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Virginité virale et éthique

11 juillet 2020, 07:44

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Virginité virale et éthique

Le confinement strict, imposé à la population depuis mars, jugulait la propagation du Covid-19 à tel point que le dernier cas «indigène» date maintenant de 11 semaines ! Sur cette base, le PM décidait, in extremis mais correctement, de l’ouverture des écoles au 1er juillet, évitant ainsi la folie initialement décidée de les rouvrir en août ou en septembre, selon des «protocoles de froussards», devenus depuis peu, l’apanage, semble-t-il, de nos directoires au ministère de l’Éducation. La rentrée des classes se passe d’ailleurs sans problème majeur. Il n’y a pas de nouvelles alertes non plus, à l’exception de cas isolés importés, notamment quand nous rapatrions des citoyens bloqués à l’étranger.

Quand on compare ce que nous avons réussi ici au capharnaüm américain, a l’irresponsabilité brésilienne ou à l’expérimentation pas réussie d’un pays comme la Suède, il y a vraiment lieu d’être content ! Il y a eu quelques dérapages occasionnels, bien sûr, mais le déconfinement presque total depuis le 15 juin n’a pas, pour autant, miné les mesures de bon sens qui continuent à s’imposer, soit le port du masque, la distanciation sociale partout, la désinfection des mains. Le citoyen, secoué par ce qu’il voit sur la Toile et notamment des risques de deuxième vague, reste vigilant et masqué. C’est très bien, ainsi !

Le prix à payer a été lourd : Rs 140 milliards de roupies alimentées, «comme ça», par la Banque centrale pour soutenir l’emploi, financer le Budget et tenter de réparer la machine économique, stoppée nette pendant plus de trois mois. Le prix à récolter, la récompense de ces sacrifices ? Une île libérée du Covid-19, un pays blanchi de coronavirus. Ce qui engendre un problème particulier : que peut-on faire avec ce prix ?

On peut s’en vanter, c’est sûr, mais en terme pratique, cet état de virginité virale, comme toutes les virginités d’ailleurs, nous ne pouvons trop en exploiter l’attrait sans risquer de la perdre ! En effet, on aura beau imposer des protocoles, exiger des tests PCR dans les 48 heures avant un vol, isoler les visiteurs dans leur hôtel, il est un fait qu’aussitôt les frontières ouvertes sur des pays où le Covid-19 circule toujours, c.-à-d. presque 100 % des pays du globe, nous nous exposerons à réanimer la bête localement ! Si l’on souhaite privilégier la santé publique à tout prix, Air Mauritius et les autres transporteurs ne pourront faire route, pour le moment, que vers la Nouvelle Zélande, les îles Malouines et la Papouasie !

Il faudra donc prendre des risques car chaque mois qui passe, notamment sans touristes, ce sont au minimum Rs 5 milliards de plus qui ne s’encaissent pas et des emplois en suspens qu’il faudra financer. Pour être réaliste, on pourrait même se dire qu’il faudra apprendre à vivre avec le Covid-19, du moins jusqu’à l’arrivée d’un vaccin fiable, dans lequel cas notre virginité virale aura servi à quoi, d’autant que nous n’avons développé aucune immunité, ce qui rend le pays vulnérable ?

Une virginité que nous avons entachée depuis longtemps, celle-là : la probité dans les affaires. Les fausses garanties bancaires de PAD CO, probablement pour économiser les frais bancaires, peut-être aussi pour que la ligne de facilité de cette nature ne vienne pas réduire les autres possibilités d’emprunt de cette entreprise, ont fait la ‘Une’ cette semaine. Leçon ? Toute malhonnêteté finit par rattraper son auteur ! Le «success story» d’une famille et d’une vie a été ainsi mis à mal à tout jamais. Et aucune mise en liquidation volontaire ne saurait masquer les intentions derrière des transactions «baies vertes» de sauvegarde de dernière minute…

On voit aussi désormais apparaître, dans le sillage de questions parlementaires incisives, les microbes qui étaient à l’oeuvre pour profiter des situations d’urgence créées par le virus. On savait depuis longtemps que des fortunes pouvaient se construire en situation de guerre, profitant de pénuries temporaires. On sait maintenant, depuis l’affaire Saint-Louis, que les certificats d’urgence sont bien pratiques aussi pour éviter le long et douloureux processus du «competitive bidding» ouvert à tous. Surtout quand l’on peut tailler son offre «sur mesure». La pandémie de coronavirus était une autre occasion en or à ne pas rater par des affairistes de tout poil, souvent des reconvertis d’occasion.

Ainsi, une quincaillerie, un hôtel de charme et une agence de publicité se présentaient-ils génialement pour approvisionner le ministère de la Santé en achats d’urgence : masques, thermomètres, respirateurs, tests PCR, médicaments… Outre le fait que l’on importait 500 000 doses d’hydroxychloroquine passablement inutile et occasionnellement dangereux, le prix de certains items relevait véritablement… du stupéfiant. Certaines commandes, payées d’avance, n’auraient même pas encore été livrées et seront maintenant … inutiles ! Rs 1,5 milliard d’argent public ayant été dépensées, le besoin de transparence souligne la nécessite d’une commission d’enquête pour éclairer le public quant à l’usage frivole de son argent.

Quelques fois, en prenant connaissance de l’actualité, on pourrait désespérer de ce pays.

Cependant, cette même semaine, nous avons tous vus les premiers signes d’un comportement peut être porteur d’espoir. Je ne sais pas ce que contient le rapport BDO sur la SBM, mais il faut que la situation soit vraiment bien grave pour que les conseils d’administration de ce groupe soient menacés de révocation ! Il est évident qu’une telle nouvelle va faire mal à la SBM et aux directeurs concernés. Cependant, en même temps, elle révèle une indépendance d’action et un courage au niveau de la BoM et de son gouverneur, M. Seegoolam, qui étaient crucialement necessaires par ces temps où l’on désespérait de retrouver des institutions fortes et libres ! Cette action peut d’ailleurs aider à rassurer ceux qui voyaient dans la mollesse de nos régulateurs, la raison principale de notre glissade vers la liste grise de la FATF et celle, noire, de l’UE.

Coïncidence ou pas, c’est cette semaine encore que M. Thacoor, nouveau directeur de la FSC, choisissait de sortir de l’ombre et, dans une tentative de transparence, de parler des enquêtes en cours, ayant identifié 352 compagnies potentiellement a risque par rapport au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. L’accent, cette fois, est sur la gestion préventive des risques. Ce n’est pas négligeable. Si le travail est bien fait, sincère et indicateur d’une nouvelle ère, il est possible de croire qu’avec son Enforcement Manual, nous ferons des progrès suffisamment matériels pour convaincre le GAFI en septembre ? Le recrutement de dix consultants et lobbyistes pour nous aider à démontrer «the effectiveness» de nos régulateurs augure positivement aussi, encore qu’il faut faire attention aux chevaux de Troie et à l’hypocrisie des plus forts que nous.

Pendant longtemps, nous avons cru que le silence était d’or. Malheureusement, à l’ombre de ce silence, les microbes ont foisonné ! Parfois, jusqu’au point où l’on pourrait croire que notre île est une large plaie ouverte et purulente. Est-il maintenant clair que le meilleur remède pour contenir, voire détruire les microbes, c’est la lumière, la transparence, le grand air, les désinfectants et les «principes» qu’évoquent régulièrement notre PM, quand ils s’appliquent à tous, pareils ?

On oserait l’espérer quand on pense aux scandales des médicaments importés par de petits mignons, aux turbines de Saint-Louis, à Mme Sumputh, aux Rs 8 milliards de terrains Landscope transférés par Mme Hanoomanjee, au Prosecution Commission Bill, aux nominations politisées à l’Electoral Supervisory Commission, à Mmes Boygah, Choomka, Sohun, Gurib-Fakim, aux yeux de Sobrinho, à Soodhun et à Yerrigadoo, à MedPoint, aux contrats non-transparents que signe régulièrement notre pays (Mangalore, Agalega, Neotown, Safe City, Metro Express), à la politique «nou dimounn» en toute circonstance et… à leurs conséquences pour le pays.

Cependant, le ministre Seeruttun choisissait, cette même semaine, de ne pas faire un pas vers plus de transparences, en invoquant la clause 83(2) de la FSC Act pour ne pas déclarer les honoraires de ses consultants ! Or, cette clause est clairement pour protéger la confidentialité des transactions des entités que la FSC supervise et surement PAS pour sanctifier ses décisions administratives ! De la part du ministre de la Bonne gouvernance, c’est un carton jaune qui n’aide personne.