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L’an II de la pandémie
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L’an II de la pandémie
L’économie mauricienne ne sortira pas de l’auberge en 2021, du moins pas avant les six premiers mois de l’année. Le premier semestre est semé d’embûches, une indication claire étant l’extension des Workers’ Rights Regulations 2020 jusqu’au 30 juin. C’est au second semestre qu’on pourrait apercevoir une lueur au bout du tunnel moyennant que le prochain budget national pose les balises de la reprise.
Lors d’une fête de fin d’année, le Premier ministre adjoint, Steven Obeegadoo, s’est appesanti sur «2021, année des municipales, de la victoire sur la Covid et de la relance économique». Voilà un aveu que l’économie n’a pas été relancée en 2020 malgré une injection massive de liquidités : le gouvernement s’est contenté de faire du renflouement sans créer un espace budgétaire ni réformer les structures économiques. Quant au coronavirus, il n’y a pas lieu d’être triomphaliste sur la vaccination, car l’immunité collective n’est pas pour demain : il fera des ravages pour une seconde année.
Reste qu’il est tout à fait juste de souligner les interactions entre la politique, la pandémie et l’économie, qui promettent de rendre 2021 une année imprévisible. Alors que l’économie est toujours dans les limbes (l’année fiscale 2020-2021 verrait une contraction du PIB de 7 % selon les prévisions du dernier budget), les nouvelles vagues du Covid-19 dans le monde n’arrangent pas les affaires de nos exportateurs et opérateurs touristiques. Cette année encore, la croissance économique dépendra davantage de la vitesse de circulation du virus que de celle de la monnaie, et l’emploi sera plus tributaire de l’efficacité des vaccins que d’un plan de relance.
Le Covid-19 continuera à avoir bon dos pour un gouvernement préoccupé par les affaires politico-judiciaires du moment, qui sont susceptibles de le fragiliser dans la perspective des élections municipales devant se tenir au plus tard en juin. D’ailleurs, dans son message du Nouvel An, le Premier ministre a pratiquement ignoré la situation économique, qui est pourtant le souci majeur des Mauriciens, choisissant un ton plutôt agressif qui sied mal à la crise actuelle.
C’est pourquoi, pour citer l’éditorial de Mauritius Times du 29 décembre dernier, «the road ahead is going to be very rough, and not only for Mauritius, though we may be hit the harder because of a number of vulnerabilities for which we are to a large extent responsible, such as the generous electoral goodies that have been distributed or the white elephant type projects the country has engaged in». Parmi ces derniers il convient d’inclure la non-rentabilité du Metro Express qui accueille en moyenne par jour seulement 14 000 passagers (dont beaucoup voyagent gratuitement), ce qui n’est pas sans rappeler l’échec de l’Air Corridor. On doute fort que l’intelligence artificielle suffise à vacciner notre économie contre la folie du «whatever it takes»…
Pour se dédouaner, on fera du métro un outil de populisme économique, l’arme favorite d’un gouvernement en perte de vitesse. On prétendra qu’un pays peut dépenser quoi qu’il en coûte, contrairement à une entreprise ou un ménage. Rien n’est plus faux, car ce sont les producteurs et les consommateurs qui financent les dépenses publiques. Alternativement, le Trésor public peut avoir recours à de la pure création monétaire, comme il le fait déjà, mais elle a des conséquences distributives incontrôlées en générant une inflation substantielle (au-delà de 3 % par an) qui appauvrit la masse des salariés au profit des détenteurs d’actifs financiers et immobiliers.
La présente année sera marquée par ces énormes déséquilibres économiques, perpétués par le financement des déficits publics, entre les dépenses improductives et la surcapacité de production, entre la bulle spéculative et l’économie réelle, entre l’insolvabilité des entreprises zombies et l’orgie monétaire, entre le surendettement des secteurs à haut risque et les taux de rendement réels négatifs. Si la Mauritius Bankers Association affirme que «le risque d’une crise financière reste bas», on ne comprend alors pas pourquoi la Banque de Maurice a reporté le moratoire sur les intérêts dus par les sociétés et pris en charge les intérêts exigibles sur les prêts en cours des ménages «to maintain the stability of the financial system». On n’est pas plus rassuré d’entendre dire que les tests de résistance effectués par la banque centrale sur les banques sont des «exercices théoriques» !
L’expansionnisme monétaire (faible taux d’intérêt et forte liquidité) continuera sur sa lancée, incitant non pas à réduire ces déséquilibres mais à accroître les dettes. Le ministre des finances trouvera toujours un prétexte pour grossir le budget de l’Etat parce que le coût d’endettement est peu élevé. Or, même si celui-ci est nul, il faut bien rembourser le principal de la dette. Et puis, dans de telles conditions, l’esprit de réforme disparaît.
Il reste l’intelligence naturelle des gens pour que le bon sens l’emporte.
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