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Test de solvabilité
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Test de solvabilité
On n’attend pas d’une association de banques qu’elle dise que le risque d’une crise financière est élevé. Dans l’express du 6 janvier dernier, le CEO de la Mauritius Bankers Association passait sous silence les risques d’insolvabilité dans le secteur bancaire (les banques n’ont pas suffisamment de fonds propres pour absorber les pertes) pour prétendre que c’est un manque de liquidité (les banques n’ont pas assez d’argent pour rembourser leurs dépôts) qui pourrait provoquer une telle crise. Comme il existe «un excès de liquidités sur le marché», celle-ci «devrait être évitée». Or un trop-plein de liquidités ne rend pas les banques solvables.
On n’attend pas d’une banque centrale qu’elle révèle que l’industrie bancaire n’est pas résiliente. Dans son Financial Stability Report de décembre 2020, la Banque de Maurice s’empresse d’écrire que «banks entered the Covid-19 period with relatively strong solvency and liquidity positions». Mais elle souligne qu’une banque deviendrait vulnérable si moins de 5 % de ses prêts productifs se transformaient en créances douteuses. La défaillance d’une banque, quelle que soit sa taille, peut en entraîner d’autres dans sa chute. D’ailleurs, toutes les banques ici sont soumises aux tests de résistance (stress testing), une mesure de contrôle prudentiel de la capacité de résistance des banques à un choc de crédit ou à une dégradation du marché.
On n’attend pas des tests de résistance qu’ils soient conçus de manière que trop de banques y échouent, car ils ont pour objectif d’éviter une défiance envers le système bancaire. Leur usage vise à rassurer les marchés financiers que le système est solide pour supporter des chocs systémiques. Dire que ces tests sont des «exercices théoriques», c’est jeter un doute sur l’affirmation du superviseur bancaire que nos banques «continue to remain solvent».
Car les tests de résistance sont avant tout des tests de solvabilité, un outil de la banque centrale pour évaluer les besoins en capitaux propres d’une banque. Ceux-ci servent à amortir les chocs liés aux variations de valeur des actifs de la banque, notamment les prêts et les obligations publiques et privées. Ces tests déterminent si, à la suite de pertes attendues sur les actifs, qui diminuent les capitaux propres, ces derniers représenteront au minimum 10 % des actifs pondérés au risque, un seuil en dessous duquel la banque n’est pas solvable.
Les tests de résistance ne sont utiles que s’ils conduisent les banques à se recapitaliser au-delà du niveau réglementaire. Ils demeurent quand même une approche administrative, étatique, de la gestion bancaire. Des gens externes à la banque, même s’ils sont des experts, ne peuvent pas anticiper sa profitabilité mieux que ses gestionnaires, et personne ne peut prévoir l’environnement macroéconomique futur. C’est le marché via le système des prix (coût des dépôts et des emprunts) qui établit le bon niveau de capitaux propres. Avant la faillite de l’Irlande en 2010, des tests de résistance de la Banque centrale européenne avaient conclu que les banques irlandaises étaient saines… En Angleterre, Northern Rock paraissait bien capitalisée jusqu’au jour de sa défaillance… Les tests de résistance doivent reposer sur des données fiables et détaillées, sinon des données incomplètes ou inexactes produisent des résultats qui donnent une fausse impression de sécurité.
Un meilleur critère pour estimer si une banque est solide ou fragile, c’est son niveau de levier, soit le total du bilan de la banque sur ses fonds propres. Plus ce levier est faible, moins elle est exposée à des créances douteuses, et plus elle est robuste pour affronter les répercussions d’un choc sur ses actifs. Avec un levier de 10 (le «capital to asset ratio» de notre industrie bancaire était de 10,6 % en septembre dernier), il suffit qu’une banque enregistre des pertes sur 10 % (1/10) de ses actifs pour qu’elle soit en faillite potentielle.
Les derniers tests de résistance de la Banque de Maurice traitent un scénario de base dans lequel les taux d’intérêt sont réduits de 50 points et la roupie se déprécie de 7 % contre le dollar. Voilà deux curieuses hypothèses sous lesquelles «the underlying rationale for the baseline scenario is that recovery would start soon in 2021». On ne les interprétera pas comme un signal ; néanmoins, la moyenne pondérée des taux sur les dépôts étant de 0,48 %, il n’est pas interdit de penser que la Banque centrale pourrait faire basculer les taux d’intérêt nominaux en territoire négatif.
Or la volatilité des taux d’intérêt et des taux de change est de nature à engendrer une crise d’insolvabilité. Une ruée vers les obligations et les devises fortes («flight to safety») fait chuter ces taux tandis que les prêteurs exigent qu’ils augmentent à mesure que l’inflation s’emballe. Mais incapable d’assainir les finances publiques avec une économie en berne, le gouvernement a recours à la création monétaire. Un scénario parfait de tempête financière.
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