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Développement rural

26 novembre 2020, 10:56

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Développement rural

Quand on parle de développement, les Mauriciens tendent à imaginer ce que le gouvernement fait pour le pays. Des routes asphaltées, des bâtiments publics neufs et de nouveaux projets d’État sont vus comme des signes de développement. Ils sont frappants surtout dans les agglomérations rurales qui manquent d’infrastructures. Pourtant, le gros du développement économique est assuré par le secteur privé, auquel on associe plutôt le terme croissance, mais c’est du pareil au même.

C’est vers le gouvernement central que les nouveaux élus des conseils de village vont se tourner afin de tenir leurs promesses électorales. L’État fonctionne en mode centralisé, décidant des moyens qu’il veut bien accorder aux conseillers locaux pour développer leur localité. Il a fait voter pour les conseils de district un budget total de Rs 1,5 milliard pour l’année 2020-2021, soit 10 % moins que celui de 2019-2020… Tout passe par l’État centralisateur. En l’absence de décentralisation fiscale, la démocratie régionale est une farce.

Toujours est-il que, sans la présence d’entreprises privées, qui constituent le poumon de la vie économique, il n’y a point de développement. Une bonne partie de la richesse du pays est produite dans la campagne : les trois premiers piliers de l’économie mauricienne y sont solidement implantés, au vu du bon nombre d’établissements sucriers, d’usines textiles et d’hôtels, mais aussi de banques, de centres commerciaux et de prestataires de services.

Déjà à la fin des années 90, un conférencier africain qui faisait une visite guidée dans une région côtière chez nous fut surpris d’apprendre qu’il se trouvait dans un village. Pour lui, celui-ci avait tout l’air d’être une ville. Aujourd’hui, voit-on encore des différences réelles de développement entre nos villes et nos villages ?

Le développement rural concerne toutes les activités qui accroissent le bien-être des ruraux, notamment la satisfaction des impératifs vitaux (nutrition) et l’épanouissement du potentiel humain (éducation). Ce qui distingue une économie rurale, et la qualifie ainsi de traditionnelle, c’est l’agriculture, caractérisée par l’importance majeure du sol en tant que facteur de production, la campagne ayant de vastes terres cultivables.

Si Maurice est encore dominée par des champs agricoles à perte de vue, la contribution de l’agriculture à son économie a bien diminué, de 9,3 % en 1997 à 3,3 % l’année dernière. Le secteur agricole employait 40 300 personnes en 2019, mais sa part du nombre total d’emplois (6,9 %) fut la moitié du taux de 1994. Depuis longtemps, le pays n’est plus une économie agricole, mais une économie industrielle et, de plus en plus, une économie de services. Selon le recensement des activités économiques de 2013, les districts ruraux abritaient 37 % des grands établissements recensés, avec toutefois des disparités entre Pamplemousses (11,0 %) et Savanne (1,6 %).

Certainement, le développement est inégal entre villes et villages, et entre régions rurales. L’indice de développement relatif (RDI) de la République de Maurice, établi par Statistics Mauritius pour l’année 2011, était de 0.7663 sur une échelle de 0 à 1 (niveau le plus élevé de développement). Parmi les agglomérations urbaines, seulement quatre Municipal Wards (les 2, 3, 5 et 6 de Port-Louis) avaient un RDI inférieur à la moyenne nationale, alors que c’est le cas pour 77 Village Council Areas (VCA), excluant Rodrigues.

Il est toutefois bon de noter qu’une seule VCA (Le Morne) avait un RDI en dessous de 0.50, et deux VCA (Bois-des-Amourettes et Case-Noyale) moins de 0.60. On peut considérer que les autres ne sont pas mal en point. Et puis, parmi les cinq premiers du tableau se trouvent deux VCA, Moka et Flic-en-Flac, qui sont plus développées que Beau-Bassin, Rose-Hill, Curepipe et Port-Louis ! Il est grand temps de changer leur statut de village en ville pour les assujettir à la taxe immobilière.

Dans les années 70 et 80, les villes qui s’industrialisaient attiraient les travailleurs ruraux à la recherche d’emplois mieux payés. L’exode rural, avec l’insalubrité et la délinquance, a rendu l’urbanisation coûteuse, entraînant dans les villes des déséconomies comme les coûts de l’utilisation des ressources collectives. Ainsi, la vie urbaine n’a pas conservé son attrait devant l’essor rural, favorisé par la décentralisation industrielle, elle-même encouragée par l’expansion des marchés ruraux. Certes, le pourcentage urbain de la population est passé de 40,5 % en 1990 à 42,0 % en 2018, mais c’est seulement la part de Vacoas/Phoenix qui a augmenté, de 5,5 % à 8,7 %.

Une municipalisation des grandes agglomérations rurales telles que Triolet, Goodlands, Flacq et Mahébourg rendra justice à leur niveau actuel de développement. Aussi, il faudra fournir des incitations à l’implantation d’entreprises dans des zones peu développées afin de créer des emplois de proximité. Pour que le développement d’une si petite île ne soit pas urbain ou rural, mais simplement national.