisionner irrationnellement en stocks de nourriture en vue des lendemains qui pourront ne pas chanter, en remplissant les caddies sans se soucier du voisin ? 

Une démarche incompréhensible en temps normal mais qui, par les temps actuels, relèverait ni plus ni moins d’une phobie de se retrouver en situation de famine face à une fermeture prolongée des commerces. Un comportement répréhensible mais qui pourrait gagner une importante partie de la population à l’avenir. Il traduit l’égoïsme de certains à ne penser qu’à leur survie sans se soucier des autres. 

À bien des égards, le Covid-19 est venu distiller le spectre de l’individualisme dans l’homme, perdurant cette distanciation sociale essentielle adoptée ces jours-ci et l’érigeant comme mode de vie. Résultat des courses : la peur d’attraper ce virus s’attachera aux pas de chaque Mauricien qui, à l’avenir, évitera forcément de serrer des mains ou encore de faire la bise. Ne parlons pas d’accolade qui n’est généralement pas une pratique culturelle courante à Maurice.

Nous laisserons aux spécialistes le soin d’analyser les nouveaux comportements individuels de la population provoqués dans le sillage de cette crise sanitaire. Ce qui pourrait d’ailleurs influencer la productivité au travail Les directeurs des ressources humaines gagneraient déjà à se préparer face à ce nouveau phénomène…

Certes, ces comportements ne se manifesteront pas nécessairement à l’échelle individuelle. Les ego surdimensionnés de certains dirigeants internationaux ont prôné une politique isolationniste face à ce choc épidémique, refusant de tendre la main à leurs voisins pour limiter la casse.

Le populiste Donald Trump des États-Unis préfère compter les morts de sa population, qui on dépassé les 41 000 dimanche, que de faire appel à la Chine, pays qui a pu contenir la propagation du virus. Il n’y a aucune raison rationnelle à la démarche de ce dirigeant américain que celle d’un complexe de la supériorité d’une nation face au reste du monde .Et  qui refuse de s’entendre avec un adversaire qu’il a mené dans une guerre commerciale. 

Trump - qui s’est comparé dimanche à Abraham Lincoln, le 16e président américain - entraîne aujourd’hui les États-Unis, devenus entre-temps l’épicentre de la pandémie de Covid-19, dans une voie confirmant sa politique isolationniste qui est déjà une réalité sur le plan économique. 

Enfermé dans sa tour d’ivoire, il estime que la puissance américaine peut seule vaincre cette pandémie en s’appuyant sur la présence sur son sol des meilleurs spécialistes de santé du monde et des laboratoires médicaux high-tech pour trouver une solution à ce virus. Or, la réalité est tristement différente, les États-Unis payent chèrement l’égoïsme de leur président, plus soucieux de sa réélection à la présidentielle de novembre prochain que la santé publique de ses citoyens. Son entêtement à sortir le pays de son confinement pour faire redémarrer l’économie malgré le risque de voir exploser cette pandémie relève d’une incompréhension qui choque les bien-pensants de cette planète. 

En Europe, dans la zone euro, les voix s’élèvent contre la démarche de certains États qui s’isolent pour combattre désespérément cette pandémie. Des États comme l’Italie et l’Espagne ou même la France, victimes de la solidarité européenne, tentent de limiter les dégâts. À tel point que le 28 mars, Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne et figure emblématique de la construction européenne, rompait son silence à 94 ans pour dénoncer le manque de solidarité et d’unité des États membres face aux enjeux actuels, estimant que ceux-ci «font courir un danger mortel à l’Union européenne».

Malgré nous, le Covid-19 trace les contours d’un nouveau monde, différent de celui d’aujourd’hui. Plus que jamais, le collectif cédera la place à l’individualisme, entraînant une bonne partie de la population dans une dérive isolationniste. Or, comme dirait Yuval Noah Harari, historien et philosophe israélien et auteur à succès de deux livres mondialement acclamés «  Sapiens » et « Homo deus »,  « l’antidote aux épidémies n’est ni l’isolationisme, ni la ségration,  mais l’information et la coopération ».  

* “You can fool some of the people all of the time, and all of the people some of the time, but you cannot fool all of the people all of the time.” ― Abraham Lincoln.